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mestique nourri à l'année, d'après M. Théron de Montaugé. Nous avons donné ces chiffres dans nos études sur la Propriété. On peut accepter les coefficients que l'on croira devoir adopter pour transformer ces quantités en valeurs, en remarquant que le vin donné aux domestiques de l'Hérault, et supprimé pendant la crise phylloxérique, ne doit pas être compté plus de dix à douze centimes le litre. L'ouvrier du Sud-Ouest est moins exigeant, comme on le voit, que celui du Sud-Est.

C'est le pain qui forme l'élément essentiel de la ration des domestiques de ferme. Une consommation de cinq à sept hectolitres de blé représente plus d'un kilogr. par jour. Après le pain, viennent, pour la plus grande partie du tout, les légumes secs et les pommes de terre, à peu près seuls dans le Midi, augmentés de lard dans le Nord. La viande fraîche. n'apparaît sur la table des ouvriers de ferme qu'aux jours de fête. Comme boisson, on se contente presque partout d'eau, sauf au moment des grands travaux, où l'on fait un usage modéré des liqueurs fermentées. Les vignobles à grande production du Midi ne limitent, pour ainsi dire pas, la distribution du vin; les domestiques en exigent sur tous les points où ils cultivent la vigne, mais ils s'en passent assez facilement, à quelque distance seulement. Dans l'Ouest, le cidre, et dans le Nord, la bière, constituent la boisson ordinaire.

A titre d'exemple, nous donnerons, d'après les notes recueillies au cours de notre savant maître, M. Louillet, le détail des frais de la nourriture d'un domestique à l'ancienne École d'Agriculture de la Saulsaie vers 1868. Les ouvriers y étaient sensiblement mieux traités que dans les fermes avoisinantes de l'arrondissement de Trévoux. La viande fraîche revenait sur la table de la ferme deux fois par semaine à raison de 0 kilogr., 333 par repas, et le vin y figurait pour

un demi-litre par homme. Ces additions au régime ordinaire des travailleurs des environs constituaient, sur sa composition, de sérieuses améliorations.

La consommation des vivres représentait, dans ces conditions, les valeurs et les quantités suivantes :

Pain: 1 kilogr. par jour, soit 365 kilogr. par an

à 0 fr. 25 le kilogr..

Viande: 38 kilogr. par an à 1 fr. 10..

Vin 190 litres par an à 0 fr. 25.....
Fromage: 18 kilogr. par an à 1 fr. 10.
Légumes secs: 10 kilogr. à 0 fr. 30..
Pommes de terre: 270 kilogr. à 0 fr. 3...
Légumes verts (produits du jardin, salades, etc.)
Lard (pour assaisonner les légumes): 20 h. à 1 fr. 20
Beurre ou saindoux : 10 kilog. à 1 fr. 10.....
Huile 7 kilogr. 50 à 1 fr. 20.
Vinaigre 4 litres à 0 fr. 40..

Sel 10 kilogr. à 0 fr. 15...

Valeur totale de la nourriture.....

Ce qui fait en nombre rond: 0 fr. 70 par jour.

91.25

41.80

47.50

19.80

3.00

7.10

mémoire

24.00

11.00

9.00

1.60

1.50

257.55

Dans cette somme de vivres de toutes espèces qui s'élève à 257 fr., le vin intervient pour 47. Sa suppression la ramènerait à 210. Or, sur ces 210 fr., le pain figure pour 91 fr., près de la moitié. Cette simple observation montre quelle est l'influence que peut exercer son prix sur les frais de l'existence de l'ouvrier. Ses moindres variations se traduisent pour lui par des différences importantes, et il est facile de comprendre l'intérêt avec lequel il les suit. Elles n'ont au contraire qu'une importance tout à fait secondaire pour les fortunes même les plus modestes, celles des petits capitalistes, des petits négociants, des fonctionnaires, etc.

Les aliments ne sont pas tout dans les frais qu'entraîne l'entretien des domestiques; il faut les préparer, il faut entretenir, en outre, un certain mobilier. M. Lœuillet comptait pour ces différents objets :

Houille 1 hectol. par tête et par jour, 365 hectol. par au à 0 fr 04.....

Service de la cuisine: une servante à 600 fr. par an, nourriture comprise, dont les deux tiers du temps sont pris par les soins d'un ménage de

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14.60

13.33

4 »

.....

