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CHAPITRE IX.

LE BÉTAIL DE RENTE.

Le bétail de rente; son double rôle comme producteur de fumier et de produits destinés à la vente. - Choix des opérations animales débouchés et prix, nature des fourrages. Relation entre la culture et le bétail. Détermination des espèces à adopter dans chaque milieu. Races améliorées et races communes. Élevage et engraissement. Association des

espèces, des races et des opérations animales différentes dans une même exploitation. Troupeaux à effectif constant et troupeaux à effectif variable. Commerce du bétail: foires, marchés. Le bétail à l'inventaire.

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Le bétail de trait joue un rôle analogue à celui des machines; il ne donne pas de produits par lui-même et n'est qu'une charge pour la culture. Sa réduction est une source d'économies. Le bétail de rente est entretenu dans des conditions toutes différentes. C'est à la fois un agent de transformations intérieures et un agent de production. On a toujours trop de bétail de trait quand son importance dépasse les exigences de culture, on n'a jamais assez de bétail de rente pourvu qu'on puisse le nourrir convenablement.

La séparation du bétail de trait et du bétail de rente n'est pas toujours bien marquée. Les jeunes chevaux utilisés aux services agricoles pendant leur période de croissance appar

tiennent à la fois à l'une et à l'autre de ces deux catégories. En même temps qu'ils sont employés à la charrue ou aux transports, ils prennent une plus-value croissante qui se traduit par des recettes plus ou moins élevées. Il en est de mème des vaches qu'on soumet au joug: elles donnent à la fois du travail et du lait. Les boeufs peuvent également gagner en poids et en valeur tout en servant aux labours et aux autres opérations des exploitations rurales. Mais si, dans certaines circonstances, le bétail de trait se confond en partie avec le bétail de rente, il en est ordinairement bien distinct.

Spécialisés comme bêtes de rente, les animaux domestiques concourent cependant avec le bétail de trait à la fabrication du fumier. Sous ce rapport, ils ont tous des fonctions communes. C'étaient celles qui étaient considérées autrefois comme les plus importantes. Quand l'agriculture ne connaissait guère d'autres matériaux de fertilisation que les engrais de ferme, on jugeait de sa productivité par la masse de bétail qu'elle entretenait. Mieux ses étables étaient garnies, plus ses fumures étaient abondantes et ses récoltes élevées. L'abondance du bétail était le signe par excellence de la richesse agricole. L'idéal proposé consistait dans l'entretien d'une tête de bétail du poids de 500 kilogr., ou son équivalent, par hectare. Que cette densité animale soit obtenue par des bêtes de trait ou de rente, ce n'était qu'une considération d'ordre secondaire. L'essentiel était d'atteindre le but indiqué. Les systèmes de culture se classaient naturellement dans un ordre bien déterminé, par le poids des animaux qu'ils nourrissaient; le progrès consistait avant tout à l'auginenter. On n'a plus maintenant d'idées aussi arrêtées sur ce point. Sans méconnaître l'utilité du bétail comme producteur du fumier, qui est encore l'agent de fertilisation par excellence de l'agriculture, on sait qu'on dispose de

moyens éprouvés pour suppléer à son insuffisance, et même qu'il n'est plus indispensable de l'obtenir sur place. L'industrie agricole tend à se spécialiser de plus en plus. Si le poids spécifique du bétail comporte des indications précieuses, elles ne sont plus aussi démonstratives que celles qui en dé coulaient autrefois. Nos cultures les plus riches sont généralement encore celles qui entretiennent le plus d'animaux, ce ne sont pas exclusivement cependant celles qui sont dans cette situation. Les vignes à grands rendements du Midi en sont un exemple, elles ne comportent pas l'entretien d'autres animaux que de ceux qui sont indispensables à leur culture, à moins qu'elles ne soient accompagnées de pâturages à moutons, plus ou moins étendus. Leur fumure n'est pas pour cela plus négligée.

Le bétail n'est plus essentiellement une machine à fumier, c'est une source de produits destinés à la vente. La transformation des fourrages et des pailles en engrais passe de plus en plus au rang de détail accessoire, ce qui ne veut pas dire insignifiant. Dans la direction de ses opérations animales, l'agriculteur vise à obtenir la plus grande somme possible de valeurs réalisables; il use pour cela de procédés très différents suivant les milieux dans lesquels il se trouve placé. Ses déterminations dépendent des circonstances économiques et des circonstances culturales.

