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LIVRE DEUXIÈME.

Qu'entend-on par gibier?

Poursuivre le gibier, le rechercher, le tuer, tenter de le tuer, l'attendre, lui tendre des pièges, nous avons vu que tout cela constituait le fait de chasse, mais qu'entend-on par gibier ?

Les oiseaux et quadrupèdes destinés à être mangés constituent ce qu'on appelle gibier, mais d'une manière indicative et non limitative.

Ainsi, il ne peut y avoir de doute pour les perdrix, les allouettes, les cailles, les bécasses,

les bécassines, les faisans, les pluviers, les poules d'eau, les sarcelles, les pitets, les canards, les oies, les railles, les becfits, etc. Il ne peut pas y en avoir non plus pour les lièvres et les lapins; mais des difficultés peuvent surgir dans quelques cas exceptionnels et il n'est pas inutile d'en citer quelques-uns pour bien poser les principes.

D'abord, ne perdons pas de vueque bien qu'en général, et dans l'acception ordinaire du mot, on entende par gibier, ce qui est tué pour être mangé, cette destination n'est pas nécessaire pour caractériser le fait de chasse. Ainsi l'on ne serait pas fondé à prétendre que, parce que la pièce de gibier aurait été laissée sur place, après avoir été tuée, il n'y a point fait de chasse; il importe peu que le chasseur se l'approprie ou non après l'avoir tuée.

C'est ainsi pareillement qu'il y a fait de chasse dans la recherche, dans la poursuite des renards, des loups et autres grosses bêtes, quoi qu'il soit évident que ces pièces de gibier n'ont pas été tuées pour être mangées.

Mais des questions plus sérieuses peuvent présenter des difficultés :

On peut demander si c'est chasser que de tirer des hirondelles au-dessus d'une rivière pour s'exercer?

Serait-ce chasser que de tirer des moineaux sur une haie, sur un arbre ou ailleurs?

Serait-ce chasser que de tirer des corbeaux; des pigeons et autres oiseaux incommodes ou pouvant causer des dégats aux récoltes?

Toutes ces questions peuvent être réunies être examinées :

pour

La cour royale d'Aix a été saisie de la question de savoir si un individu chargé par le propriétaire de détruire les animaux qui commettent des dégats, et trouvé armé à cet effet dans un jardin clos et renfermé dans l'enceinte d'une habitation, avait commis un délit de chasse; elle a décidé, par son arrêt du 22 février 1822 qu'il n'y avait ni fait de chasse ni par conséquent délit de port d'armes.

Si la cour d'Aix n'avait fait que décider qu'il n'y avait pas de délit, ce serait là une autre question que nous ne voulons pas traiter ici, mais elle nous paraît être allée beaucoup trop loin en jugeant qu'il n'y avait pas fait de chasse. Cette interprétation donnée à la loi par la cour royale d'Aix ne paraît pas avoir été adoptée par la cour de cassation, témoin son mémorable arrêt dans l'affaire du sieur Selves, par lequel elle décide que tirer un coup de fusil sur un oiseau de proie, c'est chasser. Dans l'espèce de cet arrêt, le sieur Seigle, fermier du sieur Selves, avait tiré un coup de fusil sur une corneille qui se trouvait près de son nid, au haut d'un arbre. Le sieur Selves le poursuivit pour fait de chasse. Seigle prétendit que tuer un oi

seau malfaisant, ce n'était pas chasser, et qu'au fait, les corneilles lui faisaient un tort tel que c'était pour lui une nécessité de tirer le coup de fusil qu'on lui reprochait. Cette défense, qui fit impression sur les premiers juges, ne fut pas accueillie par la cour de cassation, qui, rejettant toute espèce de distinction, décida qu'il y avait le fait de chasse. Cet arrêt est du 13 novembre 1818.

Par cet arrêt, la cour de cassation a posé nettement les principes de la matière, et il en résulte que tirer un coup de fusil sur un oiseau quelconque ou sur une bête quelconque, n'importe dans quelle intention, c'est chasser.

Il est inutile d'ajouter qu'il est indifférent que le coup ait ou non atteint sa bête vers laquelle il était dirigé.

Ces principes sont fort sévères et cependant ils ne semblent guères pouvoir comporter d'exception. Toutefois il serait bien difficile de comprendre dans la règle les cas où l'on aura dû, pour sa défense personnelle, ou celle des siens ou de ses animaux domestiques, tirer un coup de fusil, par exemple sur un chien méchant ou supposé atteint de la rage, ou bien sur un loup ou tout autre animal que l'on aurait juste raison de redouter.

Nous avons vu ce que c'était que la chasse et nous avons insisté quelque peu sur ce point,

parce que le législateur ne l'a pas défini. Nous allons voir maintenant quelles ont été les lois qui ont régi la chasse et quelle est la législation actuellement en vigueur.

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