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COUR DE CASSATION (ch. civile).

Pilote. Incapacité. — Échouement. Dommages soufferts.
Avaries particulières.

Navire « Colbert ».

Il est de principe que l'armateur répond du fait de tous ses préposés. Et cela demeure vrai quel que soit le caractère des services rendus par ces derniers. Un pilote lamaneur doit être considéré comme un préposé de l'armateur, bien que son assistance soit imposée par le décret du 12 décembre 1806.

Il en résulte que l'armateur répond du fait du pilote et qu'en cas d'échouement causé par l'impéritie de ce dernier, les dommages soufferts par le navire et la cargaison doivent, en vertu dudit principe, être classés en avaries particulières. SAINT-MARTIN C. ADMINISTRATION DE LA MARINE ET AUTRES.

« LA COUR,

ARRÊT

Sur les deux moyens réunis :

Attendu qu'en principe l'armateur est civilement responsable des faits de tous ceux qui sont préposés à la conduite du navire, que les pilotes lamaneurs, lorsque le capitaine, à l'entrée et à la sortie des ports, recourt à leur ministère, sont des agents légalement préposés à la conduite du bâtiment ; qu'il n'importe que leur assistance soit en pareil cas imposée par le décret du 12 décembre 1806 et par les règlements de la matière et que le pilote ne puisse être pris par le capitaine que dans une classe particulière de marins désignés par l'autorité maritime; qu'en effet, la présence d'un pilote à bord d'un navire, dans les cas où elle est prescrite, est une mesure de précaution ordonnée dans l'intérêt du commerce maritime et de l'armateur lui-même;

Attendu, en fait, qu'il est déclaré par le jugement attaqué que des documents de la cause versés au procès et spécialement de l'enquête administrative à laquelle il a été procédé le 22 juillet 1890, il résulte que l'échoument du Colbert sur le récif ouest de la passe de Papeete, est dû uniquement à l'impéritie du pilote Bosquier qui guidait ce navire à son entrée dans ce port; que, dès lors, en décidant que les dommages soufferts dans ces circonstances par le Colbert et sa cargaison

etaient des avaries particulières au navire, le Tribunal supérieur de Papeete a justifié sa décision et n'a violé aucun des articles de loi invoqués par le pourvoi;

Rejette. »

Du 23 juin 1896. -Prés. M. Mazeau, prem. présid. : cons. rapp. M. Durand; av. gén. M. Desjardins; plaid. : Mes Ramel et Dancongnée.

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OBSERVATION. Voir conf. Cass., 30 novembre 1891, ce Rec., VII, p. 641; Douai, 21 décembre 1881, ibid., II, p. 515,et 25 mars 1889, ibid., V, p. 20, et les notes; Rennes, 12 février 1890, ibid., VI, p. 247; Tribunal Supérieur hanséatique, 16 mars 1889, ibid., VI, p. 253; Cour d'appel d'Alexandrie, 22 août 1891, ibid., VII, p. 340; Cass. belge, 19 mars 1896, ibid., XI, p. 776, et la note. Adde Autran. Code intern. de l'abordage, nos 206 et s.; Caumont, vo Abordage, no 191; Lyon-Caen et Renault, II, nos 1009 et 1823; Pand. fr., vo Abordage,no 171; Sirey, Rep., eod. v°, nos 113 et s.; Desjardins, Droit commercial, II, no 478; de Valroger, no 2016.

:

Voir cependant en sens contraire Tribunal de l'Empire allemand, 12 juillet 1886, ce Rec., II, p. 712, et Tribunal de commerce de la Seine, 26 mars 1887, ibid., III, p. 33.

COUR DE CASSATION (ch. criminelle).

Navigation. Permis provisoire. Permis définitif. Port d'armement. Navigation sans permis. Délit. Articles 8 et 9 de la loi du 21 juillet 1856. Application. Pourvoi. Rejet.

Navire : « Gédéon-Coudert ».

Un permis provisoire de navigation cessant d'être valable à l'expiration de la durée pour laquelle il a été délivré, le navire ne peut plus à ce moment reprendre la mer sans un permis nouveau.

Tout propriétaire ou chef d'entreprise qui fait naviguer un bateau à vapeur sans un permis de navigation délivré par l'autorité administrative, contrevient à l'article 9 de la loi du 21 juillet 1856 et est passible de l'amende édictée par ce texte.

DELAGE C. MINISTÈRE PUBLIC.

« LA COUR,

Sur le premier moyen pris de la violation des articles 8 et 9 de la loi du 21 juillet 1856, et des articles 7, 9, 36 et 39 du décret du 1er février 1893, en ce que l'arrêt attaqué aurait à tort considéré comme provisoire un permis de navigation qui devait être tenu pour définitif;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement dont les motifs ont été adoptés par la Cour d'appel, que le permis de navigation, délivré au bateau Gédéon-Coudert par le préfet de la Gironde le 23 juillet 1890, avait été annulé à Alger à raison du changement de chaudière; que le préfet d'Alger n'avait accordé au Gédéon-Coudert qu'un permis provisoire qui devait cesser d'être valable dès que le navire aurait regagné Bordeaux, son port d'armement; que le navire étant venu à Bordeaux, ne pouvait reprendre la mer sans un nouveau permis émané du préfet de la Gironde ; qu'il est parti sans être muni de ce permis, et qu'il a été ainsi contrevenu à l'article 9 de la loi du 21 juillet 1856;

