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SECTION DEUXIÈME

ce que c'était QUE LES FÉTIAUX, ORIGINE DE L'INSTITUTION

Il ressort des ouvrages des auteurs grecs et latins que les Fétiaux étaient, aux premiers temps de Rome, des magistrats, sortes de hérauts d'armes qui nous sont présentés comme les juges ou médiateurs de la paix et de la guerre ; ils veillaient à ce que les Romains ne fissent aux peuples voisins aucune guerre injuste, allaient en mission. chez les peuples dont Rome croyait devoir se plaindre, y exposaient les griefs du peuple romain, et, s'ils n'obtenaient pas justice après trois réclamations successives, ils déclaraient la guerre à ce peuple. Par contre, si des peuples étrangers avaient à se plaindre de dommages à eux causés par des citoyens romains, les Fétiaux examinaient leurs plaintes, et, si elles paraissaient fondées, leur livraient les coupables. Ils connaissaient encore des insultes faites aux ambassadeurs étrangers. Ils jugeaient également de la contexture et de l'observation des traités et alliances, examinaient si le peuple romain pouvait conclure tel ou tel traité, en réglaient les formes et les conditions, enfin ils déclaraient nul tout traité qui n'avait pas été conclu selon un rite traditionnel qu'ils conservaient religieusement dans un code spécial. Les Fétiaux étaient aussi comme les augures de la politique; ils ne faisaient rien sans l'ordre exprès du chef de l'État, roi, sénat ou empereur, suivant que l'on se place aux différentes périodes de l'histoire romaine. En un mot, on peut dire des Fétiaux qu'ils étaient les représentants

autorisés du peuple romain et du Sénat dans tous les actes de la vie internationale. « Fæctiales apud veteres Romanos erant qui sancto legatorum officio ad his, qui adversum populum romanum vi aut rapinis, aut injuriis hostili mente commoverant, pignora facto foedere jure repetebant, nec bella indicebantur, quæ tamen pia vocabant, priusquam id fuisset Fætialibus denuntiatum (1). »

A cette époque primitive, où l'association étroite entre l'État et la religion était une condition essentielle à l'existence des peuples, les Fétiaux présentaient un caractère religieux commun à toutes les magistratures romaines :

les préteurs, les censeurs, les édiles curules, dit M. Fustel de Coulanges, présidaient à des fêtes religieuses; il n'y avait pas de magistrat qui n'eût à accomplir quelque acte sacré, car, dans la pensée des anciens, toute autorité devait être religieuse par quelque côté (2). »

Mais cependant il ne faut pas exagérer le caractère religieux des Fétiaux ; ils étaient magistrats, juges de droit public, plutôt que pontifes. Cicéron nous le dit en propres termes « Fœderum, belli, pacis, indutiarum oratores, fetiales, judices duo sunto, bella disceptando; que deux Fétiaux soient porteurs de paroles et juges pour les traités, la paix, la guerre, les trêves; qu'ils discutent la guerre (3). » Il est vrai que quelques textes les qualifient de pontifices ou sacerdotes, ce qui pourrait faire supposer qu'ils étaient prêtres ou pontifes. Le Recueil d'Orelli contient plusieurs inscriptions où le mot fétial est accompagné de l'une ou de l'autre de ces épithètes (4). Mais ces docu

(1) Nonius, de Proprietate sermonum, page 529, 17. (2) Fustel de Coulanges, la Cité antique, page 212.

(3) Cicéron, de Legibus, II, 9.

(1) Orelli. Recueil d'inscriptions latines. Numéros 2215, P. Cornelio. D. F.

pu

ments n'ont nullement la signification qu'on pourrait leur attribuer. Nous verrons bientôt qu'il n'y a aucune incompatibilité entre les fonctions de Fétial et celles de prêtres attachés aux divers pontificats et corps sacerdotaux, si nombreux dans l'ancienne Rome; dès lors, il a bien se faire que, parmi les Fétiaux, il s'en trouvât quelquesuns qui fussent en même temps membres d'un collège de prêtres, ce qui expliquerait parfaitement la dénomination de pontifices et de sacerdotes que nous avons vu accompagner le mot fétial.

