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d'un appareil quelconque, il faudrait en faire une étude approfondie et prolongée; il y a des défauts qui ne se révèlent qu'avec le temps, ce n'est pas en quelques journées qu'on est en mesure d'exprimer sur leur valeur un avis définitif.

L'embarras qu'on éprouve à classer des instruments augmente encore pour ceux qui sont le mieux connus. Entre des types d'origine différente, on hésite d'autant plus, avant de se prononcer, que ceux qui sortent des maisons sérieuses se distinguent par des qualités réelles. Tous sont établis d'une manière rationnelle, et se font remarquer seulement par des particularités qui leur sont spéciales. Parfois l'excellence du travail est sacrifiée, dans une certaine mesure, à la simplicité des organes. Il n'est pas facile de tout concilier, et l'on ne gagne généralement d'un côté qu'à la condition de perdre de l'autre. On rencontre enfin des machines qui sont créées spécialement pour les concours et qui ne résisteraient peut-être pas à un service continu. On comprend donc que les opinions puissent être partagées. Si, dans un même jury, on se met assez facilement d'accord, il n'en est pas de même pour des jurys qui agissent isolément. C'est ainsi que les mêmes appareils sont souvent classés suivant un ordre différent dans plusieurs concours qui ont lieu en même temps. Celui qui est regardé comme le meilleur à Amiens peut n'arriver qu'en deuxième ligne à Lyon, et en troisième à Rennes. Ici, il passe avant ses concurrents; ailleurs, il ne vient qu'après eux. Les divergences d'opinion, qu'on n'a pas de peine à relever, prouvent seulement qu'entre instruments sortis de bonnes fabriques il n'y a souvent pas de raisous décisives pour donner a priori la préférence à l'un plutôt qu'à l'autre; elles montrent les progrès de la machinerie agricole et sont plus encourageantes que regrettables. Ce n'est pas à dire qu'on doive s'en rapporter au

hasard dans les choix qu'on peut avoir à faire; il faut, au contraire, tenir grand compte de la destination des appareils, des conditions dans lesquelles ils doivent être mis en œuvre, de la disposition des terrains, de l'habileté des ouvriers, des facilités de réparations qu'assure l'industrie locale, et d'une masse d'autres circonstances qu'il serait trop long d'énu

mérer.

Les machines qui dominent dans les concours régionaux, et même aux concours généraux annuels du Palais de l'Industrie à Paris, celles qui ont occupé les vastes galeries de l'Exposition universelle de 1889, constituent des engins d'une application très étendue. Ce sont, en quelque sorte, des appareils classiques connus de tous les agriculteurs iustruits par les descriptions qu'en donnent les journaux et les ouvrages agricoles, sinon par leurs observations directes. On se tromperait grandement cependant si l'on prétendait juger par eux du matériel agricole usuel de la France. La place qu'occupent les instruments dans les expositions n'est pas du tout proportionnelle à leur importance dans les exploitations rurales. Les machines de concours sont surtout des machines nouvelles, celles qu'on désigne du nom de perfectionnées; les machines usuelles, spéciales à chaque région, celles dont on fait le plus grand usage, ne s'y présentent qu'exceptionnellement. Si l'on veut les voir, il faut les chercher dans les exhibitions plus modestes, mais non moins intéressantes des Comices ou des Sociétés locales d'agriculture. Il y a des constructeurs et des dépositaires dont les instruments sont répandus sur tous les points de la France, dont la clientèle est aussi dispersée que nombreuse; ce sont ceux dont le nom est conuu partout. D'autres répondent seulement aux besoins des cultivateurs de leurs environs; ils font beaucoup moins de bruit, mais ils rendent, dans leur ensemble, des services considérables. La publicité et la

réclame n'augmenteraient pas beaucoup leurs affaires, ils n'en usent qu'avec réserve. Les expositions les plus simples leur suffisent.

