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avec Catherine, ce prince tâcha de lui inspirer des Sentimens modérés ; mais elle ne lui dissimulait pas qu'elle croirait sa gloire compromise si elle renonçait aux provinces que ses armées avaient conquises.

Ce fut alors qu'arriva la lettre du roi de Pologne. En apprenant les projets ambitieux de la cour de Vienne, l'impératrice dit que si l'Autriche voulait s'approprier une partie de la Pologne, les autres voisins de ce pays auraient le droit d'en faire autant. Ces mots, prononcés peut-être sans intention, furent un trait de lumière pour le prince. Il fit voir à Catherine qu'un partage de la Pologne offrirait le meilleur moyen, d'une part, de s'agrandir sans exciter la jalousie de la cour de Vienne, avec laquelle elle se trouvait en concours si elle voulait démembrer l'empire ottoman, et de l'autre, de dédommager le roi de Prusse des sacrifices qu'il avait faits pour satisfaire aux engagemens de son alliance. L'éloquence du prince Henri entraîna Catherine; elle l'autorisa à communiquer le projet en son nom à Frédéric II. Celui-ci ne mit d'abord pas une grande importance à cette communication; il ne pouvait se persuader que l'impératrice, revenue des impressions que les premiers discours du prince Henri avaient faites sur son âme, ne refusât pas de donner suite à un projet si contraire à ses véritables intérêts; il craignait aussi l'opposition du comte Panin. Mais ce ministre voyant sa souveraine entièrement décidée, entra dans l'idée du partage, à condition que le roi de Prusse se chargerait d'obtenir le consentement de l'Autriche, et pressa le comte de Solms,

Trait d'amitie du 24 fever 1768.

de Cracovie1 et de Kiow, et le général de la couronne Rzewuski qui opposaient de la résistance à ses ordres. La diete intimidće, nomma une commission chargée de terminer avec l'ambassadeur de Russie tout ce qui concernait les dissidens. Afin de laisser à ces délégués le temps nécessaire pour s'occuper de ce travail, la diète fut renvoyée au 1er février 1768.

lui

Lorsqu'elle se fut de nouveau réunie, la commission proposa un triple travail; savoir, un traité perpétuel d'amitié entre la république et la Russie, suivi de deux actes séparés. Ces trois conventions furent approuvées et signées le 24 février 1768. Le traité confirma, par l'art. 1, l'amitié et la bonne harmonie établies entre les deux états par la paix de Moscou de 1686.

Par l'art. 2, les deux parties se garantissent réciproquement leurs possessions en Europe.

L'art. 3 déclare que tout ce que l'acte séparé renferme, relativement aux dissidens, sera censé inséré dans le traité.

Les parties contractantes garantissent de même le deuxième acte séparé, renfermant les lois cardinales de la république. Art. 4.

L'impératrice garantit, par l'art. 5, la constitution et la forme de gouvernement de la république, sa liberté et ses droits. Les traités antérieurs de la république avec d'autres puissances, et nommément la paix de Carlowitz avec la Porte, et la paix d'Oliva, sont confirmés par l'art. 6.

L'évêque de Cracovie était Soltyk, prélat doué d'un grand ca

ractère.

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[ Les deux parties établiront sur les frontières des tribunaux qui jugeront avec impartialité les différends des sujets réciproques. Art. 7.

L'art. 8 stipule la liberté du commerce pour les su= jets réciproques.

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Le premier acte séparé, joint à ce traité, établit les droits des dissidens. Le préambule dit que l'acte est conclu entre l'impératrice de Russie et les rois de Prusse, de Danemark, d'Angleterre et de Suède, = d'une part, et le roi et la république de Pologne, de l'autre; mais l'acte ne fut signé que par les plénipotentiaires de Pologne et par le prince Repnin. Il est vrai, toutefois, que les quatre monarques nommés dans le préambule s'étaient employés en faveur des dissidens, et que leurs ministres avaient assisté aux séances de la commission. Nous parlerons dans l'histoire de la Pologne des principes énoncés par cet acte. Le deuxième acte séparé, joint au traité du 24 fé- Deuxième vrier 1768, renferme les lois cardinales ou constitu- 24 fevrier 1762, tives de la république, concertées avec le prince Repnin; elles firent disparaître jusqu'à la trace des améliorations que, pendant l'interrègne de 1764, le parti de Czartoryski avait faites dans la constitution vicieuse de la Pologne.

acte separe du

Pologue.