Attendu que le demandeur prétend que le préfet d'Alger aurait délivré à tort un permis provisoire, parce qu'Alger devait être considéré à cette date comme le port d'armement du Gédéon-Coudert et qu'on ne se trouvait pas d'ailleurs dans les cas où les permis provisoires peuvent être délivrés ; que par suite les autorités administratives de la Gironde auraient dû attribuer à cette pièce la valeur d'un permis définitif; que telle a été l'appréciation du ministre des travaux publics dans une lettre en date du 13 février 1896;

Mais attendu que les circonstances de fait ci-dessus rappelées et souverainement constatées par la Cour d'appel, l'autorisaient à en déduire les conséquences qu'il en a tirées quant au port d'armement du Gédéon-Coudert et quant à la portée de l'autorisation temporaire de naviguer accordée par le préfet d'Alger, dont l'arrêté n'avait d'ailleurs pas été l'objet de recours devant le ministre, ouvert par l'article 7 du décret du 1er février 1893; qu'en statuant comme elle l'a fait la Cour d'appel n'a donc violé aucune des dispositions sus-visées ;

Sur le second moyen pris de la violation par fausse application de l'article 9 de la loi du 21 juillet 1856 en ce que les faits retenus à la charge de Delage constitueraient non pas le délit prévu par cet article, mais celui de l'article 8 de la même loi; Attendu que l'article 8 de la loi du 21 juillet 1856 punit d'une amende de 100 à 2,000 francs tout propriétaire ou chef d'entre

prise qui a fait naviguer un bateau à vapeur sans un permis de navigation délivré par l'autorité administrative;

Que dans le cas où il s'agit non plus d'une simple omission, mais d'une désobéissance à la décision prise par l'autorité compétente après examen des appareils, la loi, dans son article 9, édicte une peine plus forte contre le propriétaire ou chef d'entreprise qui a continué de faire naviguer un bateau à vapeur dont le permis a été suspendu ou retiré; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le permis du Gédéon-Coudert avait été annulé à Alger et remplacé par une autorisation temporaire dont l'expiration équivalait au retrait de tout permis; que l'article 9 était donc applicable;

Par ces motifs, et attendu que l'arrêt est d'ailleurs régulier en la forme;

Rejette. »

Du 8 mai 1896. Prés. : M. Lew; cons. rapp. : M. Bard; ar. gen. : M. Duval; plaid : Me Morillot.

OBSERVATION. Rapprocher de l'arrêt ci-dessus diverses décisions rendues dans la même affaire et contenant des solutions intéressantes touchant l'application de la loi du 21 juillet 1856: Trib. corr. de Bordeaux, 6 juillet 1894; Cour d'appel de Bordeaux, 12 décembre 1894, et Cass., ch. cr., 21 juin 1895, D. P., 95, 1, 438, et les notes.

Comparer aussi : Cass., 28 mai 1853, D. P., 53, 1, 176; Trib. corr. de Marseille, octobre 1886; Rouen, 2 juillet 1886, ce Rec., II, p. 497, et la note.

COUR D'APPEL DE ROUEN

Responsabilité civile de l'armateur. Médecin à bord. Indépendance de ce dernier en ce qui touche son art. Impossibilité de la part de l'armateur de lui donner des ordres ou même de le contrôler. Irresponsabilité de l'armateur.

Navires : « Dom-Pedro », « Santa-Fé » et « Caravellas ».

Si en principe l'armateur répond du fait de ses préposés, on ne saurait établir la même relation juridique entre un armateur et le médecin qu'il a mis à bord pour soigner l'équipage et les passagers.

Le médecin dans l'exercice de son art, en raison de son titre qui est une garantie professionnelle et une présomption de capacité, conserve une compétence exclusive et une indėpendance telles, qu'il n'est pas, à vrai dire, le préposé de celui qui fait appel à ses bons offices.

Par suite, le traitement prescrit par un médecin à bord, quelles qu'en soient les conséquences, ne saurait en aucune façon engager la responsabilité de la Compagnie de navigation qui l'a pris à son service.

COMPAGNIE DES CHARGEURS RÉUNIS C. CLECH.

« LA COUR,

ARRÊT

Attendu que, des pièces et documents de la cause ainsi que des déclarations de l'intimé lui-même, il résulte qu'antérieurement à l'accident à raison duquel il réclame des dommagesintérêts à la compagnie des Chargeurs Réunis, il avait eu, étant au service de l'État, le bout de l'index de la main gauche enlevé; qu'à bord du Dom-Pedro il s'était blessé de la même main contre un rivet en poussant une brouette; que, le 23 février 1894, sur le Santa-Fé, il avait été grièvement brûlé au bras et à la main du même côté; qu'en mai suivant, au cours du même voyage, il avait eu le doigt de la main gauche profondément brûlé; qu'à la suite de ces diverses blessures qui paraissaient guéries il s'embarqua au Havre, le 7 novembre de la même année 1894, en qualité de chauffeur, à destination du Brésil sur le Caravellas, appartenant à la compagnie appelante; que deux jours après le départ du navire, se trouvant de service dans la soute à charbon, il se brûla au médius de la main gauche en voulant garantir sa lampe d'un éboulement de charbon causé par le tangage; que la petite plaie qui en résulta ne l'empêcha pas d'abord de travailler, mais qu'elle ne tarda pas à s'aggraver; que sept jours après l'accident il la fit voir au docteur Duncan, médecin du bord, qui, n'y voyant aucune gravité, se borna à lui prescrire des cataplasmes; que, malgré ses soins, le mal augmenta et qu'au bout de quatre jours le blessé dut cesser son service qu'il n'a pas repris depuis; qu'un phlegmon profond, s'étendant jusqu'à l'avant-bras, s'étant déclaré, fut d'abord traité au moyen de cataplasmes, bains de son, compresses résolutives et ensuite ouvert par le médecin et soigné à l'aide d'injections antiputrides; que, tous les deux

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