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ses ennemis ne tardèrent pas à peindre sous les couleurs les plus odieuses. Il annonça toutefois qu'en entrant en Saxe, il n'avait eu d'autre but que de s'ouvrir une communication avec la Bohême, et qu'il ne garderait ce pays que comme un dépôt, jusqu'à la conclusion de la paix. Sa conduite à Dresde fut un raffinement de politesse envers tous les ordres, qui ne l'empêcha pas de faire transporter l'artillerie saxonne à Magdebourg et de s'emparer de toutes les ressources de l'état.

Le roi de Pologne, électeur de Saxe, réunit toute son armée, forte de 17,000 hommes et commandée par le feld-maréchal Rutowski, dans le camp retranché de Pirna où il se rendit lui-même. Cette position aurait été bonne, s'il s'était agi d'empêcher les Autrichiens d'entrer en Saxe; dans la circonstance du moment, elle ne pouvait produire d'autre résultat que la famine dans le camp. Auguste III ayant refusé de licencier ses troupes, seule condition à laquelle Frédé–

et problématique, s'il eût été plus dangereux de les attendre que de les prévenir, en excitant une guerre qui a presque abîmé la Prusse, et l'a mise à deux doigts de sa perte. On peut opposer au raisonnement de M. de Herzberg, qu'il conste par son Mémoire raisonné de 1756, que, dans un conseil tenu à Pétersbourg, au mois d'octobre 1755, il avait été convenu qu'on marcherait contre Frédé ric II, s'il attaquait un allié de la Russie ou en était attaqué, et que ce cas allait arriver aussitôt que les Français attaqueraient l'électorat d'Hanovre; le roi de Prusse était obligé, par les traités, de tourner ses armes contre un allié de la Russie. Le roi s'était procuré la connaissance de ces négociations par la perfidie d'un secrétaire du cabinet saxon, Menzel, qui en avait fourni des copies au baron de Malzahn, envoyé du roi à Dresde.

ric II voulut reconnaître sa neutralité, le roi de
Prusse le bloqua dans son camp de Pirna. Ce blocus
arrêta le roi pendant plusieurs semaines, et donna à
l'impératrice-reine le temps de rassembler ses forces.

Le feld-maréchal, comte de Brown eut ordre de
délivrer à tout prix les troupes saxonues devant Pirna.
Instruit de son approche, le roi de Prusse prit en per-
sonne le commandement de son armée de Bohême, et
vint attaquer les Autrichiens dans la plaine de Lo-
wositz, petite ville au cercle de Leitmeritz. La bataille
qui s'y donna le 1er octobre, ne fut point décisive,
mais les Prussiens restèrent maîtres du champ de ba
taille; le comte de Brown, après avoir fait une ten-
tative inutile de dégager les Saxons, y renonça et re-
passa l'Éger. Les Saxons s'évadèrent, le 13 octobre, de
leur camp, et traversèrent l'Elbe; mais arrivés sur la
droite du fleuve au pied du Lilienstein, ils se trou-
vèrent tout aussi resserrés entre des troupes du roi et
dans un terrain très-défavorable. Exténués par la fa-
mine et le froid, sans bagages, sans munitions, ils
furent obligés de capituler le 17 octobre, et de se ren-
dre prisonniers de guerre. Leur nombre était réduit à
quatorze mille hommes. Les officiers s'engagèrent, sur
leur honneur, à ne plus servir contre le roi de Prusse
durant cette guerre, et les soldats, avec 9,284 recrues
que la Saxe fut obligée de fournir, furent incorporés
dans les régimens prussiens 1. Le Königstein où

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Cette mesure révoltante tourna au désavantage du roi de Prusse.
Les Saxons, forcés de servir contre leur prince, désertèrent par
bataillons, et se rendirent en Pologne ou auprès de l'armée fran-

Auguste III s'était retiré, fut déclaré neutre pour toute
la durée de la guerre, et on donna au roi de Pologne
des
passe-ports et des relais pour se rendre en son
royaume. Le roi de Prusse se vit alors maître de la
Saxe entière, mais quitta la Bohême.

