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CHAPITRE III

ATTRIBUTIONS DU COLLÈGE DES FÉTIAUX

Les attributions des Fétiaux étaient multiples et se rattachaient à différents ordres d'idées que nous avons déjà esquissées en disant ce que c'était que les Fétiaux. Ambassadeurs et juges de droit public, les Fétiaux connaissaient de tout ce qui avait trait aux relations extérieures de Rome. C'est incontestablement comme juges de droit public que les Fétiaux ont acquis à Rome une importance si considérable; en cette qualité nous les voyons s'occuper des contestations survenues entre Rome et ses voisins, étudier à fond les motifs et les causes de ces différends, et décider avec impartialité de quel côté étaient le droit et la justice, sachant, quand le devoir et l'honneur le commandaient, mettre un frein à la fougue parfois irréfléchie des premiers Romains. Comme juges de droit public, les Fétiaux avaient aussi à s'occuper des plaintes des étrangers contre les citoyens romains; ils devaient les apprécier et y faire droit si elles leurs paraissaient fondées, ne s'inspirant dans leurs décisions que des principes les plus purs du juste et de l'honnête. Si un ambassadeur, au mépris de l'inviolabilité consacrée, avait été offensé par un citoyen romain, aux Fétiaux incombait le soin de punir le coupable, et d'offrir au peuple étranger, en la

personne de son représentant, les réparations et les excuses de la République. C'est encore en la même qualité qu'ils avaient à se prononcer sur l'opportunité des traités de paix ou d'alliance, et aussi sur la contexture ou formes solennelles de ces actes internationaux qu'ils devaient annuler purement et simplement s'ils ne répondaient pas aux exigences du droit fétial. C'est en vertu de ce pouvoir que nous voyons les Fétiaux annuler le traiter conclu entre les Samnites et les deux consuls après la défaite des Fourches Caudines (1). Ce traité avait été conclu hors la présence des Fétiaux et en l'absence des formalités exigées en pareille occasion.

En qualité d'ambassadeurs, les Fétiaux représentaient à l'étranger dans certains cas le Sénat et le peuple romain, par exemple pour aller déclarer une guerre, conclure un traité, ou même remettre aux mains de l'étranger un citoyen coupable. Dans ces divers cas, ce n'est plus le corps. entier des Fétiaux qui agit, ce sont quelques membres seulement du collège, qui sont chargés de représenter la République. Généralement, c'était au nombre de quatre les Fétiaux allaient en mission sous la conduite du pater patratus: « Fetiales legatos res repetitum mittebant quator, dit Varron; les Fétiaux envoyaient quatre délégués pour adresser des réclamations (2). » Le nombre de quatre n'avait rien d'obligatoire et quelquefois les Fétiaux envoyés en mission n'étaient que trois; cela résulte de plusieurs textes de Tite-Live: (III, 25) « Les ambassadeurs envoyés par Rome, Q. Fabius, P. Volumnius, A. Postumius, se rendirent au camp des Éques. » (XXXI, 2) « Trois

que

(1) Tite-Live, IX, 8.

(2) Varron, de Vita populi romani.

Ambassadeurs, C. Claudius Néron, M. Emilius Lepidus, Sempronius Tuditanus, furent envoyés à Ptolémée, roi d'Égypte.» (XXXI, 8). « Pendant ce temps Cnéius Servilius Copio, Ap. Claudius Centha, T. Annius Luscus, envoyés en Macédoine pour adresser des réclamations et pour rompre l'alliance avec le roi, retournèrent à Rome.» Il y a même des cas où la mission se réduisait, paraît-il, à deux membres : « Fetiales oratores duo sunto; que deux Fétiaux soient porteurs de paroles, » dit Cicéron (1). C'est ce qui avait lieu le plus ordinairement pour les conclusions de traités (2) et quelquefois aussi en cas de réclamations à adresser aux peuples étrangers : «Legati P. Valerius Flaccus et Q. Boebius Tampilus Saguntum ad Annibalem atque inde Carthaginem missi; les ambassadeurs P. Valerius Flaccus et Q. Boebius Tampilus envoyés auprès d'Annibal, à Sagonte d'abord, et de là à Carthage (3). » Ainsi le nombre des Fétiaux envoyés en mission à l'étranger variait de deux à quatre. Nombreux, avons-nous dit, étaient les cas où, en qualité d'ambassadeurs, les Fétiaux se trouvaient en contact direct avec l'étranger. Le plus fréquent était sans contredit le cas de guerre, comme il était aussi le plus important. C'était aux Fétiaux qu'incombait le soin d'adresser aux peuples étrangers les réclamations que Rome croyait devoir leur faire, de leur préciser nettement les exigences du peuple romain, et les réparations auxquelles il avait droit, puis lorsque le moment d'en venir aux mains avait sonné, c'était encore aux Fétiaux qu'incombait la charge de faire la déclaration de guerre.

