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au général Verdière, et celui de l'artillerie au général Dommartin.

On a rapporté plus haut la proclamation de Buonaparte pour la fête du 14 juillet. A la suite de cette proclamation, il rassembla dans un banquet somptueux l'élite des officiers et soldats de son armée et l'on y porta les toasts suivans: A la constitution de l'an 111; au directoire exécutif, qu'il anéantisse les contrerévolutionnaires qui ne se déguisent plus ! Ce toast étoit celui du général A. Berthier. Celui du général Lannes fut plus expressif: A la destruction du club de Clichy. Les infámes! ils veulent encore des révolutions!

sang

que le des patriotes qu'ils veulent assassiner retombe sur eux!

L'adresse du chef de brigade L...e, commandant l'infanterie légère, ne respiroit que le carnage: «Tremblez, vils soutiens du des>>potisme, prêtres infàmes, sacriléges sicaires » royalistes, demandez à la terre qu'elle vous >> engloutisse! Il n'y a plus de pitié pour vous; >> nous vous avons jugés à mort; c'est une >> heure épouvantable qui sonnera, nous pas>> serons comme la foudre, etc. »

On eût dit que l'esprit de Marat étoit passé dans les camps d'Italie; mais la plupart des adresses avoient été rédigées par le directoire lui-même. Il crut se sauver par la journée du 18 fructidor, il ne fit que préparer sa perte.

CHAPITRE XX.

Suite du 18 fructidor; troubles dans l'intérieur, embarras du Directoire; Buonaparte est chargé du commandement des provinces

méridionales.

La journée du 18 fructidor, en privant la

France de l'élite de ses représentans, fit disparoître les dernières traces de justice et d'humanité. On vit, au nom de la liberté, reparoître toutes les horreurs de la tyrannie. L'esprit de 1793 sembla rentrer dans le sein des deux conseils, et les représentans du peuple ne se distinguèrent plus que par une déplorable émulation de servitude et de cruauté.

Usurpant le pouvoir suprême, le Directoire couvrit les murs de la capitale de lois de terreur et de sang. Un décret condamna à être fusillé, sur-le-champ, quiconque parleroit de la royauté, de la constitution de 1793 et de la maison d'Orléans. On enjoignit, sous la même peine, à tout Français inscrit sur une liste d'émigrés, de quitter Paris dans l'espace de vingt-quatre heures, et la France dans quinze jours. Plusieurs infortunés, qui n'avoient eu aucune connoissance de la loi, ou ne l'avoient regar

dée que comme une mesure comminatoire furent impitoyablement mis à mort.

On prescrivit aux prêtres, aux fonctionnaires publics, aux employés du gouvernement, un serment de haine à la royauté et d'amour à la république : comme si les affections du cœur étoient à la disposition de l'esprit. On autorisa le Directoire à déporter, à son gré, tous les ministres du culte qui lui paroîtroient troubler l'ordre public (1). On ordonna les visites domiciliaires dépour couvrir les proscrits fugitifs, et l'on condamna à la peine de mort quiconque ne se soumettroit point à l'arrêt de sa déportation. Les mesures les plus atroces furent proposées contre les nobles, les privilégiés et tous les Français qu'on pouvoit soupconner de haine pour la tyrannie républicaine. Le député Boulay D. L.M.

(1) Cette loi fut exécutée avec tant d'équité, qu'on expédia pour la Guiane, en qualité de prêtres, de malheureux paysans qui avoient porté la soutane aux cẻrémonies de l'église, de pauvres chantres de village qui avoient femme et enfans. L'auteur de ces mémoires fit rendre à sa famille un vigneron du village de Thorigny, retenu comme prêtre dans les prisons d'Auxerre, et confondu avec les assassins et les voleurs, parce qu'il n'avoit pas le moyen de payer sa nourriture et son lit dans la maison d'arrêt.

que

n'hésita pas à déclarer la république n'avoit qu'un moyen de salut, celui de se défaire de tous ses ennemis; qu'il falloit ou les tuer ou les déporter: que les déporter étoit le parti le plus sage (1). Il proposa, en conséquence, au nom d'une commission spéciale, la déportation générale de toute la haute noblesse, et l'interdiction de toute la noblesse du second ordre.

Merlin de Douai et François de Neufchâteau

(1) On peut voir les débats à ce sujet dans le Moniteur de l'an 5 et de l'an 6, n.os 53, 5, 6, 7, 8, 27, 28, 31, 32. L'on n'exagère rien ici. Ce Boulay D. L. M. avoit été nommé membre du corps législatif par les électeurs de Nanci. Il exerçoit dans cette ville la profession d'avocat, et jusqu'à sa nomination, il avoit paru fort attaché à la cause de la noblesse et des gens de bien. Mais ses vertus firent naufrage à la table du directoire, et, depuis son élection, il ne sembla plus occupé que d'une pensée, celle de conquérir la faveur des chefs du gouvernement. Il est du nombre de ces grands républicains, de ces ennemis implacables des nobles, qui n'ont point hésité à se décorer de cordons et de titres sous l'empire de Buonaparte. Il est constant qu'on délibéra deux fois si l'on ne feroit pas fusiller tous les députés arrêtés, et qu'ils ne dûrent la vie qu'aux représentations du directeur la Réveillère, et d'un chef de division de la police nommé Dondeau, qui depuis fut ministre de la police.

remplacèrent au directoire Carnot et Barthélemy. La terreur devint générale (1).

Des députés qui avoient vécu dans l'intimité des proscrits, se firent un honteux mérite de nier leur amitié, ou d'aggraver leur malheur par de lâches accusations; et, pour comble d'opprobre, on trouva jusque parmi les victimes elles-mêmes des êtres assez dégradés pour baiser la main qui les frappoit, et louer la justice et la clémence de leurs bourreaux. Les âmes les plus élevées n'échappèrent point à la contagion générale. Jusqu'au jour de sa chute, le général Pichegru n'avoit trouvé que des admirateurs; il trouva des défections au milieu même de ses amis le bras qui sembloit devoir le soutenir, fut le premier à l'accabler, et la France douta long-temps que le général Moreau eût écrit au directoire et adressé à son armée les lettres et la proclamation, dont les mémoires de ce temps ont conservé le déplorable souvenir (2).

(1) La justice oblige de dire que si M. François de Neufchâteau commit un acte de foiblesse en acceptant laplace de directeur, il ne se montra nullement partisan des mesures tyranniques, et que l'on trouva en lui un magistrat doux et paisible.

(2) La lettre étoit datée du 19 fructidor, et adressée au directeur Barthéleiny. Le général Moreau y rappeloit qu'il

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