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190011955

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DE NAPOLÉON.

Napoléon.

1813.

LA France était devenue une place d'armes, et le palais un conseil; toutes les affaires civiles, politiques et militaires, se ressentaient de la présence infatigable de Napoléon. Il présidait chaque jour plusieurs comités, et veillait assiduement à la fortune intérieure et extérieure de l'état. Jamais il n'avait plus gouverné : rien n'échappait à sa prévoyance, rien ne résistait à sa volonté de faire marcher la France entière dans la nouvelle carriere où il allait s'engager avec elle. Il trouvait partout un élan vraiment national, que le deuil de Moskou et le péril de la patrie avaient produit. Cette époque rappelait, douloureusement il est vrai, celles où la défense de la liberté armait la France entière, et elle devait avoir de plus toute l'énergie que pouvait donner le souvenir de 20 années d'une gloire subitement réduite à protéger le foyer paternel. Le 11 janvier, une levée de 250,000 hommes fut décrétée par le sénat; ces nouvelles

phalanges coururent au drapeau. Le mot d'invasion fut électrique, et le sentiment de se rallier autour des nobles débris de Moskou, fut tout-puissant sur cette jeunesse belliqueuse, que Napoléon allait commander en personne. Cependant s'il cherchait à obtenir un nouvel empire sur l'opinion, par les immenses préparatifs militaires dont toute la France était ébranlée, il ne négligea pas de se l'assurer encore par un traité de haute politique, qui pouvait rattacher la cause de la France à celle de la cour de Rome, et resserrer nos relations avec les puissances catholiques. Le 25 janvier, à la suite d'une chasse à Grosbois, il se rendit inopinément à Fontainebleau, traita lui-même avec le pape, et après trente-six heures de conversation et d'explication, dans les meilleures formes, avec le saintpère, il obtint ce que n'avaient pu obtenir tous les négociateurs qu'il lui avait envoyés. Un concordat fut signé. Mais la publication de ce traité, qu'il voulait tenir encore secret, l'irrita. Ce traité cut le sort de ceux qui sont conseillés par la nécessité, et qui n'ont de garantie que la bonne foi des contractans. Les intérêts temporels l'emportérent bientôt sur ceux de l'église. L'institution canonique des évêques de France, convenue par le concordat, ne leur fut pas donnée, et la nouvelle religion de la coalition prévalut sur le rétablissement juré à Fontainebleau, de l'antique exercice du pontificat en France. Cette défection, toute politique en elle-même, exerça une grande puissance morale sur l'Italie et sur les états catholiques, et elle ne se montra sous son vrai jour qu'aux stipulations du traité de Paris.

Cependant, le 5 janvier, la trahison du général York avait ouvert aux Russes les portes de Koenigsberg, et, le 27, le roi de Naples avait remis au vice-roi d'Italie le commandement général de l'armer. Investi par l'empereur de la conservation de ce dépôt sacré pour la France, ce souverain avait, de son propre mouvement et sans avoir consulté Napoléon, quitté le quartier-général de Posen, et reprenait, déguisé en voyageur allemand, la route de ses états. Dix jours après, le 27 janvier, le Moniteur publia l'article suivant : « Le roi de Naples, « étant indisposé, a dú quitter le commandement « de l'armée qu'il a remis au prince vice-roi. Ce « dernier a plus l'habitude d'une grande admini« stration; il a la confiance entière de l'empe«reur. » Le 24, Napoléon avait écrit, de Fontainebleau, à la reine de Naples : « Le roi a quitté « l'armée: votre mari est très-brave sur le champ « de bataille, mais il est plus faible qu'une femme « ou qu'un moine quand il ne voit pas l'ennemi; « il n'a aucun courage moral. » Deux jours après, il écrivait au roi lui-même : « Je ne vous parle pas « de mon mécontentement de la conduite que « vous avez tenue depuis mon départ de l'armée: « cela provient de la faiblesse de votre caractère. « Vous êtes un bon soldat sur le champ de bataille; « mais, hors de là, vous n'avez ni vigueur, ni ca«ractère. Je suppose que vous n'êtes pas « qui pensent que le lion est mort, et qu'on peut..... « si vous faisiez ce calcul, il serait faux. Vous « m'avez fait tout le mal que vous pouviez depuis "mon départ de Wilna, mais nous ne parlerons « plus de cela. Le titre de roi vous a tourné la tête :

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Cette dernière phrase, et surtout l'article du Moniteur, ne pouvaient qu'égarer davantage, et peut-être irriter au plus haut degré, un esprit que Napoléon lui-même savait être aussi faible qu'il le dépeignait. Et ici, peut-être n'est-il pas hors de propos de remarquer que Napoléon s'était plus fait d'ennemis implacables par les personnalités dont il attaquait directement, dans son Moniteur, les hommes puissans de l'Europe, que par ses violences envers les gouvernemens eux-mêmes. On se rappelle ce qui fut écrit contre lord Castelreagh, contre le comte de Stadion, contre le baron de Stein, contre la reine de Prusse, etc. On se sou-. vint de tout, au premier et au second traité de Paris, où la vengeance était entre les mains des offenses.

Le roi de Prusse avait publiquement témoigné son indignation sur la conduite du général York.. Une correspondance avait lieu entre ce prince et le cabinet de France; elle ne cessait de protester de la fidélité du roi à l'alliance; rendait compte des ordres donnés pour le jugement du général et son. arrestation, et de son remplacement dans le commandement des troupes prussiennes. Mais on assure que dans le même temps, d'autres protestations étaient faites à Wilna, et mieux accueillies. On est même porté à croire que la nouvelle des désastres de notre armée était parvenue à Berlin antérieurement au 20 décembre 1812, et que le cabinet, à l'insu du roi, dont la bonne foi ne fut jamais soupçonnée par le gouvernement français, avait donné

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