Page images
PDF
EPUB

de Milan, les ponts, les aquéducs, les canaux qui coupent et fertilisent le territoire de Milan, sont des monumens de son patriotisme, et des présens de sa munificence. Malheureusement les alliances formées par la maison des Visconti avec la dynastie royale de France donnèrent naissance à des guerres longues et sanglantes, qui ne se terminèrent qu'à la bataille de Pavie. Alors Milan passa sous le joug de l'Espagne, et ensuite sous celui de l'Autriche.

Milan est une ville grande et considérable. Son enceinte est de neuf milles. Elle renferme à peu près cent cinquante mille habitans. Sa cathédrale est le plus magnifique de ses monumens; elle est d'architecture gothique, et ne le cède en étendue qu'à la basilique du Vatican; elle surpasse par la beauté de ses sculptures et de ses statues tout ce qui existe au monde. L'éclat de ses marbres, la multiplicité, l'élégance et la hardiesse de ses piliers, la richesse de ses ornemens, en font un spectacle au milieu même de l'Italie. Mais l'objet le plus digne d'attention parmi les chefs-d'œuvres qui décorent l'intérieur du temple, c'est le tombeau de saint Charles Borromée, dont les cendres reposent dans une chapelle souterraine. C'est à la bienfaisance de ce vénérable prélat que Milan doit ses colléges, ses hôpitaux, et tous ses

établissemens de charité. Son corps repose dans une châsse de cristal de roche; il est revêtu de ses habits pontificaux, avec la crosse et la mitre. Son visage est découvert, mais le temps en a altéré et déformé les traits.

On chercheroit en vain dans la cathédrale de Milan les cendres de saint Ambroise. Elles sont dans une ancienne église qu'on appelle la basilique ambrosienne.

La bibliothèque qui porte le même nom est due au cardinal Frédéric Borromée, neveu du saint et son successeur. Elle contenoit, à l'entrée des Français, plus de quarante mille volumes et près de dix-huit mille manuscrits. Le plus riche étoit le carton de Léonard de Vinci, rempli de dessins et d'esquisses d'un prix inestimable. C'étoit un présent de Galeas Arconati, qui en avoit refusé des sommes considérables, et l'avoit déposé à la bibliothéque pour la conserver à l'Italie (1). A la suite de ce monument littéraire étoit une vaste galerie enrichie de tableaux, de sculptures, d'antiques, de médailles, et d'autres objets d'une extrême ra

(1) Le réfectoire du couvent des Dominicains possédoit un chef-d'œuvre du même peintre, connu sous le nom de la dernière céne. Ce monastère ayant été supprimé, et transformé en caserne d'artillerie, les soldats

reté. Ces admirables collections, fruit de plusieurs siècles de soins et de recherches, devoient être bientôt le fruit de la victoire, et décorer le Muséum français.

français employèrent ce tableau à leurs exercices, les têtes des apôtres leur servant de cercle pour tirer: ainsi ce magnifique ouvrage, qui étoit déjà dégradé, le fut bientôt entièrement.

CHAPITRE VII.

Entrée de Buonaparte à Milan; soumission de Rome, de Naples, de Venise; insurrections; victoires, conquétes nouvelles.

Les premiers succès de l'armée française en Italie, avoient porté la consternation à Milan. Cette ville, comme toutes celles de l'Italie, renfermoit un petit nombre de démagogues ardens et fanatiques entretenus par l'or du directoire, et prêts à lever l'étendard de la révolte, dès qu'ils se croiroient soutenus par des forces suffisantes; mais le reste du peuple étoit attaché à son gouvernement, à ses lois, à sa religion, et ne voyoit qu'avec horreur une armée qui, semblable aux Titans, paroissoit menacer également le ciel et la terre. A son approche, les habitans des campagnes abandonnoient leurs maisons pour fuir dans les bois; ailleurs le tocsin sonnoit, et tous les hommes prenoient les armes pour repousser le funeste présent de la liberté et de l'égalité. Dans le Mantouan, les paysans, au nombre de dix-huit mille, quittèrent leurs femmes et leurs enfans pour aller se réunir à l'armée autrichienne.

Dans le Tyrol, toute la population se leva en masse; quatre-vingt mille hommes s'inscrivirent comme soldats, et jurèrent de périr ou d'ensevelirles Français sous les débris de leurs rochers.

Depuis près d'un mois on faisoit des prières publiques dans l'église métropolitaine de Milan, et dans toutes les paroisses de la ville et des campagnes. Les riches apportoient des aumones pour les veuves et les enfans des soldats morts sur le champ de bataille. Les prédicateurs en chaire, les pasteurs dans les églises, exhortoient le peuple à défendre courageusement le trône et les autels. Dès qu'on apprit le passage du Pô, la consternation et le désordre se répandirent dans toute la ville. Les particuliers les plus riches s'empressèrent d'enlever leurs effets les plus précieux; les émigrations devinrent si nombreuses qu'il n'étoit plus possible de se procurer des chevaux.

Le 14 mai, le gouvernement autrichien quitta la capitale pour se rendre à Mantoue; les jeunes princes étoient sous la conduite du bailli Valente de Gonzague, leur gouverneur. L'archiduc et l'archiduchesse versèrent des larmes. La foule répandue dans les rues et sur les places publiques, gardoit un profond silence; mais la noblesse et le clergé étoient dans les plus vives alarmes. Alors les républicains

« PreviousContinue »