(1) Cicéron, de Legibus, II, 9.

(2) Tite-Live, IX, 6.

(2) Tite-Live, XXI, 6,

En qualité d'ambassadeurs, les Fétiaux avaient tous pouvoirs pour la conclusion des traités de paix ou d'alliance, et leur collaboration rendait ces actes inviolables et sacrés aux yeux de tout Romain. Rome était responsable des dommages que commettaient ses nationaux à l'égard des étrangers; c'est pour cette raison que nous voyons les Fétiaux livrer aux peuples offensés tout citoyen romain qui a insulté un ambassadeur étranger ou lésé un pérégrin.

Les Fétiaux qui étaient à la fois juges et embassadeurs avaient en même temps certaines attributions qui les rat tachent en quelque sorte aux corps sacerdotaux. Ils étaient, comme la plupart des fonctionnaires romains des premiers siècles, revêtus d'une espèce d'autorité religieuse qui a toujours été diminuant au fur et à mesure que la religion perdait de son prestige et de sa force. Sans accorder aux Fétiaux le titre de prêtres et de pontifes, il faut reconnaître qu'à côté de leurs fonctions judiciaires et diplomatiques ils devaient accomplir certaines cérémonies, accessoires indispensables de tout acte important de la vie publique à Rome, et dont le caractère religieux s'affirme en maintes occasions. Chaque fois que les Fétiaux ont un acte quelconque à accomplir ou une mission à entreprendre on est sûr de les voir se livrer à quelques cérémonies et sacrifices pour invoquer la divinité et se la rendre propice. Au moment où la guerre vient d'être décidée par le Sénat des sacrifices interviennent. Ce sont les Fétiaux qui les accomplissent en présence des consuls et des plus hauts dignitaires de la République. Des prières étaient adressées aux dieux pour le succès des armées romaines. Plus tard, quand le peuple avait ratifié la décision du Sénat

et décidé que la guerre était nécessaire, de nouveaux sacrifices, de nouvelles prières intervenaient pour la deuxième fois (1). Il en était de même au moment de la conclusion des traités. Des prières étaient adressées aux dieux, des sacrifices avaient lieu, des victimes étaient immolées pour prendre la divinité à témoin de la pureté d'intention des parties contractantes. Si l'on en croit Festus, c'est à cet usage d'immoler une victime au moment de la conclusion d'un traité que l'on doit l'expression ferire fœdus que nous traduisons par les mots conclure un traité (2). Dans ce cas, c'est le pater patratus qui est chargé d'accomplir le sacrifice en frappant lui-même la victime. Le porc paraît avoir été l'animal de prédilection des Romains pour ces sortes de sacrifices; les divers peuples de l'Italie le tenaient, en effet, en grande vénération et le considéraient comme un animal sacré (3). Varron nous apprend que c'était un usage admis depuis fort longtemps, puisque, dit-il, il remonte aux mystères de Cérès : « C'est par les porcs, dit cet auteur, que paraît avoir commencé l'usage d'immoler des bestiaux ; les traces de cet usage remontent jusqu'aux mystères de Cérès où l'on tuait des pores. Aux cérémonies des traités de paix, aux mariages des anciens rois et des grand de l'Étrurie, dans toutes ces circonstances on immolait un porc (4). » Virgile ne fait que confirmer

(1) Tite-Live, XXXVI, 1.

(2) Festus, au mot Fetiales.

(3) Voir à ce sujet l'Histoire des Romains de M. Duruy (nouvelle édition illustrée, tome I, page 94), où est reproduit le fac-similé d'une médaille de l'embradur Papius Mutilus représentant deux chefs samnites jurant sur un porc maintenu par un soldat à genoux, et lome II, page 535, le fac-simile d'une monnaie datant de la guerre sociale représentant huit chefs samnites jurant sur un porc de s'affranchir de la domination romaine.

(4) Varron, de Lingua latina.

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