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sienne. Il sut se maintenir, soit en avant de Magdebourg, soit en arrière sur la Basse-Saâle, la droite appuyée aux inexpugnables positions du Hartz. Ces opérations lui donnèrent le temps d'attendre l'arrivée sur le Rhin de cette autre grande- armée que la France et Napoléon improviserent tout-à-coup comme par enchantement. Le 12, Hambourg avait dû être évacuée. Le 9, le quartier-général du viceroi était à Leipsick. Le même jour, le prince d'Eckmühl arrivait à Dresde, avec 3,000 hommes, et réunissait, sous son commandement, le corps du général Régnier, à qui le général saxon Thielman venait de refuser les portes de Torgaw. Le 11е corps, sous les ordres du général Grenier, était à Wittemberg. Le général Montbrun occupait Dessau avec quelque cavalerie. Quatre bataillons représentaient à Bernbourg le 2e corps du duc de Bellune. Le 2e corps de cavalerie était réuni à Brunswick par le général Sébastiani. Le 1er, sous le général Latour-Maubourg, se formait à Magdebourg, où le général Lauriston organisait le 5e corps d'infanterie. Derrière cette ligne, le prince de la Moskowa, qui va continuer les prodiges de sa gloire militaire, formait à Wurtzbourg le 3e corps d'infanterie. Le 6e et la garde arrivaient à Francfort sur le Mein sous les ordres du duc de Raguse. Le général Vandamme réunissait à Wesel quelques bataillons du 1er corps, et le 4e accourait d'Italie par le Tyrol sous les ordres du général Bertrand. Ainsi les beaux noms militaires de la France se retrouvaient sous les yeux de l'Allemagne, destinée à être encore pour eux le théâtre d'une nouvelle illustration. Mais ces troupes étaient loin encore d'être disponibles, et

à peine au 1er mars le prince généralissime pouvait-il compter 40,000 hommes à son drapeau. A la fin de mars, sa petite armée était augmentée de 12 à 15,000 hommes. Il avait affaire à 80,000 Russes des corps de Wittgenstein, Czernicheff, et Wintzingerode, qui allaient être renforcés de 75,000 Prussiens des corps de York, Bulow et Blücher. L'armée de Moldavie, de même force, était déjà arrivée sur la Vistule le 6 mars, et vingt autres mille Prussiens allaient entrer en ligne sous les généraux Tauentzien, Schocler et Thumen. L'habileté et l'audace du prince Eugène pouvaient seules tenir tête à des forces aussi nombreuses, à une poursuite devenue'passionnée. Sa retraite avait été savante; sa défensive sur la Saále fut héroïque. Il manœuvra de manière à occuper la plus grande partie des forces de l'ennemi, le força, le 4 avril, à l'affaire de Machern, de déployer devant lui 60,000 hommes en avant de Magdebourg, enleva les têtes de pont que l'ennemi avait établies sur la Saále inférieure, et enfin, après avoir réuni le 5e et le 11e corps à Mersebourg, il se trouva le 30 avril en communication avec la grande armée que commandait l'empereur. Mais le 26 mars, le prince d'Eckmühl avait dû évacuer Dresde, et se retirer sur Stolberg. Le roi de Saxe avait depuis quelque temps quitté sa capitale, s'était d'abord retiré à Ratisbonne, puis à Prague sous la protection de l'Autriche, qui dominait sa politique. Ce prince avait mis Dresde sous la sauvegarde d'un armistice qui venait d'expirer, et renforçait de la division du général Lecocq la garnison de Torgaw, dont les portes ne devaient s'ouvrir à aucune des armées belligérantes. Ainsi la Saxe,

amie et alliée de la France, ne lui présentait plus que le terrain de la campagne qui allait s'ouvrir, et l'attitude d'une neutralité que l'Autriche avait imposée à la foiblesse du roi.