Entretien du mobilier de literie, etc.

6 »

Blanchissage, raccommodage, etc....

16 »

53.93

En résumé, aux dépenses de vivres qui s'élèvent à la

somme de.....

s'ajoutent des dépenses accessoires..

257.55

53.93

qui donnent un total général de...... 311.48 ou 310 fr. pour les dépenses afférentes à la nourriture et au logement de chaque domestique.

Dans nos départements du Nord, on renonce de plus en plus à l'habitude de nourrir les ouvriers à la ferme; ils prennent leurs repas à une cantine voisine. Ce système s'est généralisé, notamment aux environs de Saint-Quentin, depuis 1840. D'après M. Risler, on avait majoré d'abord les salaires de 1 fr.; il a fallu les augmenter en dernier lieu de 1 fr. 40, mais les ouvriers du Nord sont probablement plus exigeants que ne le sont encore ceux de la Dombes.

Les revenus des journaliers dépendent du nombre de journées de travail qu'ils peuvent occuper dans l'année.

Supposons qu'ils n'aient pas de temps perdu. Déduction faite des dimanches, des jours de fête, de quelques jours de repos, il leur est bien difficile de prétendre à plus de 300 journées complètes. Estimons-les à 2 fr. 50, ce qui est une moyenne satisfaisante, cela fera un produit de 750 fr. ou de 62 fr. 50 par mois. Si le journalier n'avait qu'à subvenir à ses besoins, il y parviendrait sans trop de peine en se contentant du régime ordinaire des domestiques; il trouverait à se loger pour 50 à 60 fr. par an. Sa nourriture et son logement lui reviendraient à 350 fr. environ; il lui resterait 300 fr. pour son habillement et ses dépenses diverses. Mais le journalier a le plus souvent femme et enfants, et les charges qui résultent de l'entretien de sa famille rendent souvent sa position très dure. La période qui suit l'établissement des nouveaux ménages est toujours pénible. Quand la mère est débarrassée des soins qu'exigent ses jeunes enfants, et que tous les membres de la famille apportent leur concours à l'œuvre commune, quand les profits de tous se réunissent, l'aisance revient; elle dure jusqu'au moment où la vieillesse et les infirmités qui en sont inséparables créent de nouveaux embarras en ramenant la gêne au foyer, quand ce n'est pas la misère. On ne connaît pas assez les conditions d'existence des cultivateurs; c'est faire œuvre utile que de les mettre en relief, comme le fait actuellement M. H. Baudrillart dans ses descriptions si intéressantes des mœurs, coutumes, etc., des Populations agricoles de la France. Ses ouvrages montrent notre pays sous son véritable jour. On ne s'en fait qu'une idée incomplète, quand on ne pénètre pas dans les détails de l'existence de ses habitants.

CHAPITRE XVII.

LE TRAVAIL ET LES SALAIRES.

IV. LA PROGRESSION DES SALAIRES.

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Les modifications des salaires agricoles dans le temps. mentation des salaires dans l'Aisne, dans le Cher, dans les Vosges, dans l'Anjou, dans l'Oise. Élévation des salaires d'après la statistique officielle. Variations des salaires dans l'Hérault de 1750 à 1770, de 1770 à 1789, de 1789 à 1820, de 1820 à 1848, de 1848 à 1852, de 1852 à 1875, de 1875 à 1885, Situation des classes ouvrières agricoles. Nourriture; son insuffisance. Régime de l'ouvrier américain. - Examen des systèmes de culture au point de vue des intérêts des travailleurs.

de 1885 à 1890.

Le sort de l'ouvrier varie avec les situations, mais son bien-être est toujours en rapport avec le niveau de la richesse générale. C'est dans nos départements les plus riches que son salaire atteint, chez nous, son maximum. Les cultures les plus lucratives sont celles qui lui assurent la meilleure position. On ne saurait comprendre, d'ailleurs, qu'il en soit autrement. Le capitaliste et l'ouvrier profitent des produits de la coopération de leurs efforts dans la mesure même de leurs produits; la part qui revient à chacun d'eux est en raison directe des valeurs créées par eux. On ne gagne beaucoup qu'en produisant beaucoup, et ce n'est qu'en réalisant une

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