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une fois transportés à Paris (1638), ne furent pas aliénés de la famille bénédictine, mais déposés dans l'abbaye de Saint-Germaindes-Prés. La Congrégation de Saint-Maur avait le droit de tenir le noble langage que nous venons d'entendre: témoin le manuscrit d'Amiens dont ils ont été les fidèles gardiens du IX° au XVII° siècle. C'est encore une raison de supposer que nous sommes innocents de la mutilation dont le contemporain de cet antique monument a été victime. Ce devrait être aussi, pour M. Renan, un nouveau motif de retirer ses mesquines insinuations.

Mais il faut avancer, et nous avons à demander maintenant aux deux critiques :

XI

A QUOI BON MUTILER LES MANUSCRITS D'OCCIDENT, SI ON LAISSE SUBSISTER LES VERSIONS ORIENTALES?

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Nous avons établi précédemment, au point où nous en sommes il importe de le rappeler, que le fragment du chapitre VII de notre apocryphe ne contient en aucune façon « la négation directe » ni la négation indirecte de « la prière pour les morts."

D'un autre côté, nous avons pu remarquer combien PseudoEsdras est peu étranger à la doctrine catholique de la prière des justes pour les pécheurs, lui qui rappelle la prière des saints personnages de l'Ancien - Testament pour leurs contemporains (1). Or la prière pour les vivants nous mène

verses bibliothèques d'Oxford (117) et au Musée britannique (70), ce savant n'a rencontré notre apocryphe que treize fois. Douze MSS. du livre se sont offerts à ses recherches parmi les cent MSS. de la Bible latine que possède la ville de Cambridge. Notre Champagne est richement dotée, relativement. Voici ce que le vaillant chercheur de Cambridge, M. Bensly, nous signale y sous ce rapport:Bibliothèque de Reims : N° 2. Bibl. Lat. fol. sæc. XIII- - XIV ..... 2 Esdr. (= 4 Esdr. I. II., « Hic est liber Esdre prophete filii Sarei»).... 4 Esdr. ( Esdr. III XIV), 5 Esdr. (= 4 Esdr. XV.

No 621

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XVI.
Biblioth. de Troyes:
Les livres d'Esdras, II, III,

IV, V, sont les livres III et IV autrement partagés que dans les imprimés....

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(1) Comparant l'Apocalypse d'Esdras du MS. grec de Paris (929) qui, pour l'antiquité et la valeur scientifique, n'a rien à voir avec notre Esdras latin, Tischendorf a soin d'indiquer que, dans l'une et l'autre composition, le prophète prie à diverses reprises pour les pécheurs. Voyez Apocalypses apocrypha, p. XII.

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directement à la prière pour les morts. Pour aller de l'une à l'autre, il suffit de penser au purgatoire.

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protestant

"

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Il nous a été facile de montrer en outre combien l'Eglise est désintéressée dans la question agitée par M. Volkmar en 1863, et reprise par M. Renan en 1875, ce dernier se donnant l'air, dans la Revue où il écrit, de dire des choses nouvelles sur un thème passablement défraîchi. C'est sur les lèvres de saint Jérôme que nous avons trouvé la réponse à faire à M. Volkmar, à M. Renan, comme au Vigilance: Pourquoi se préoccuper d'une doctrine contenue dans un livre que l'Eglise ne reçoit pas ? Cette parole décisive n'a pas empêché les protestants d'outre-Manche, nous le voyons dans M. Bensly, de supposer que le grand docteur a placé le IVe livre d'Esdras parmi ceux, disent-ils, dont il recommande la lecture for example of life and instruction of manners. M. Volkmar ne tombe pas dans une erreur de ce genre, mais il en commet une autre non moins singulière quand, cherchant à atténuer la vigueur du mot de saint Jérôme (1), il prétend que c'est de l'Eglise orientale exclusivement, et non de l'Eglise latine, que veut parler ici l'illustre adversaire de Vigilance. Une telle interprétation des paroles de saint Jérôme n'a rien de sérieux. Elle nous étonne sous la plume d'un savant tel que lui. Dans le critique, on voit le protestant désireux, avant tout, d'élever un piedestal à Vigilance et de saluer dans le contempteur de l'intercession des saints un précurseur de la Réforme.

66

"

Laissons M. Volkmar à son enthousiasme pour l'ancien cabaretier de Calahorris et pour son art, c'est toujours saint Jérôme qui parle, de « falsifier la doctrine catholique, comme il avait jadis falsifié ses vins (2); mais nous ferons remarquer au docte professeur de Zurich que la critique protestante, dont il est un des premiers représentants, se sépare de lui dans l'importance doctrinale qu'il voudrait attacher au IV livre d'Esdras, dans la pensée de faire, de cette œuvre apocryphe, un argument contre l'invocation et l'intercession

(1) Quod Ecclesia non recipit. » (2)

Iste caupo calagurritanus miscet aquam vino, et de artificio pristino suæ venena perfidiæ catholicæ fidei sociare conatur.» Adv. Vigilant. Liber (Migne, Patr. lat., t. XXXIII, p. 355).

des saints, contre la prière pour les morts et le purgatoire (1). Quoi qu'il en soit, c'est à nos adversaires à nous le dire à quoi, en fin de compte, aurait pu aboutir, dans l'avenir, cette prétendue mutilation systématique, résultat, voudrait-on nous faire croire, d'un plan ourdi en toute règle à Rome ou ailleurs ? Il nous aurait toujours fallu en venir à compter avec les versions auxquelles j'ai déjà fait plusieurs fois allusion, et dont une, la version syriaque, semble appartenir au vr° siècle, ce qu'il est très-important de noter, au point de vue où nous place la question.

