Page images
PDF
EPUB

BULLETIN DE LA JURISPRUDENCE ANGLAISE (1)

Par M. GOVARE, docteur en droit, avocat à Dunkerque.

Affrètement. Commission des courtiers. Perte du navire. Droit au fret. Droit acquis.

Navire Barcraig ».

Lorsqu'un contrat d'affrètement a eu lieu à l'aide d'un intermédiaire, moyennant une commission promise à ce dernier, si le navire affrété se perd avant d'être arrivé au lieu de chargement, la commission n'est pas due.

Elle n'est exigible que quand l'obligation de payer le fret est née à l'encontre des affréteurs, c'est-à-dire quand le navire est arrivé à son port de charge.

SIBSON ET KERR ET DEWAR ET WEBB C. SHIP BARCRAIG ET F. W. HAMILTON, LIQUIDATEUR.

Par charte-partie en date du 14 mai 1895, le Barcraig avait été affrété pour prendre à Portland ou autre place à désigner un chargement de blé en sacs en destination du Royaume-Uni. Il était stipulé qu'une commission de 3 3/4 serait payée aux demandeurs sur le montant du fret brut estimé en unité d'or aux États-Unis, à la fin du chargement, ou en cas de perte du navire.

Le Barcraig se perdit dans la traversée de New-York à Shanghaï avant d'arriver à son port de charge. Les défendeurs refusèrent le paiement de la commission parce que le contrat d'affrètement ne pouvant s'exécuter, toutes ses conditions tombaient avec lui et ils obtinrent gain de cause devant le sheriff de Greenock. Le sheriff de la Cour supérieure devant lequel les demandeurs appelèrent, cassa la décision du premierjuge parce que la perte du navire était postérieure à la date d'exécution du contrat. Appel par les défendeurs à la Cour de session. Leurs seigneureries cassèrent à leur tour l'arrêt du sheriff de la Cour supérieure: la première condition pour que la clause relative à la commission soit exécutoire est que le

(1) Pour les précédents bulletins, voir Rec., XII, p. 339.

DROIT MARITIME.

12o ANNÉE.

33

droit au paiement du fret soit né au profit des armateurs contre l'affréteur.

Ce droit n'est ouvert que lorsque le navire est au port de charge.

Du 4 novembre 1895.

[blocks in formation]

OBSERVATION. D'après MM. Lyon-Caen et Renault (t. V, p. 426), le droit de courtage est acquis au courtier dès que l'affrètement est conclu. La résiliation volontaire entre parties ne fait pas disparaître le droit au courtage. Marseille, 26 septembre 1861, M., 61,1, 266.; Havre, 27 août 1872, H., 74, 1, 224.

D'après un jugement du tribunal de commerce de Marseille du 7 juillet 1869, M., 69, 1, 221, le droit au courtage ne serait pas dû quand, par suite de la perte du navire et des marchandises, le fret ne serait pas dû aux termes de l'article 302 du Code de commerce. Comp. Lyon-Caen et Renault, t. IV, nos 471, 472 et 1041.

Assurances maritimes. Délaissement. Innavigabilité. Charge de la preuve.

Navire : « Oncota »>.

Quand un navire assuré contre les périls de la mer est condamné à la suite de fortunes de mer, il incombe à l'armateur de prouver que ce navire était, à son départ, en bon état de navigabilité.

Pour décider le contraire, le juge peut s'inspirer des circonstances de la cause, par exemple de l'âge du navire, etc.

J. E. JACOBS ET Co C. GILLIES.

Les demandeurs réclamaient au défendeur, assureur au Lloyds, une somme de £ 50, suivant police d'assurances, de débours sur voilier Oncota, parti le 2 février 1893 de Pensacola pour le Royaume-Uni.

Chargé de bois, à son départ de Pensacola, le navire talonna fortement contre la barre, puis, mouillé à l'ancre au large de ce port, il éprouva une violente tempête à la suite de laquelle ses aboutissants de bordé avant entre les sabords inférieurs et upérieurs furent ouverts et la guirlande brisée. Il fut si

violemment ébranlé qu'il dut relâcher à Mobile où il fut condamné après expertise.

Le défendeur soutint que le navire n'était pas navigable à son départ de Pensacola et que sa perte n'était pas due aux périls de la mer que couvrait la police d'assurance.

Le point en litige, était de savoir si à la date de son départ, le 2 septembre, le navire était ou non innavigable; les défendeurs n'ont pas à prouver, dit le juge, que la perte est due à l'innavigabilité.

Or, des faits eux-mêmes, le navire âgé de 28 ans, étant resté désarmé pendant longtemps à Rotterdam, et de la correspondance du capitaine, il résulte que le navire n'était pas en bon état de navigabilité au moment de son départ de Pensacola. Jugement en faveur du défendeur.

Des 3-4 novembre 1893. — Haute Cour de justice (Division du banc de la Reine). Devant M. le juge Collins. Plaid. pour les demandeurs: M. Pyke et M. Fallor; pour le défendeur : M. Bucknell et M. Laeng.

OBSERVATION.

