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réclameroient contre cette distinction; elles demanderoient que leurs députations fussent augmentées.

>> Cen'est pas sans surprise que j'ai entendu dire, pour faire valoir la nombreuse députation de Saint-Domingue, que les nègres qui n'ont pas le droit de réclamer dans le sanctuaire de la liberté, sont les agens des richesses. Mais nos bœufs, nos chevaux sont également les agens des nôtres.

»Je demande de quel droit, ces vingttrois mille blancs ont exclu des hommes libres comme eux, et prétendent cependant qu'il faut les représenter?

» Je demande de quel droit ces vingttrois mille blancs ont défendu à leurs con citoyens de nommer des représentans, et se sont arrogé le droit de les nommer exclusivement et pour eux et pour ceux qu'ils ont exclus de l'assemblée? Croient-ils que nous ne les représenterons-pas? que nous ne defendrons pas leur cause? On ne doit accorder le nombre des députés qu'à proportion du nombre des votans; voilà la loi générale, qui est également pour la France et pour Saint-Domingue ».

Cette importante question fut décidée

dans la séance du 4. Il fut arrêté que Saint-Domingue auroit six représentans pour la présente session de l'assemblée nationale, et que les autres membres auroient, comme les suppléans des autres provinces de France, une place marquée dans l'enceinte de la salle, sans voix consultative ni délibérative.

Du 6 au 9 juillet 1689.

On s'occupa, dans la séance du 6, de différentes vues relatives à la subsistance du peuple. Mirabeau interpella le comité de déclarer s'il ne lui avoit pas été donné connoissance des propositions faites par M. Jefferson au nom des Américains, pour la fourniture des subsistances et de l'offre d'un particulier résidant en Angleterre, de vendre de la farine de pois à un prix très-modéré; et sur la réponse que le comité ignoroit absolument ce qui étoit alors avancé, M. Mirabeau demanda 24 heures pour prendre de nouvelles instructions sur cet cbjet.

Avant de rapporter celles qu'il se procura, nous ne devons pas passer sous

silence combien il influa sur la délibération relative à la question des mandats impératifs.

M. d'Autun avoit fait une motion (1) expresse à ce sujet; les orateurs les plus distingués avoient proposé leurs vues. Mirabeau, dont l'opinion avoit été accompagnée de murmures observa avec

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cette force qui lui étoit si naturelle, qu'avant d'aller aux voix sur la motion de M. l'évêque d'Autun, il falloit délibérer pour savoir s'il y avoit lieu à délibérer, et il partagea, il faut le dire, avec M. l'abbé Syeyes, la gloire de ramener l'assemblée nationale à cet avis. On décida qu'il n'y avoit pas lieu à délibérer.

Mirabeau présenta ensuite (2) les éclaircissemens qu'il s'étoit procurés relativement à M. Jefferson, et il fit cette motion si importante sur le renvoi des troupes qui environnoient Versailles et la capitale.

«Avant de vous occuper,

(1) Séance du 7 juillet.

dit-il (3),

(2) Séance du 8.

(5) Dix-huitième lettre..

de l'objet souverainement important que je vais vous soumettre, je dois rétracter le mot de proposition que j'ai hazardé l'autre jour, relativement à une négociation américaine pour les subsistances. Je suis porteur d'une lettre de M. Jefferson, où il déclare qu'il n'a point fait de propositions à ce sujet, et même, que sur la réquisition du directeur général des finances, il prévint, il y a plusieurs mois, les Américains, que la France feroit un excellent marché pour les grains et les farines. Il n'en est pas moins vrai que les intentions du gouvernement ont été trèsmal suivies par la faute des sous-ordres, et qu'une profonde ignorance et le défaut de concert dans la distribution des primes, ont privé la France des denrées américaines. Une multitude de faits du même genre, qui sont parvenus à ma connoissance, jetteront un grand jour, soit sur le commerce des grains, soit sur la théorie de ce commerce, et démontreront tou jours mieux combien l'assemblée nationale doit se garder d'aucune déclaration législative à ce sujet, tant que cette grande question n'est pas profondément instruite.

Ces

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Ces faits et leurs conséquences seront l'objet d'un travail que je vous demanderai incessament la permission de vous présenter ».

Après cette déclaration, Mirabeau prononça un discours relatif à la posi tion de l'assemblée nationale et aux approches des troupes; le voici :

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» Il a fallu, pour me décider à interrompre l'ordre des motions que le comité vous propose de vous soumettre, une convic tion profonde que l'objet dont j'ai demandé la permission, de vous entretenir; est le plus urgent de tous les intérêts. Mais, MESSIEURS, si le péril que j'ose vous dénoncer, menace tout à la fois, et la paix du royaume, et l'assemblée natio nale, et la sûreté du monarque, vous ap prouverez mon zèle. Le peu de momens que j'ai eus pour rassembler mes idées ne me permettra pas sans doute de leur donner tout le développement nécessaire ; mais j'en dirai assez pour éveiller votre attention, et vos lumières suppléeront à mmon insuffisance.

Tome I.

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