Les cours des différents produits d'origine animale dans les centres de production ont une action évidente sur les déterminations des cultivateurs. Ceux-ci travaillent en vue du marché, et ce sont ses besoins qui règlent leurs préférences. Quel que soit l'objet qu'on demande, ils se mettent rapidement en état de le fournir si on leur en offre un prix suffisant pour leur faire abandonner d'autres combinaisons moins rémunératrices. L'activité se dirige toujours du côté des entreprises les plus lucratives; la demande appelle

l'offre et la développe. Dans les conditions ordinaires, cependant, les prix des produits animaux se maintiennent, les uns par rapport aux autres, dans un rapport qui ne varie pas beaucoup.

L'équilibre qui existe entre eux ne peut guère être modifié d'une manière permanente que par la différence des frais de transport des lieux de production aux centres de consommation; ce n'est qu'une quantité presque toujours négligeable. Sauf pour le lait et les fromages frais, qui ne supportent pas de longs voyages, les débouchés sont à peu près relativement identiques partout. Ce n'est donc pas d'eux, en définitive, que dépend, en principe, dans un pays comme la France, le choix des opérations qui sont basées sur l'exploitation du bétail.

Les conditions culturales exercent, au contraire, une influence décisive. Suivant la nature des principales productions fourragères qui sont à la disposition des cultivateurs, ils se livrent de préférence à telle ou telle entreprise spéciale. Sauf exception, comme dans le voisinage des villes, par exemple, et pour les animaux de trait dont on ne peut se passer, les meilleurs animaux sont ceux qui sont les mieux organisés pour utiliser les aliments disponibles. On ne commence pas à se prononcer en agriculture, en faveur d'un genre de production spéciale, pour se demander ensuite quelles sont les dispositions à prendre pour assurer sa réussite. Le problème zootechnique consiste à entretenir les animaux qui utilisent de la manière la plus parfaite les ressources fourragères disponibles. Sans doute on cherche à concilier les exigences de la culture avec celles du bétail, mais les modifications de la culture sont très limitées à côté de celles du bétail. Ce n'est pas la culture qui se règle sur les besoins du bétail, c'est le bétail qui se plie aux nécessités de la culture.

Le rôle des animaux domestiques est subordonné à l'organisation agricole; il n'en est que l'effet et non la cause. On ne crée pas des herbages pour élever des bœufs, on élève des bœufs pour utiliser les herbages. On ne cultive pas la betterave à sucre dans l'intention d'obtenir des pulpes pour l'engraissement, on engraisse pour utiliser les pulpes. La zootechnie moderne n'insiste pas toujours assez, suivant nous, sur cet ordre de considérations. Ses enseignements, qui reposent sur des données scientifiques inattaquables, sont des guides certains pour la composition des rations. Ils rendent de très grands services aux agriculteurs, mais ils ne suffisent pas pour leur indiquer quel est le meilleur usage qu'ils peuvent faire des aliments qu'ils obtiennent. La question en présence de laquelle on se trouve le plus souvent n'est pas tant de savoir ce qu'il faut donner à un animal pour en obtenir les produits les plus considérables, que de savoir quelles sont les combinaisons qui doivent permettre de tirer le parti le plus avantageux de matières alimentaires données.

En résumé, la nature des fourrages disponibles exerce sur le choix des espèces animales une action beaucoup plus considérable que celle des circonstances économiques. C'est ainsi que le cheval se retrouve surtout dans les pays à herbages substantiels, dans ceux qui récoltent des fourrages secs et de l'avoine. Le bœuf a sa place marquée dans les contrées à fourrages plus grossiers et plus encombrants; c'est un bon consommateur de racines et de pulpes. Le mouton est tout indiqué pour l'utilisation des pâturages peu productifs, ainsi que pour celle des jachères et des chaumes des plaines à céréales. Quant aux porcs et aux animaux de basse-cour, l'importance de leur élevage est réglée surtout par les déchets qui peuvent leur être abandonnés.

La détermination des espèces à adopter dans un système

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