Une autre raison qui porte à penser que chez les Fétiaux l'élément religieux n'était que secondaire, c'est qu'ils ne figurent pas parmi les collèges sacerdotaux des Romains: << Pontifices, Augures, Viri sacrorum, Viri epulonum, les quatuor amplissima collegia, » pour employer une expression chère aux auteurs latins. Aucune inscription digne de foi, aucun texte authentique ne range les Fétiaux dans la catégorie des grands collèges (1). Les Fétiaux étaient chargés de veiller au respect des traités et de faire observer les règles admises par Rome dans ses rapports avec les étrangers, et ce n'est qu'accessoirement qu'ils étaient chargés d'accomplir les rites religieux qui faisaient partie des cérémonies dont ils étaient les fidèles observateurs. Leur mission était plutôt politique que sacerdotale. « Archives vivantes qui perpétuaient par la tradition orale le souvenir des traités passés avec les cités voisines, les Fétiaux ont été pour le droit des gens ce qu'étaient les pon

Lentulo Scipioni pontifici feliali; 3186, Pontifici Sodali Antonino Veriano Fetiali; 5502 et 6020, Sacerdoli Fetiali.

(1) Le Monumentum Aneyranum, tab., II, liber XVI, où les quatre grands collèges sacerdotaux des Romains sont énumérés, laisse les Fétiaux en dehors des grands collèges.

tifes pour le droit sacré; pas plus qu'eux ils ne prononçaient la sentence, mais comme eux ils montraient la loi ; quelque haut placés qu'ils fussent, en effet, quelque puissantes et étendues qu'aient été leurs attributions, jamais on n'oublia que les membres des collèges sacrés n'avaient pas le droit de jussion, mais de simple avis seulement. Aussi le premier des prêtres marche-t-il après le roi et ne le conseille que quand il en est requis. En dépit des suggestions de la piété, Rome a toujours maintenu inflexiblement cette maxime que le prêtre doit demeurer sans puissance dans le gouvernement, et que, loin qu'il ait d'ordre à donner, il doit, comme tout citoyen, obéissance au plus humble des officiers publics (1). »

ORIGINE DE L'INSTITUTION DES FÉTIAUX. Est-ce à Numa Pompilius, à Tullus Hostilius ou à Ancus Martius que revient l'honneur d'avoir créé cette institution? Nous n'en savons rien au juste. Ce qui est à peu près certain et admis par la plupart des auteurs modernes, c'est que les Romains n'ont point eu l'idée première du droit fétial. La vérité est que cette institution était connue bien avant la fondation de Rome, et que les Romains, en se l'appropriant, n'ont fait que suivre une coutume répandue depuis longtemps chez les différents peuples italiques. Des témoignages de l'histoire il résulte en effet que cette institution existait chez les Albains (2), chez les Ardéens (3) ou Ardéates, chez les Samnites (4), les Sabins, chez les Falisques d'Étrurie (5) et les Équicoles (6). Il est même bon

(1) Mommsen, Histoire Romaine, tome I, page 232.

(2) Tite-Live, I, 24.

(3) Denys d'Halycarnasse, Antiquités romaines, II,72. (4) Tite-Live, VIII, 39; IX, 1

(5) Servius, ad Æneidem, X, 14.

(6) Tite-Live, I, 32.

ments n'ont nullement la signification qu'on pourrait leur attribuer. Nous verrons bientôt qu'il n'y a aucune incompatibilité entre les fonctions de Fétial et celles de prêtres attachés aux divers pontificats et corps sacerdotaux, si nombreux dans l'ancienne Rome; dès lors, il a bien pu se faire que, parmi les Fétiaux, il s'en trouvât quelquesuns qui fussent en même temps membres d'un collège de prêtres, ce qui expliquerait parfaitement la dénomination de pontifices et de sacerdotes que nous avons vu accompagner le mot fétial.

Une autre raison qui porte à penser que chez les Fétiaux l'élément religieux n'était que secondaire, c'est qu'ils ne figurent pas parmi les collèges sacerdotaux des Romains: << Pontifices, Augures, Viri sacrorum, Viri epulonum, les quatuor amplissima collegia, » pour employer une expression chère aux auteurs latins. Aucune inscription digne de foi, aucun texte authentique ne range les Fétiaux dans la catégorie des grands collèges (1). Les Fétiaux étaient chargés de veiller au respect des traités et de faire observer les règles admises par Rome dans ses rapports avec les étrangers, et ce n'est qu'accessoirement qu'ils étaient chargés d'accomplir les rites religieux qui faisaient partie des cérémonies dont ils étaient les fidèles observateurs. Leur mission était plutôt politique que sacerdotale. « Archives vivantes qui perpétuaient par la tradition orale le souvenir des traités passés avec les cités voisines, les Fétiaux ont été pour le droit des gens ce qu'étaient les pon

Lentulo Scipioni pontifici feliali; 3186, Pontifici Sodali Antonino Veriano Fetiali; 5502 et 6020, Sacerdoti Fetiali.

(1) Le Monumentum Aneyranum, tab., II, liber XVI, où les quatre grands collèges sacerdotaux des Romains sont énumérés, laisse les Fétiaux en dehors des grands collèges.

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