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rétribuer plus largement. Il semble donc rationnel de les apprécier par les résultats qu'elles réalisent. Une semblable méthode de comparaison ne s'applique cependant rigoureusement qu'à des propriétés situées dans un même milieu et d'une importance à peu près égale; on s'exposerait à se faire de profondes illusions en la généralisant.

Quand le profit entre en relations étroites avec le capital, il n'échappe pas à l'influence des circonstances diverses qui agissent sur l'intérêt. Son taux varie d'un lieu à un autre, s'élevant ou s'abaissant suivant la rareté ou l'abondance des capitaux, et aussi suivant les risques auxquels ils sont exposés. Ce n'est pas la même chose que d'obtenir 10 pour cent de son capital en France, ou de l'obtenir en Algérie, aux colonies, ou encore dans des pays à peine ouverts à la civilisation. Ce n'est pas la même chose que d'en obtenir 10 pour cent avec des cultures dont les rendements et les prix ne comportent que peu d'aléas, que de les obtenir avec des cultures incertaines, dont les produits sont essentiellement variables, comme celle de la vigne dans beaucoup de régions. Si ce n'était l'espoir de bénéfices plus élevés, on ne se déciderait pas à abandonner un pays qu'on connaît, dans lequel on a des relations personnelles, où l'on trouve des satisfactions de toute nature, pour aller s'installer au loin; on préférerait les opérations plus calmes et plus sûres. Les mêmes raisons qui rendent les capitaux de plus en plus exigeants à mesure que leur surveillance est plus difficile, et leur existence plus exposée, agissent sur les entrepreneurs en relevant leurs prétentions.

L'importance des capitaux engagés dans les opérations agricoles est à prendre aussi en sérieuse considération dans la discussion de la signification des profits. La direction d'une grosse affaire demande beaucoup plus d'intelligence que celle d'une petite; ses résultats ont une toute autre portée.

Au fond, on recherche moins à faire quelques bonnes spéculations au milieu d'autres fort ordinaires, que de retirer de la masse totale de ses ressources les revenus les plus considérables. Mieux vaut pour la société un bénéfice relativement modeste, mais général, que des bénéfices exceptionnels et limités. Le profit total domine le profit partiel. A niveau égal, il augmente d'importance à mesure qu'il s'étend à de plus fortes masses de valeur. La diminution du taux du profit n'est pas inconciliable d'ailleurs avec l'amélioration de la situation des producteurs; elle peut être plus que compensée par l'augmentation du capital mis en œuvre, et c'est ce qui se passe généralement. Tout en gagnant de moins en moins pour cent, on arrive cependant à gagner réellement de plus en plus. L'accumulation des capitaux oblige à se contenter de revenus de plus en plus restreints. Si l'on ne consentait à l'abaissement de leur rémunération, on ne leur trouverait pas d'emploi. En définitive, un dividende de 10 pour cent sur un million représente un excédent de recette beaucoup plus considérable qu'un dividende de 20 pour cent sur 2 ou 300,000 fr.; il suppose plus d'habileté.

L'intérêt des entrepreneurs suffit partout, du reste, pour les engager à développer leurs affaires en restreignant leurs exigences, sans renoncer à accroître leurs profits totaux, en cherchant même à les élever; ils se contentent de bénéfices de plus en plus réduits, et par unité de capital mis en œuvre, et par unité de produit fabriqué. L'augmentation des profits a donc, comme nous l'avons déjà dit, pour corollaire inévitable la diminution du prix des productions. C'est une loi essentiellement harmonique de l'Economie politique.

FIN.

APPENDICE

NOTE COMPLÉMENTAIRE SUR LES BANQUES ITALIENNES.

Nous avons signalé, pag. 445, sur la foi d'informations empruntées à divers journaux, la cessation des payements à laquelle avaient été contraintes par les événements plusieurs banques d'Italie, en citant dans leur nombre les banques populaires de Naples et de Sicile. Des protestations se sont produites au nom de ces derniers établissements; les faits portés à la connaissance du public ne sont pas exacts. Nous reproduisons bien volontiers, au dernier moment, la rectification qui est donnée et, si nous avons un regret, c'est de ne pouvoir la généraliser autant que nous le désirerions.

Montpellier, le 19 mai 1890.

F. C.

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