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La doctrine contenue dans les textes dont la disparition nous avait valu l'abîme » infranchissable creusé entre le verset 35 et le verset 36 du chapitre VII n'existait-elle pas intégralement, et presque mot pour mot, dans les versions orientales de notre apocryphe latin?

Laissons de côté la restauration tentée par M. Ewald, dans la traduction allemande jointe au texte arabe dont il a le mérite d'avoir été le premier éditeur. Au lieu de ce mélange et de cette fusion, pour ne pas dire de cette confusion de leçons arbitraires, où ressort la vive expression de ses idées personnelles, n'eut-il pas mieux servi la science, ainsi que le fait remarquer M. l'abbé Le Hir, en se bornant à une version fidèle de son texte? Un tel travail, si le savant exégète l'avait entrepris, eût été d'autant plus précieux que la version arabe, qui pourrait bien ne toucher au texte original que par un intermédiaire, une version copte, est fort libre et très-voisine de la paraphrase; ce qui ne l'empêche nullement d'offrir une riche moisson à la critique. »

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Ouvrons seulement l'Esdra propheta de M. Volkmar. Si nous suivons l'habile critique dans la restitution ingénieuse et souvent fidèle qu'il nous donnait des passages de la lacune longtemps avant la découverte de M. Bensly, le doute pourrait-il être raisonnable sur la portée doctrinale de ces passages en ce qui regarde les dogmes dont ils auraient été, affirme-t-on, « la négation directe? Eh bien, ce beau travail de restitution, » mais en maintenant les

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je dis beau,

(1) Voyez The missing fragment of the fourth book of Ezra, p. 7. n. 1.

restrictions que j'y ai mises précédemment, d'où est-il sorti? Deux choses l'expliquent la perspicacité singulière du savant le mieux doué pour ces sortes de travaux, puis les immenses ressources mises à sa disposition par les versions en éthiopien, én syriaque, en arabe surtout. Or ces versions, auxquelles il faut ajouter la version arménienne, ne devaient pas rester éternellement dans l'ombre. Mais de quelle utilité serait la fameuse coupure le jour où l'ancien texte se révèlerait aux regards de la critique, comme cela est arrivé au commencement du XVIII® siècle? Agir de la façon que l'on suppose, c'eût été par trop méconnaître cette grande vérité, déjà rappelée, que la justice, « à la main toujours égale, comme dit encore Shakspeare (1), finit par imposer à nos lèvres » le calice où nous avons versé le poison :

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This even-handed justice.

Commends the ingredients of our poison'd chalice

To our own lips.

Le calice à boire, comme inévitable châtiment de l'attentat en question, s'il avait été consommé par nous, au moyen âge, ainsi que l'on s'ingénie à le faire supposer, eût été, pour nos lèvres, le calice de la plus amère confusion, lors de l'apparition des documents dont je parle.

Mais, n'est-ce point trop insister sur une série d'arguments dont un seul suffirait à démontrer que la lacune aujourd'hui comblée n'a pas eu pour motif la « négation » dont parle M. Renan? Il importe d'ailleurs de voir rapidement combien l'auteur de l'Apocalypse de l'an 97 se trompe en croyant nous amener à voir, dans cet amour de la prière pour les morts dont le moyen âge était si épris selon lui, un amour de date récente, sans racines dans le passé du christianisme.

(A suivre.)

(1) Dans le drame déjà cité.

A. DESCHAMPS.

VOYAGE AU PAYS DES LIVRES.

1. Un livre charmant (1).

De l'esprit, beaucoup d'esprit, et très-français;

Une très-haute philosophie de l'histoire qui emprunte ses caractères distinctifs à une singulière ardeur et profondeur de foi catholique ;

Une connaissance intime et véritablement scientifique de toute l'Europe orientale et de ces dix ou douze nationalités qui grouillent depuis Trieste jusqu'à Constantinople;

Un style vif, léger, facile, et qui ne fatigue jamais le lecteur; des dialogues pétillants et pleins d'un bon sens toujours humouristique, ou, si vous l'aimez mieux, d'une humour toujours pleine de bon sens ;

Voilà le Voyage sentimental dans les pays slaves. Joignez-y, pour employer le vilain jargon de ce temps-ci, joignez-y un parfum très-pénétrant d'actualité, à cause de la grande guerre des Serbes contre les Turcs. Ah! si les lecteurs français savaient être sérieux, ils voudraient tous lire ce livre qui les mettrait, en deux heures, au courant de toute la question d'Orient. Mais on préfère lire les dépêches du Times et de l'Agence Havas. Sur deux cents Français, il en est bien cent quatre-vingt-dix neuf qui ne connaissent la question d'Orient que par les abominables canards de leur gazette. Lisez, lisez le livre de Cyrille.

Ce Cyrille, je le voudrais bien connaître. Je me figure que c'est une belle nature, bien chrétienne et bien droite, mais qui aime à desserrer les dents pour rire, et non pas à les serrer pour mordre. Il doit être ouvert, franc, loyal, avec je ne sais quelle saine gauloiserie dans l'esprit. Savant? il l'est, à coup sûr, et même il sait beaucoup de choses. Mais je jurerais qu'il est joyeux autant que docte, et j'aurais bien voulu être auprès de lui dans le bateau qui l'entraînait sur le Danube.

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Excursion pittoresque dans toutes les librairies de Paris. —
Impressions de voyage.

Vous savez, lecteur, qu'une fois l'an nous tentons ensemble ce voyage de circumnavigation. Faites-le de nouveau avec nous le vent est doux; la mer est belle.

Chez Hachette, grand mouvement. Tandis que Francis Wey voyage dans la Toscane pour donner un pendant à cette Rome dont nous avons dit tant de

(1) Voyage sentimental aux pays slaves, par Cyrille, chez Palmé.

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