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ne peuvent être que de courte durée; il importe qu'elles aient aussi de larges débouchés, parce qu'il faut pouvoir en écouler facilement et rapidement les produits. Dans de semblables conditions, il n'y a guère que l'engraissement de possible. Il peut aller assez vite pour qu'en trois ou quatre mois au plus il soit poussé à un degré suffisant; le marché, d'un autre côté, ne fait jamais défaut, et l'on peut vendre ses animaux gras quand on le désire. C'est d'ailleurs cette opération de l'engraissement qui est devenue un des plus précieux auxiliaires de la culture de nos pays à betteraves, et elle est de celles qui ont le plus largement contribué à leur prospérité.

Les entreprises zootechniques demandent, comme les entreprises culturales, des connaissances particulières, mais elles réclament, en outre, des aptitudes commerciales, sans lesquelles les meilleurs procédés n'aboutissent qu'à des mécomptes. Quand on s'occupe de bétail, il faut savoir vendre et acheter, et cette science des échanges est d'autant plus nécessaire que les animaux sont plus souvent renouvelés. Sans insister sur les ruses des maquignons, auxquelles on doit prendre garde de se laisser tromper, il importe de distinguer de l'ensemble général les sujets dont les aptitudes aux services qu'on veut leur imposer sont les plus prononcées. Ce n'est pas tout, le moment des approvisionnements et des liquidations des étables n'est pas indifférent. Il peut y avoir de grands profits à retarder ou à avancer ses opérations; certains moments sont plus favorables que d'autres, et c'est beaucoup que de choisir les meilleurs. Les bénéfices qui résultent des variations de prix ne sont pas moins palpables que ceux que donne l'entretien même du bétail, ils ne méritent pas moins d'attention. L'opinion est, du reste, si bien fixée sur ce point que nos cultivateurs se tiennent soigneusement au courant des valeurs des produits agricoles. Dans les

pays de bétail, plus qu'ailleurs, ils suivent avec intérêt les. marchés et les foires de leurs environs. On leur reproche souvent des déplacements incessants, qui leur font perdre en courses multiples un temps qu'ils pourraient mieux employer. Les réunions les attirent de toutes sortes de manières et leur fournissent un prétexte commode pour se couvrir près des autres et près d'eux-mêmes des absences qu'ils se permettent; ils se laissent facilement aller à en abuser. L'excès est poussé si loin dans certaines contrées qu'il confine au vice. Chaque marché est l'occasion de dépenses qui s'ajoutent aux charges de la culture et finissent par rompre l'équilibre des petits budgets. Le mal atteint parfois des proportions regrettables, mais il a son origine dans un besoin. de renseignements indispensables dont on ne peut méconnaître la nécessité.

Que l'entretien du bétail provoque des mouvements de fonds plus ou moins rapides, il représente, dans tous les cas, une des parties les plus intéressantes du capital d'exploitation. Les écritures des cultivateurs doivent en mentionner la valeur. Pour fournir des indications intéressantes, les estimations ont besoin d'être appuyées d'un état descriptif par espèce et par individu. Les prix sont variables d'une époque à l'autre; ils n'apprennent que bien peu de chose. Leur évaluation résulte, du reste, d'appréciations personnelles sur lesquelles il peut y avoir des divergences. Sans renseignements destinés à en faire ressortir la vérité, on peut les contester avec raison. Accompagnés de notes précises sur le sexe des animaux, leur âge, leur taille, leur provenance et leur poids, ils acquièrent immédiatement une signification importante. A l'examen d'un inventaire bien fait, on doit voir, en même temps que la valeur du bétail, la manière dont il est composé.

De tous les éléments qui exercent de l'influence sur le prix

des animaux, le poids est le plus important. S'il ne joue qu'un rôle secondaire pour l'espèce chevaline, il est le principal facteur qui sert de base à l'estimation des bêtes des espèces bovine, ovine et porcine. Au chiffre qui l'exprime, on peut juger, d'une manière au moins grossièrement approchée, de l'élévation du capital bétail. Son maximum est de 500 kilogr. environ pour nos systèmes de culture les plus avancés. A raison de 0 fr. 70 par kilogr., ce qui est un cours plutôt élevé que faible pour le moment, c'est une valeur de 350 fr. Dans nos pays de culture triennale de la Beauce et de la Brie, ce poids est de 200 kilogr. environ. Sur les mêmes bases, on arrive à 140 fr. Pour les régions dans lesquelles domine l'usage de la jachère biennale, le poids total du bétail correspond à 100 kilogr. en moyenne; c'est encore 70 fr.