Si même on tient à se faire une idée très exacte des machines propres à chaque pays, c'est dans les fermes qu'il faut les examiner. Chaque région a ses instruments qu'on retrouve à peu près uniformément dans toutes les exploita tions, ils appartiennent à des types consacrés par la tradition, qui ne se modifient qu'avec une extrême lenteur. Leur conservation proteste contre les critiques qu'on leur adresse, et ils ont probablement pour eux des qualités méconnues. Les propriétaires qui les conservent n'ont aucun intérêt à les exposer; ils ne se montrent pas dans les solennités agricoles. Ce sont ceux sur lesquels on a le moins de renseignements. Les traités d'agriculture ont, eu ce qui les concerne, des lacunes regrettables qu'il serait utile de combler.

CHAPITRE IV.

LES INSTRUMENTS DE LABOUR ET DE TRANSPORT.

L'approfondissement graduel des labours: ses conséquences culturales. LA CHARRUE; principe sur lequel elle repose. Surface labourée par journée de travail. · Relation entre le nombre des charrues et l'étendue des exploitations.- Labours de défoncement; méthodes diverses employées pour les effectuer; saison préférable pour leur exécution. - Défoncements aux cabestans. Labourage à vapeur et à l'électricité. LES INSTRUMENTS D'AMEUBLISSEMENT DU SOL: Les herses, les scarificateurs, les rouleaux, les houes à cheval. Valeur du matériel aratoire. LES INSTRUMENTS DE TRANSPORT: Poids des marchandises à transporter, charrettes et chariots, chemins de fer portatifs.

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Ce n'est pas assez que de jeter un coup d'œil d'ensemble sur les machines agricoles pour apprécier leur rôle et juger de leur utilité; il faut les regarder de plus près. Sans s'arrêter à chacune d'elles, on peut les examiner avec profit par groupes principaux. Elles se répartissent assez naturellement d'ailleurs en un certain nombre de classes qui correspondent à des ordres d'opérations différentes.

L'exploitation du sol comporte, avant tout, son ameublissement. C'est la terre qui fournit aux plantes le point d'appui qui leur est nécessaire, c'est dans sa masse que leurs racines vont puiser les matériaux qui assurent leur nutrition. Sa

préparation est donc l'objet des premiers soins du cultiva

teur.

La couche de terre qui est désagrégée est la seule que la culture met à profit. Elle ne saurait, par conséquent, avoir trop de profondeur. C'est une espèce de magasin qui sert de logement pour les substances fertilisantes et de réservoir pour les eaux pluviales. Ses dimensions règlent ses appro visionnements, et c'est de leur importance que dépend, en grande partie, l'abondance de la production. L'approfondissement de la couche arable est donc une condition essentielle des améliorations agricoles. C'est par les travaux qui permettent d'y arriver qu'elles débutent et qu'elles se poursuivent. Le perfectionnement de la culture est ainsi intimement lié à celui des labours, dont il n'est que la conséquence.

Il ne faudrait pas croire cependant qu'il suffise d'attaquer énergiquement le sol à l'aide d'instruments puissants pour transformer immédiatement la situation d'un pays. Les changements des procédés d'exploitation ne s'improvisent pas. Sauf de rares exceptions, dont on aurait tort évidemment de ne pas chercher à profiter, ils n'exigent pas seulement des avances plus ou moins considérables, mais ils demandent encore beaucoup de temps. Tout se tient dans une organisation rationnelle, on ne touche pas à un détail sans être obligé d'en modifier d'autres. Si l'on veut augmenter l'intensité de la culture, en forçant le sol à donner de plus riches récoltes, il faut compter sur un accroissement de matériel, d'engrais, de bétail et de main-d'œuvre. L'accumulation des épargnes marche bien rarement avec une assez grande rapidité pour permettre d'aborder, sans danger, de coûteuses innovations. A chaque jour suffit une tâche modeste; c'est s'exposer que de dépasser ses moyens. Disposerait-on de capitaux à discrétion, pourrait-on les puiser à

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