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il s'abandonne par tout aux faillies les plus bizarres, fans refpect ni pour la Langue Latine qu'il fe plaît à défigurer, ni pour le bon fens qu'il affecte de choquer avec une licence éfrénée. Le plus célébre de fes Ouvrages, c'eft fon Poëme Macaronique, dont Baldus, perfonnage chimérique eft le héros, comme Enée l'eft de l'Enéïde.

Phantafia mihi quædam Phantaftica venit Hiftoriam Baldi groffis cantare camænis Altifonam cujus famam nomenque gaïar

dum

Terra tremit, Barathrumque metu fe cagat adoffum.

fon

Comme l'Auteur étoit Italien, ftile Macaronique n'eft pas comme parmi nous du François, mais de l'Italien corrompu en terminaifons Latines; ce qui le rend difficile à entendre à ceux qui ne fçavent pas parfaitement l'Italien. Le nom de Macaronique vient, dit-on, de l'Italien Macarone, un homme groffier, balourd, ou du nom de Macaroni,dont les Italiens appellent une certaine pâ

te qu'ils aiment. Quoiqu'il en foit ce Poëme fut reçû avec applaudiffement dans un fiecle où des bouffonneries pedantesques tenoient lieu d'ef prit & d'enjouëment, & où les Anagrammes, les Vers retournés, les Logogryphes paffoient pour des ouvrages de bon goût.

Le fuccès de ce Poëme donna envie à divers Auteurs d'en imiter le ftile, & il ne leur fut pas difficile de réüffir. La contagion passa jusques en France par un effet du grand commerce que les François avoient alors avec l'Italie. Ainfi le Poëme fut traduit en nôtre Langue par un Traducteur qui ne fe nomme point, & dont nous ignorons le nom. .La perte n'en eft grande ni pour lui ni pour nous. On vient aujourd'hui de réimprimer cette Traduction ancienne & Gauloife, telle qu'elle parut, il doit y avoir environ cent cinquante ans, fans qu'on y ait changé ni ajouté aucune fyllabe. Voilà tout le compte que nous avions à rendre de ce Livre. S'il méritoit qu'on en fît l'extrait, nous ne ferions pas peu embarraffés;

tres,

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on n'en peut rien dire de raifonnable, finon que c'eft un tiffu d'extravagances entaffées les unes fur les aufans autre fuite ni liaison que le déréglement d'une imagination échauffée qui s'abandonne aux idées les plus bizarres. Heureufement la pudeur y eft un peu ménagée, & il faut en fçavoir gré à un Auteur de ce caractére; mais d'ailleurs l'honnêteté des expreffions en eft abfolument bannie, & on n'eft point furpris que de tels ouvrages ayent attiré à l'Auteur de mauvaises affaires de la part de fa Congrégation.

On nous annonce dans le titre que ce Poëme a fervi de modéle à Rabelais, c'est de quoi nous ne déciderons pas; nous aimons mieux le croire fur la parole de l'Editeur

que de nous mettre en état d'en juger. Mais un imitateur de fi mauvaise réputation ne fait guères d'honneur à fon modéle. Si les Poëfies Burlefques de Scarron venoient de la même fource

on pardonneroit plus volontiers à l'original; mais il paroît que la compofition burlefque de Scarron eft d'u

ne efpece toute différente.

Pour ce qui eft du Poëme de l'horrible bataille des Mouches & des Fourmis, ce n'eft qu'une copie de la Batrachomyomachie d'Homere, ou attribuée à Homere, qui ne méritant pas d'être imitée, n'a jamais produit, & ne produira jamais que de mauvaifes imitations. On peut même ofer dire quelque chofe de plus avec Martial. Turpe eft difficiles habere nugas, Et ftultus labor eft ineptiarum.

Nous n'ajouterons plus qu'une obfervation; c'est que s'il étoit vrai, comme il arrive en effet affez fouvent, que les Auteurs fe peignent eux-mêmes dans leurs Ouvrages fans le fçavoir, ceux qui fe donneront la peine de lire ces deux Poëmes Macaroniques, n'auront pas une idée trop avantageufe de la vertu de tempérance de Dom Théophile Folengio; car on ne peut guéres donner de plus violents foupçons de gourmandife qu'il en fait naître dans l'efprit de fes Lecteurs femblable en cela au P. L** qui, fans y penfer, s'eft auffi

attiré fur ce point une réputation dont il fe feroit bien paffé. Il y a pourtant une différence entre ces deux bons Religieux; c'eft qu'il paroît, que le P. L** ne faifoit cas que des bons ragoûts & des morceaux friands; au lieu que Don Théophile Folengio n'a fur cela aucune délicateffe. Des crêpes, des baignets, des boudins, de la boüillie, voilà fon ambrofie & fon eau d'hypocrene pour bien chanter. Il n'en parle qu'avec extafe; mais nous finiffons d'en parler, car c'est du tems perdu.

ARTICLE VIII. NOUVELLES LITTERAIRES.

D

MOSCOVIE.

DE PETERSBOURG.

Epuis que les Lettres fe font fait jour jufqu'en Ruffie, leurs progrès deviennent plus fenfibles par le concert & la noble émulation de tous les Membres qui compofent l'Academie des Sciences établie à Pé

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