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continentale avec ou sans la médiation de l'Autriche. Mais l'Autriche intervint avec succès pour la médiation, qui, après plusieurs conférences, fut agréée par la France. M. de Metternich s'était rendu à Dresde, où une convention fut signée par lui et le duc de Bassano, le 30 juin. Ce fut après la signature de ce traité, et au moment où le comte de Metternich prenait congé de Napoléon dans les jardins du palais Marcolini, que ce prince, par une de ces improvisations hostiles auxquelles il n'était que trop sujet, lui dit, en lui frappant sur l'épaule : « Eh bien, Metternich, dites-moi à pré»sent combien l'Angleterre vous avait promis » pour me faire la guerre. » On doit dire à la louange de ce ministre, qu'il oublia noblement à Prague l'injure reçue à Dresde, et qu'il ne cessa de tenir au duc de Vicence et au comte de Narbonne, plénipotentiaires de France au congrès, le langage qu'il avait tenu à Dresde à Napoléon lui-même. En effet, et la vérité nous commande de le déclarer, le comte de Metternich avait dit à Dresde, à l'empereur et à son ministre, qu'il y avait trois points irrévocablement arrêtés par son souverain. 10 Que l'Autriche ne pouvait rester neutre, si la paix n'avait pas lieu; 2o que dans ce cas elle marcherait avec la coalition; 3o que le 10 août était le terme irrémissible de l'armistice qui, en raison du traité de médiation, avait été prolongé de 15 jours.

Les souverains résidaient, l'empereur des Français à Dresde, l'empereur Alexandre et le roi de Prusse à Schweidnitz, et l'empereur François au château de Gittschin. Un motif alors inconnu des alliés avait décidé tout-à-coup Napoléon à accepter

la médiation de l'Autriche an congrès, ce fut la nouvelle de la perte de la bataille de Vittoria. Cette bataille détrénait le roi Joseph le 21 juin, et Napoléon se vit forcé de renvoyer en Espagne le maréchal Soult, en qualité de généralissime, pour retenir encore dans la péninsule le drapeau français.

Cependant, les traités de Reichenbach, des 14 et 15 juin, l'un entre l'Angleterre et la Prusse, l'autre entre l'Angleterre et la Russie, et celui de Pétersvaldau entre ces dernières puissances, venaient d'assurer à la coalition la solde d'une armée de 250,000 hommes aux frais de l'Angleterre. Au commencement de la campagne, l'Angleterre était dans un tel état de détresse, qu'elle n'avait pu donner de subsides. Mais la défection de la Prusse, l'attitude de l'Autriche, son intention déclarée d'agir comme médiateur armé, décidèrent le cabinet de Londres. L'Autriche était aussi incognito à Reichenbach, et y confondait déjà ses intérêts avec ceux des quatre couronnes du Nord, en partageant avec elles les subsides britanniques pour solder une armée de 200,000 hommes. Elle stipulait aussi pour son état politique, et demandait et obtenait les dépouilles de la France et de la Bavière, l'Italie, enfin, le statu quo de 1803. On pensa, dans le temps, que M. de Stadion, envoyé au quartier-général des armées belligérantes, ne fut pas étranger aux intrigues et aux mesures prises pour décider son maître à agir contre son gendre. Toutefois, la convention de Reichenbach demeurait secrète, et, pour ne pas offenser la loyauté de l'empereur François, et obtenir la signature de ce prince qui la donna le 27 juillet, elle ne lui fut présentée que comme une