Comparée au montant de la valeur du matériel agricole, celle du bétail est bien plus élevée. Son acquisition entraîne des dépenses qui sont très souvent deux fois plus fortes, quelquefois supérieures encore, pour les modes d'exploitation qui reposent sur les plantes annuelles. Les systèmes de culture qui ne se préoccupen: pas des questions de l'alternance des récoltes présentent évidemment, sous ce rapport, des particularités spéciales. Dans les pays d'herbages, les animaux forment la majeure partie du capital d'exploitation; ils se réduisent à quelques bêtes de trait dans nos grands vignobles du Midi; la culture forestière n'en a pour ainsi dire aucun besoin.

CHAPITRE X.

LES ENGRAIS

I. LES ENGRAIS DE FERME ET LES ENGRAIS COMMERCIAUX.

Avances nécessaires à la culture.

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La fertilisation naturelle - Le fumier de ferme. Production

du sol. Les engrais. et consommation. Composition. Échange de pailles et de fumier. Entretien de troupeaux en vue de la production du fumier. Vente du fumier au poids et au volume. Systèmes de culture basés sur la vente du fumier. · Engrais commerciaux boues de villes, tourteau, guano. Principes élémentaires des matières fertilisantes: azote, acide phosphorique, potasse. Sources du nitrate de soude, des phosphates minéraux et du chlorure de potassium. Comparaison entre

le fumier de ferme et les engrais chimiques.

Le mobilier du cultivateur, son matériel et son bétail constituent des valeurs qui ne changent pas de forme. Il est toujours facile d'en constater matériellement l'existence. Ce sont des capitaux dans lesquels on ne rentre définitivement qu'au moment de la liquidation complète de ses entreprises. Les avances annuelles qu'exige l'ensemble des opérations culturales ne sont pas aussi faciles à évaluer parce qu'elles ne se présentent pas sous un aspect aussi frappant. Elles résultent des dépenses successives de la culture qui précèdent naturellement ses recettes. Quelques déboursés peuvent être

retardés et quelques rentrées avancées par l'effet de combinaisons plus ou moins habiles; mais, quels que soient les systèmes adoptés, il faut supporter d'abord la plus grosse partie des charges d'une exploitation avant d'en percevoir les bénéfices. Qu'on renvoie le payement du fermage et de ses ouvriers à la fin de l'exercice, qu'on use du crédit de ses fournisseurs, on ne se soustrait jamais complètement à des sacrifices anticipés. C'est qu'on ne récolte pas sans avoir semé, qu'on ne touche pas le fruit de son travail avant de l'avoir exécuté, qu'il faut vivre en attendant le moment de vendre ses produits.

Sans revenir sur l'énumération, que nous avons donnée au début de ce travail, des éléments des avances indispensables dans la plupart des entreprises agricoles, et sans vouloir en aborder l'étude détaillée, ce qui nous entraînerait à entrer dans des observations minutieuses qui ne comporteraient pas d'application générale, nous devons nous arrêter cependant à l'étude des matières premières dont les transformations constituent un des principaux objets de l'agriculture.

Rien ne se crée et rien ne se perd dans notre monde. Tout n'y est que transformation. Le mot de production n'a d'autre sens que celui d'arrangement, de changement ou de combinaison. L'agriculture n'a pas, à ce point de vue, de privilège sur les autres branches de l'activité humaine. Ses récoltes et ses animaux sont formés, de toutes pièces, d'éléments préexistants que l'art du cultivateur consiste à mettre en œuvre de la manière la plus profitable. Des apparences trompeuses ont pu faire accepter des opinions erronées ; elles ont même induit en erreur, au siècle dernier, les premiers économistes, les physiocrates. On sait qu'ils avaient cru devoir faire de l'industrie agricole la seule industrie créatrice de richesses par opposition aux industries manufacturière et

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