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crire des formalités étroites pour les expertises, et 2° à spécifier les méthodes à employer.

Les formalités imposées sont indiquées de la manière sui

vante:

Des trois exemplaires de chaque échantillon d'engrais ou d'amendement, l'un est remis au vendeur, l'autre est transmis à un chimiste expert pour servir à l'analyse, le troisième est conservé, en dépôt, au greffe du tribunal de l'arrondissement, pour servir, s'il y a lieu, à de nouvelles vérifications ou analyses. Dans le cas où la prise d'échantillon a lieu d'un commun accord ou à la requête de l'acheteur, les parties peuvent convenir du choix d'un chimiste expert. En cas de désaccord, ou en cas de prise d'échantillon d'office, le chimiste expert est désigné par le juge de paix du canton, sur la réquisition du magistrat qui a procédé à l'opération, ou, à son défaut, de la partie la plus diligente. L'échantillon est remis au chimiste expert; en même temps transmission est faite à celui-ci de la copie, des énonciations de provenance et de dosage formulées par ce vendeur conformément aux art. 3 et 4 de la loi (art. 9). L'expertise est faite par l'un des chimistes experts désignés par le Ministre de l'Agriculture sur une liste revisée tous les ans. Les frais sont réglés d'après un tarif réglé aussi par le Ministre (art. 10). L'analyse doit être effectuée dans un délai de dix jours (art. 11). Les résultats sont consignés dans un rapport qui indique les tolérances d'écart admissibles, en tenant compte du degré d'homogénéité dont l'engrais est susceptible, des changements qu'il a pu subir suivant sa nature entre la livraison et l'analyse, et enfin du degré de précision des procédés d'analyse suivis. Ce document donne l'avis de son auteur sur les circonstances qui ont pu, indépendamment de la volonté du vendeur, modifier la composition de l'engrais (art. 13).

Le rapport du chimiste expert est déposé au greffe du tribunal qui a procédé à la désignation de l'expert. Avis du dépôt est donné par l'expert aux parties intéressées, au moyen d'une lettre recommandée. Si le vendeur conteste l'analyse, il doit faire sa déclaration dans un délai de huit jours à partir du jour du dépôt, le jour de la notification non compris. Dans ce cas, le troisième exemplaire de l'échantillon est soumis à une contreexpertise par un chimiste expert choisi sur la liste dressée par

le Ministre et désigné par le président du tribunal de l'arrondissement où il a été procédé à la prise d'échantillon (art. 14). Le chimiste expert, chargé de la contre-expertise, fait, dans les huit jours à partir de celui où l'échantillon lui a été remis, l'analyse de l'engrais ou de l'amendement et rédige son rapport dans les formes indiquées ci-dessus (art. 15). Le rapport du chimiste expert chargé de la contre-expertise est déposé au greffe du tribunal civil où il a été procédé à la prise d'échantillon. Avis du dépôt est donné par l'expert aux parties intéressées, au moyen d'une lettre recommandée (art. 16). Les rapports des chimistes experts, ensemble les procès-verbaux de prise d'échantillon sont transmis au Procureur de la République pour y être donné telle suite que de droit (art. 17). Cette transmission a lieu par les soins du chimiste expert, dans les huit jours qui suivent l'expiration du délai imparti par l'art. 15 pour contester l'analyse, quand l'analyse n'a pas été contestée par le vendeur et par ceux du chimiste chargé de la contre-expertise, au cas où il a été procédé à cette opération, dans les quarante-huit heures qui suivent la clôture du rapport (art. 18).

Ce n'est rien moins, comme on le voit, qu'un code de procédure spécial à l'application de la loi du 4 février 1888. Sa discussion nous entraînerait au delà des limites que nous nous sommes fixées dans cet ouvrage, nous n'y insistons pas.

La détermination des méthodes d'analyse, par voie de règlement d'administration publique, était particulièrement délicate. Les travaux scientifiques ne se plient pas facilement aux décisions d'un corps délibérant; ceux qui s'y livrent n'acceptent pas volontiers des dispositions impératives. Ces considérations n'ont cependant pas arrêté le législateur; il a passé outre. Les chimistes n'ont plus maintenant le choix de leurs méthodes; ils sont obligés d'employer celles qui leur sont imposées.

L'échantillon doit être amené d'abord à un état d'homogénéité parfaite. On dose l'azote nitrique par sa transformation en bioxyde d'azote; l'azote ammoniacal par la distillation en présence d'un alcali; l'azote organique par la chaux

iodée; l'acide phosphorique total, sous forme de phosphate ammoniaco-magnésien, qu'on calcine pour le transformer en pyrophosphate; l'acide phosphorique en combinaison soluble dans l'eau, par un procédé semblable, après traitement par l'eau distillée en évitant un contact prolongé, l'acide phosphorique en combinaison soluble dans le citrate d'ammoniaque, de même, après avoir traité la matière à froid par le citrate d'ammoniaque alcalin, en laissant le contact se prolonger, pendant douze heures, la potasse enfin, par le chloroplatinate de potasse ou le perchlorate (art. 12). Ces indications ne mentionnent que le principe des mé. thodes, elles sont développées d'une manière plus complète dans le règlement d'administration publique, qui reconnaît lui-même ses lacunes. Après les avoir données, il ajoute en effet: «Le Ministre de l'Agriculture règle, par une instruction, sur l'avis conforme du comité consultatif des stations agronomiques et des laboratoires agricoles, les détails de chacun des procédés d'analyse mentionnés ci-dessus (art. 12). Le but poursuivi n'est donc autre que la rédaction d'un guide uniforme qui transforme en une série d'opérations purement machinales des recherches qui passent pour demander beaucoup de raisonnement et de tact. Nous doutons, malgré tout ce que l'on a dit en faveur de ce système, de son succès.