mesure éventuelle et de précaution. Enfin, ce fut Sous les auspices de toutes ces opérations, que la conspiration de l'Angleterre, de la Russie, de la Prusse, et de l'Autriche médiatrice, ouvrit le congrès de Prague le 29 juillet. La difficulté prévue ou plutôt préparée par ces puissances, fut de voir un arbitre dans le médiateur, tandis que la France ne devait et ne voulait voir qu'un conciliateur. Cependant, lié par les engagemens de son cabinet à Reichenbach, l'empereur François n'était et ne pouvait plus être un médiateur. D'un autre côté, l'empereur Napoléon avait d'autant moins de confiance dans les opérations de ce congrès, qu'il n'avait pas l'intention d'y faire la paix, de sorte qu'il paraissait avoir été ouvert plutôt pour y combiner les chances de la guerre que les conditions d'un traité. Effectivement, dès le début et jusqu'au dernier moment, il y eut difficultés sur difficultés apportées par le cabinet de France, et guerre ouverte entre ses plénipotentiaires et ceux des alliés. Enfin, le 6 août, quatre jours avant la dénonciation finale de l'armistice, Napoléon ordonna à son premier plénipotentiaire, le duc de Vicence, d'entamer avec le comte de Metternich, ministre du médiateur, une négociation secrète pour connaître les cons de paix que l'Autriche serait prête à soute le son influence, et qui assureraient ainsi à la France le maintien de l'alliance. Le comte de Metternich s'empressa de faire part à son maître de cette communicatiou faite sous le sceau du secret le plus inviolable, et qui devait être même ignorée du comte de Narbonne, ambassadeur de France. L'empereur François répondit à cette démarche par des propo

sitions complettement honorables pour la France. Le temps pressait : il n'y avait plus que deux jours jusqu'au terme de l'armistice. Napoléon discuta les propositions de son beau-père, en envoya d'autres, et, le 10 août, les alliés signifierent à l'Autriche et à la France la rupture de l'armistice et de la négociation. Il fut bien prouvé alors que Napoléon n'avait voulu que gagner du temps pour sacrifier encore au démon de la guerre. Il avait écrit, des le principe, à son négociateur : « Qu'il préférait « la guerre de l'Autriche à sa neutralité » Ainsi fut brisée cette paix qui, garantie et proposée par l'Autriche sur la demande de Napoléon, ne demandait à ce prince que la dissolution du duché de Varsovie, l'émancipation de Hambourg et de Lubeck, la renonciation au protectorat du Rhin, le rétablissement de la Prusse avec une frontière sur l'Elbe, et la cession de l'Illyrie à l'Autriche. L'empire français restait intact avec toutes les conquêtes de la république. L'état de l'Europe était fixé. La fatigue universelle assurait une longue paix au monde, et la France, reposée de 30 années de gloire militaire, devenue l'équilibre de l'Europe au lieu d'en être le fléau, riche de ses ports, de ceux de la Hollande, de la Belgique, de l'Italie, rentrait enfin avec son ancienne rivale en partage de la souveraineté des mers. Mais, descendre de l'autocratie de l'Europe au rang de son plus grand souverain, paraître y être forcé par l'Autriche en présence des vaincus de Lutzen, de Bautzen et de Würschen, renoncer enfin à ce droit public de la guerre qu'il avait créé, une telle extrémité souleva l'orgueil de Napoléon. Il refusa la paix de l'Autriche,

qui avait cru à sa bonne foi. Il disait à son ministre, il faisait dire à celui de son beau-père, que la lutte durerait plusieurs années. Il l'espérait. Il ne vit que son projet d'abaisser l'Angleterre. Il ne compta pas ses ennemis : il oublia Moskou. Il n'entendit point la France : il lui préféra la guerre.

Aprés de telles inimitiés, chacun sauta sur ses armes, et la reprise des hostilités fut une satisfaction individuelle pour chacune des armées belligérantes. En refusant la paix, Napoléon avait servi la haine et la vengeance de tous ses ennemis ànciens et nouveaux; il donnait carrière à de redoutables trahisons sous son propre drapeau. Les exemples en étaient récens : cette contagion, colorée de l'intérêt de la patrie allemande, était menaçante; tout le passé, tout l'avenir se réunirent sur le champ de bataille que venaient de rouvrir l'imprudence et l'opiniàtreté de Napoléon. Toutes les hostilités de la mémoire se conjurèrent avec toutes les passions de la vengeance. Bernadotte, à qui fut donné le commandement en chef de l'armée du nord de l'Allemagne, déclara dans sa proclamation du 15 août, jour de la fête de Napoléon, que l'Europe devait marcher contre la France, avec le même sentiment qui avait armé contre elle, la France, en 1792. C'était proclamer la proscription des Français, et dévouer la tête de Napoléon. Dans le même moment, appelé par le prince-royal de Suède, Moreau arrivait d'Amérique, pour prendre part à cette guerre d'extermination. Initié bientôt dans les secrets de la vengeance du Nord, ce proscrit arrivait à l'armée, était consulté, et donnait aux souverains confédérés, le conseil de marcher sur Dresde.

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