La condamnation pour innavigabilité, à laquelle l'assureur n'a pas été partie, ne fait pas chose jugée à son égard. Comp. Rouen, 23 janvier 1895, ce Rec., X, p. 765; Nantes, 13 juin 1896, ibid., XII, p. 327.

La vétusté du navire constitue une présomption de vice propre contre l'armateur, c'est donc à lui qu'incombe la preuve de la bonne navigabilité du navire au départ et d'une fortune de mer ayant produit l'innavigabilité. Comp. Seine, 4 octobre 1888, ibid., IV, p. 416; Cour d'appel de New-York, 23 avril 1889, ibid., V, p. 281.

Affrètement. Place à désigner par le chargeur. Encombrement.

Navire « Lionel ».

Quand l'affréteur s'est réservé de désigner le bassin dans lequel le navire devra charger, c'est au navire seul qu'incombent les risques d'encombrement de ce bassin.

Si donc le navire doit attendre longtemps une place à quai, il n'a droit ni à des surestaries ni à la résiliation de son affrètement.

CLAPHAM STEAM SHIPPING C° C. STANLEY GALLAGHES ET Co.

Les demandeurs affrétaient le 9 juin 1896 leur vapeur Lionel, alors à Séville, pour charger à North Shields, au Corporation quay ou à tout autre dock désigné, un plein chargement de charbon pour Séville; mais, en raison de la saison du hareng, aucune place n'était disponible et ne pouvait l'être avant plusieurs semaines. Après échange de correspondance, les armateurs disposèrent autrement de leur navire et les affréteurs durent en rechercher un autre et lui payer un fret supérieur au premier de 1 1/6 par tonne. Ils poursuivirent les armateurs en remboursement de cette différence, soit £ 156,10,8, montant du préjudice qui leur était occasionné par la rupture du contrat d'affrètement.

La Cour, confirmant la décision des premiers juges, leur donna gain de cause. Les armateurs étaient tenus d'attendre jusqu'à ce que leur navire pût trouver une place à quai, le chargement était prêt et les affréteurs ne sont pas responsables des diffi cultés éprouvées par le navire à trouver une place.

Du 1er décembre 1896.- Haute Cour de justice (Division de l'Amirauté). Devant Sir Francis jeune et M. le juge Barnes; plaid. M. Robson Q. C. et M. Temperley; M. Aspinall Q. C. et M. Butler Aspinall.

OBSERVATION. V. Cour suprême de judicature, 2 mai 1891, ce Rec., VII, p. 327. Comp. Jurisp. allemande, Tribunal de l'Empire, 8 août 1893, ce Rec., IX, p. 571.

Abordage. Garantie donnée. Saisie ultérieure.

Le fait qu'à la suite d'un abordage une garantie a été échan gée pour une somme représentant l'importance des avaries, ne prive pas les armateurs du navire abordé d'opérer une saisie du navire abordeur en pays étranger.

La garantie ainsi donnée ne met le navire abordeur à l'abri de toute saisie ultérieure qu'à la condition d'avoir été échangée à la suite d'une première saisie.

SALISBURY C. THE MANNHEIM.

Le 10 février 1894, un abordage avait lieu près de Rotterdam entre deux navires, Salisbury et Mannheim. Les armateurs avaient échangé une garantie jusqu'à concurrence de

50,000 gulden pour l'importance des avaries éprouvées par leurs navires. La garantie réciproque avait été donnée à Rotterdam. Ultérieurement, quand le Mannheim vint en Angleterre, dans le cours d'un de ses voyages, il fut saisi à la requête des armateurs du Salisbury qui avaient intenté une action dans ce pays.

Les armateurs du Mannheim demandèrent la mainlevée de la saisie et la condamnation de leurs adversaires aux frais; ils dirent qu'après la garantie donnée, la saisie était un acte de mauvaise foi, cette garantie, acceptée à l'étranger, équivalant à un achat d'immunité d'arrestation.

Jugement en faveur du Salisbury. La responsabilité du Mannheim n'est pas discutée, le chiffre de garantie donnée a paru insuffisant au Salisbury; la saisie opérée serait un acte de mauvaise foi si le navire avait été préalablement saisi dans un autre port et si les garanties avaient été échangées à la suite d'une saisie, mais tel n'est pas le cas et on ne peut dire que la garantie est un rachat du droit qu'a l'abordé de saisir le navire abordeur.

Du 17 novembre 1896.

--

Haute Cour de justice (Division de l'Amirauté). Devant M. le juge Barnes; plaid. pour les demandeurs M. Aspinall Q. C. Pour les défendeurs: sir Walter Phillimore.

[ocr errors]

OBSERVATION. V. Autran, Code international de l'abordage maritime, p. 267; Cour suprême de judicature, ce Rec., V, p. 80 et la note.

Affrètement. Surestaries. Retard à l'arrivée. Assistance à un autre navire.

Navires : « Strathnaim » et « Strathord ».

L'affréteur, tenu par sa charte-partie de fournir la cargaison dans les 24 heures de l'arrivée du navire, ne peut, pour défendre à une demande de surestaries, invoquer le retard subi par suite de mauvais temps par le navire précédent, appartenant au même armateur, retard qui s'est ensuite répercuté sur les chargements suivants.

Il en est ainsi, alors même que le port de charge ne permet

« PreviousContinue »