Napoléon partit de Paris le 15 avril,

arriva le 17

à Mayence, le 25 à Erfurt, quitta cette ville le 29, et rejoignit à Eckartzberg son quartier-général. Il avait imprimé sur sa route un mouvement électrique à la jeune armée ; il lui avait parlé partout où il l'avait rencontrée. Mais tout en étant prêt pour la guerre, il voulait aussi paraître l'être pour la paix ; dans ce dessein, à son arrivée en Allemagne, il avait chargé le duc de Vicence de la correspondance diplomatique. L'opinion du grand-écuyer pour la paix, était depuis long-temps connue en Europe, en France, et particulièrement en Russie. Une grande activité régna pendant toute la campagne dans les relations du quartier-général de l'empereur avec le cabinet de Vienne. Cependant, comme la paix ne pouvait être que le prix de la victoire, Napoléon employa tout son génie à ouvrir d'une manière brillante la campagne dont la Saxe allait être le théâtre; et ce génie, il le lui fallait tout entier, soit pour remplacer le défaut total de cavalerie devant des forces où cette arme était si nombreuse et si aguerrie, soit pour tenir tête aux vieilles bandes de la Prusse et de la Russie, avec une armée de conscrits, qui venait de passer subitement du repos domestique aux périls des champs de bataille.

Cette jeunesse fut digne de la France et de Napoléon. Le premier jour où elle vit l'ennemi, ce fut le 29 avril, au combat de Weissenfelds, où l'avant

garde française, toute d'infanterie, culbuta 7,000 Russes, presque tous de cavalerie, commandés par le général Landskoï. L'ennemi dut évacuer la rive gauche de la Saále ; cet avantage important preludait à la campagne qui s'ouvrit le 1er de mai, par un autre combat en avant de Weissenfelds. Plusieurs lignes de cavalerie et d'infanterie, sous les ordres du général Wittgenstein, défendaient, avec une nombreuse artillerie, les défilés de Poserna; les bataillons français, dont l'expérience ne datait que de la veille, enlevèrent brillamment les hauteurs, tuèrent beaucoup de monde à l'ennemi, et le chassèrent de toutes ses positions. Cette gloire ne fut pas sans mélange pour Napoléon, dont la fortune reçut un cruel avis, par la perte du maréchal Bessières ; ce brave général, après avoir commandé ses guides en Italie et en Égypte, commandait depuis 16 ans la garde impériale dans toutes ses campagnes.

La nuit suivante Napoléon occupa Lutzen, petite ville fameuse par la mort de Gustave-Adolphe, et par sa victoire sur les Impériaux ; il visita le tombeau du grand homme, et voulut sans doute honorer sa mémoire en donnant le nom de bataille de Lutzen à la bataille de Grosgorschen, qu'il gagna le lendemain. Le maréchal Ney occupait ce dernier village avec son avant-garde, et la position de Kaya avec le centre de l'armée; la droite, commandée par le duc de Raguse, s'appuyait aux défilés de Poserna, et la gauche à l'Elster, sous les ordres du vice-roi, dont le quartier-général était à Mersebourg. Cependant Napoléon marchait sur Leipsick, précédé du corps de Lauriston, dans la persuasion

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où il était que l'ennemi avait choisi les vastes plaines de cette ville pour y déployer avantageusement sa nombreuse cavalerie. Mais informé dans sa route que le maréchal Ney avait devant lui toute l'armée alliée, il rebroussa chemin avec sa garde, se porta au feu au galop, et par la plus brillante inspiration, il changea subitement les dispositions qu'il avait conçues, accepta le champ de bataille de l'ennemi, envoya des ordres au vice-roi, au général Bertrand, au duc de Raguse, annonça pour trois heures après le gain de la bataille, et la gagna. La jeune garde et la conscription remportèrent une des victoires les plus sanglantes de nos campagnes : les villages de Kaya, de Grosgœrschen, furent emportés plusieurs fois à la baionnette sur l'élite de l'infanterie russe et prussienne, En arrivant sur le champ de bataille, Napoléon avait dit : C'est une bataille d'Égypte, l'infanterie et l'artillerie doivent suffire. L'armée française tira 40,000 coups de canon. Le champ de bataille avait environ deux lieues d'étendue; il fut éclairé le soir par l'incendie des villages où la victoire avait été disputée corps à corps. La perte de l'armée française fut de 10,000 hommes; celle des alliés de 30,000 environ. Mais tout finit pour les Français sur le terrain où ils avait défait l'armée combinée : à défaut de cavalerie, ils ne purent continuer leur victoire, et l'ennemi opéra sa retraite la nuit sur Pegau. La bataille de Lutzen fut, comme le dit Napoléon, gagnée par le général en chef d'Italie et d'Égypte, et, selon la belle expression du bulletin: Nos jeunes soldats relevèrent dans cette grande circonstance toute la noblesse du sang français. Au plus fort de l'action

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