Écoutons le jugement d'un auteur impartial sur les Troubles de la événemens qui se passèrent alors en Pologne. « Tant l'actes de souveraineté, dit Frédéric II, qu'une puisance étrangère exerçait dans cette république, souevèrent à la fin tous les esprits; la fierté du prince Repnin ne les radoucissait pas. Ceux qui occupaient

XXXVIII.

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les premières charges, le cœur ulcéré de la diminution de leur pouvoir, ne pouvaient digérer des changemens aussi préjudiciables à leur autorité qu'avilissans. Les évêques, dont la moitié des diocèses étaient composés de dissidens, et qui se flattaient d'augmen ter les dîmes par leur conversion, voyaient par les nouvelles lois leurs espérances anéanties; ils se lièrent d'intérêt, et prévoyant que le peuple ne s'enflammerait pas pour quelques torts dont ils se plaignaient, résolurent d'employer le fanatisme pour exciter les âmes stupides à la défense de leurs pontifes. Les évêques et les magnats, qu'un mécontentement légal réunissait, répandirent dans le public que la Russie, d'accord avec le roi de Prusse, voulait abolir la religion catholique; que tout était perdu si l'on ne prenait les armes, et que s'il se trouvait encore des catholiques zélés et fervens, ils devaient tous accourir pour sauver leurs autels. Le peuple, vexé dans différentes contrées où les troupes russes étaient distribuées, avait déjà commencé à s'impatienter, et à diverses reprises, il avait manifesté son mécontentement. Cette masse se laissa facilement séduire par les prêtres; la cause de la religion fut le signal et le mot de ralliement. Le fanatisme s'empara de tous les esprits, et les grands profitèrent de l'enthousiasme de leurs seri pour secouer un joug qui commençait à leur devenit insupportable. >>>

La France entretint le mécontentement des Polonais. Cette puissance n'avait jamais vu avec plaisir, Stanislas Poniatowski assis sur le trône des Piasts, sur

lequel elle aurait vu placer de préférence le prince Xavier de Saxe. Cependant Louis XV n'avait pas la prétention de donner lui-même un roi aux Polonais, il aurait voulu qu'on leur permît de le choisir librement; il était surtout mécontent de l'influence que le cabinet de Pétersbourg s'était arrogé, et du despotisme avec lequel il traitait cette nation. Quelques mois avant l'élection de Poniatowski, savoir le 7 juin 1764, le marquis de Paulmy d'Argenson, ambassadeur de France, remit au primat Wladislaw Lubinski, une note dans laquelle il lui déclara que le roi, son maître, étant informé de tout ce qui se passait en Pologne, et voyant la république divisée et la ville de Varsovie occupée par des troupes étrangères, avait jugé que son ambassadeur ne pouvait plus y rester décemment, et qu'en conséquence il lui ordonnait de se retirer jusqu'à ce que le calme et le bon ordre fussent rétablis dans le royaume. Le prince primat lui répondit par cette question imprudente : Vous ne reconnaissez donc pas la république? A quoi l'ambassadeur répondit: Je reconnais la république divisée. Le prélat s'oublia alors jusqu'à dire au marquis que la république ne le reconnaissait pas comme ambassadeur, et affecta de le traiter en simple particulier. Le marquis partit le lendemain. Le 9 juin, le primat écrivit au roi de France et au duc de Praslin, ministre des affaires étrangères, deux lettres d'excuses qu'il fit porter à Paris par un officier polonais; mais ces excuses furent mal accueillies, et le duc de Praslin orlonnant au chevalier Hennin qui était resté comme

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