Il employa l'hiver à resserrer les nœuds de son alliance avec la Grande-Bretagne, et conclut avec cette puissance, le 11 janvier 1757, une convention opposée à l'alliance de Versailles du 1 mai 1756 1. Le préambule de ce traité dit :

« S. M. le roi de Prusse et S. M. Britannique, en qualité de roi en Angleterre, ayant fait de sérieuses réflexions sur l'alliance peu naturelle contractée, le 1°* mai 1756, entre la France et la maison d'Autriche, et voyant que plusieurs puissances ont accédé à cette alliance, formée à dessein de renverser les lois et les constitutions de l'empire germanique, et de détruire la religion protestante en Allemagne, ont cru qu'il était à propos, pour contre-balancer cette grande ligue, de resserrer, par un nouveau traité, les engagemens qui subsistaient déjà entre les cours de Berlin et de Londres. C'est pourquoi leurs susdites MM., alarmées de la crise présente, et ne croyant pas d'ailleurs les secours stipulés par les anciens traités suffisans pour remettre les choses dans l'état naturel, sont convenues

çaise, où le fils cadet d'Auguste III, le prince Xavier, connu en France sous le nom de comte de Lusace, en forma un corps qui s'accrut jusqu'à 10,000 hommes.

• M. KOCH, qui a publié ce traité, ne dit pas où ni par quels mi¬ nistres il a été signé. Voy. Recueil des traités, vol. II, p. 29.

Traité du

11 janvier 1757.

de faire les plus grands efforts pour maintenir les libertés de l'Europe et pour soutenir la religion protestante en Allemagne; ce qui fait qu'elles ont signé les articles suivans:

Par l'art. 1o, le traité du 15 janvier 1756, ainsi que les engagemens qui subsistaient antérieurement entre les cours de Berlin et de Londres, pour la défense mutuelle et réciproque des deux cours, sont renouvelés et confirmés.

Le roi d'Angleterre s'engage par l'art. 2 à prendre à sa solde l'armée hanovrienne, sous le nom d'armée d'observation, et de la porter jusqu'à 70,000 hommes, y compris 20,000 hommes que le roi de Prusse s'engage d'y joindre.

Le roi d'Angleterre paiera tous les ans, tant que la présente guerre durera, un million de liv. sterl. au roi de Prusse. Art. 3.

le

Le roi d'Angleterre enverra dans la mer Baltique une escadre de 8 vaisseaux de ligne et de plusieurs frégates, et même plus, s'il est nécessaire, dès que roi de Prusse en fera la réquisition, afin de seconder ses puissans efforts. Art. 4.

Dans cette vue, le roi George promet d'inquiéter la France sur ses côtes ou dans les Pays-Bas, afin de faire une puissante diversion en faveur de Frédéric. Art, 5.

Celui-ci s'engage à laisser à l'armée hanovrienne les 20,000 hommes de ses troupes qui doivent la joindre, jusqu'à ce que cette armée ait obligé les Français de repasser le Rhin, et même de les y laisser

plus long-temps, si les circonstances le permettent.

Art. 6.

Par l'art. 7, la Prusse s'engage à faire les plus grands efforts pour forcer la cour de Vienne à faire la paix, afin d'agir avec toutes ses forces contre la France, que les hautes puissances contractantes regardent comme leur ennemie.

Les deux puissances feront mutuellement leurs efforts pour porter la guerre dans l'intérieur de la France, afin de la forcer à accepter la paix aux conditions qu'on voudra lui dicter. Art. 8.

Les puissances contractantes promettent de ne rien faire sans se consulter mutuellement, surtout de n'entendre à aucun accommodement particulier et séparé avec la France. Art. 9.

L'invasion de la Saxe souleva, en 1757, une puissante ligue contre Frédéric II, qui se vit attaqué à la fois par l'impératrice-reine, par le corps germanique, la France, la Russie et la Suède. La France déclara qu'elle regardait cet événement comme une violation de la paix de Westphalie, dont elle était garante. L'empereur s'efforça de faire proscrire le roi par l'empire germanique; ce projet ne réussit pas parce qu'on en fit une affaire de religion, et que, dans ce cas, la pluralité ne pouvait plus rien décider; mais la diète résolut, le 17 janvier 1757, de lever contre lui une armée qu'on nomma armée d'exécution pour la défense de la Saxe; son commandement fut conféré au prince Joseph de Saxe-Hildbourghausen. Cependant le roi de Prusse, quoiqu'il ne fût que faiblement

L'Empire dé

clare la guerre

la

Prusse.

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