L'unification des procédés d'analyse, souvent réclamée, ne peut résulter que de la supériorité bien établie d'une méthode sur les autres. Nous craignons qu'elle ne soit, du reste, plus dangereuse qu'utile. Peut-être fera-t-elle disparaître sur les dosages des différences qui provoquent tant de réclamations, ce n'est pas sûr. Elle sauvegardera difficilement les intérêts en jeu. Sans opérations différentes, il n'y a pas de contrôle. Ce n'est pas en reprenant une multiplication qu'on fait ordinairement la preuve de la multiplication, mais en

changeant l'ordre des facteurs, si même on ne préfère recourir à une division, et c'est la seule manière logique d'en constater l'exactitude. Il n'y a de certitude sur les résultats d'une analyse chimique que lorsqu'ils sont confirmés, non seulement par la répétition de la même analyse, mais chaque fois que la chose peut se faire, par une nouvelle analyse conduite sur d'autres principes. Nous préférons, pour nous, des écarts, si étendus qu'ils soient, à une uniformité qui provient de la similitude des moyens employés. On se concertera, dit-on, pour agir de même; nous estimons que toute entente est dangereuse. L'unification préparée des méthodes d'analyse nous paraît, si nous osons nous exprimer ainsi, comme une abdication de la chimie. Sa réalisation est d'ailleurs très difficile, chaque dosage demandant des précautions spéciales selon l'état et la richesse des produits à examiner. Des tentatives ont été, du reste, faites dans ce sens, et elles n'ont pas abouti jusqu'à présent. Le Comité consultatif des stations agronomiques a cru déjà devoir signaler, en les recommandant, des méthodes étudiées avec beaucoup de soin; ses indications ont provoqué des observations qui ont considérablement amoindri la valeur des conseils qui ont été donnés. Nous craignons qu'on ne fasse pas mieux dans l'avenir.

Le règlement d'administration publique que nous venons d'analyser a pour compléments, en dehors des instructions prévues pour les chimistes, deux arrêtés du Ministre de l'Agriculture: l'un qui constitue un corps spécial, comme une corporation de chimistes experts, auxquels sont adjoints les professeurs départementaux d'agriculture, mais seulement pour le prélèvement des échantillons; l'autre qui fixe à 10 fr. par élément dosé, et à 25 fr. pour le rapport, le tarif d'analyse des engrais. Ces prix sont le double de ceux qui sont généralement demandés par les laboratoires privés.

Si des observations que provoquent les différentes dispositions de la loi nous passions à celles que soulève l'esprit qui la domine, nous aurions à faire des critiques d'un ordre surtout abstrait. Cette loi vise, en effet, une catégorie spéciale de commerçants qu'elle soumet à un régime d'exception. Elle implique une espèce de suspicion particulière à leur égard, et ce n'est jamais sans inconvénient qu'on déroge au droit commun, qu'on traite une catégorie de personnes, occupées d'affaires industrielles, avec plus de rigueur que d'autres.

Le Code pénal (art. 423) punit les tromperies sur les matières d'or et d'argent, sur la qualité d'une pierre fausse vendue pour fine, sur la nature enfin de toute marchandise, mais sur sa nature seulement et non sur sa qualité. Ses rédacteurs ont évidemment pensé que la loi ne devait pas intervenir dans les détails nombreux des opérations commerciales et qu'il était préférable de laisser aux particuliers le soin de défendre leurs intérêts. Les parties lésées peuvent d'ailleurs toujours soumettre leurs réclamations aux tribunaux ordinaires, et ce n'est que dans les cas véritablement graves que l'ordre public exige une sanction pénale pour réprimer des faits délictueux.

Les dispositions du Code pénal ont paru cependant insuffisantes. Elles ont été complétées successivement par une loi du 27 mars 1851, qui punit les falsifications des matières médicamenteuses et alimentaires, et deux lois, dont l'une du 5 mai 1855, et l'autre du 14 août 1889 (loi Griffe), explicatives et complémentaires de la précédente, qui s'appliquent aux boissons. La loi du 27 juillet 1867, remplacée maintenant par celle du 4 février 1888, concerne la vente des engrais. Une loi du 15 mars 1887 réglemente le commerce du beurre; on semble enfin disposé à proposer des mesures semblables pour les huiles d'olive. Il n'y a pas de raison pour qu'on s'arrête dans cette voie. Le souci de la santé publique

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