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plus forte que s'il ne se fût agi que d'une apposition de scellés sans aucune autre importance que celle d'une formule ordinaire et prescrite par la loi.

Mais voici venir une circonstance aggravante contre laquelle la loi a dû déployer toute sa rigueur.

- Tenez, vous dit-elle, je vous confie les papiers et effets d'un citoyen prévenu d'un grand crime, (ou si mieux vous l'aimez,) condamné pour un grand crime. Là se trouvent déposées des révélations importantes pour le maintien de la paix publique, et peut-être même pour le salut de l'État; je vous en rends dépositaire, et si je les scelle d'une légère bande de papier, ce n'est assurément pas que je me méfie de votre loyauté; qui vous empêcherait de le briser? mais c'est que, par cette mesure, je veux prouver à la partie intéressée que sa propriété n'a pas été spoliée, et qu'elle est absolument aujourd'hui telle qu'elle se trouvait à l'époque des scellés requis et légalement apposés.

Eh bien! mes amis, que malgré cet honorable abandon de la loi les dépositaires ou gardiens brisent volontairement les scellés dont la garde leur était remise, il est bien évident qu'ils ont eu l'intention de soustraire, dans leur intérêt personnel, des documents qu'ils devaient respecter dans l'intérêt général, et que, par cette indigne spoliation, ils ont pu détourner au détriment de la société les preuves d'attentats ou de forfaits qui, désormais impunis, vont peut-être compromettre ou sa gloire ou son repos. De tels hommes sont trop dangereux pour que la main de la justice ne s'appesantisse pas sur eux; or voici comment elle les punit.

Quiconque aura, à dessein, brisé des scellés apposés sur des papiers ou effets de la qualité énoncée en l'article précédent, ou participé au bris des scellés, sera puni de la reclusion; et si c'est le gardien lui-même, il sera puni des travaux forcés à temps. (Art. 251.)

Les scellés, quelque part qu'ils soient apposés, im

priment donc un caractère sacré aux objets qu'ils conservent; et quelle que soit la main qui les brise, elle sera frappée à son tour du sceau de l'infamie et du mépris public. Sceau terrible et profond que la vertu même ne peut effacer avec le temps qu'à l'aide du repentir et des saintes influences de la religion et de l'honneur. Poursuivons.

A l'égard de tous autres bris de scellés, les coupables seront punis de six mois à deux ans d'emprisonnement; et si c'est le gardien lui-même, il sera puni de deux à cinq ans de la même peine. ( Art. 252. )

Ainsi, le bris de scellés est un crime pour tous, mais il s'aggrave pour les gardiens que le juge a commis à leur conservation.

C'est par le même principe, mes amis, que je punirais avec sévérité les vols commis dans les magasins de l'entreprise, mais que je punirais plus sévèrement encore les mêmes soustractions si elles avaient été faites par les prisonniers spécialement chargés de la surveillance et de l'entretien des objets emmagasinés. Je suis également sûr que de votre côté vous pardonneriez bien plutôt à l'un de vos camarades de vous avoir dérobé secrètement votre ration de pain, que vous ne le feriez à l'égard de celui d'entre eux à qui vous auriez confié votre panier. Toutes ces dispositions pénales sont tellement empreintes de conscience et de vérité, qu'il est impossible que leur justice et leur sagesse puissent échapper à l'intelligence du plus borné des hommes. Et d'ailleurs, la justice n'est pas une science impossible pour celui qui fut habile à commettre un délit, car la vertu parle au cœur un langage simple et naturel, tandis que le crime est toujours le fruit d'un problème difficile à comprendre, et qu'on n'aborderait jamais si l'on pouvait en pressentir la tardive solution.

Tout vol commis à l'aide d'un bris de scellés sera puni comme vol commis avec effraction. (Art. 253. )

C'est-à-dire des travaux forcés à temps, ainsi que nous le verrons plus tard, en traitant des crimes et délits contre les propriétés.

En effet, l'effraction ne s'aggrave pas en raison de l'obstacle qui s'oppose aux mains qui la commettent, car s'il en était ainsi, vous sentez que pour se soustraire au pillage, il faudrait barder ses meubles de fer, et doubler les murs de son habitation de lames de bronze ou d'acier. La loi n'a pas voulu que le crime fût basé sur le plus ou le moins de difficultés à le commettre, et devant elle la preuve de l'intention suffit. Conséquemment, pour un honnête homme, peu importe l'espèce de scellé qu'elle appose sur les objets qu'elle veut signaler comme sacrés; il n'y touchera pas, ne fallût-il qu'un léger souffle pour écarter la preuve du délit ; et pour le fripon, il était bon aussi qu'il sût en quoi le crime consiste, afin de juger, par le peu de précautions qu'on prend pour se défendre de lui, combien on est assuré de l'atteindre et de le punir, en quelque endroit qu'il se cache ou se retire. Le bris de scellés, c'est-à-dire d'une simple petite bande de papier cachetée aux deux bouts, est donc tout aussi bien une effraction que le bris d'un coffre-fort, et la loi le punit de la même manière, quand il a eu pour objet de commettre un vol.

Quant aux soustractions, destructions et enlèvements de pièces ou de procédures criminelles, ou d'autres papiers, registres, actes et effets, contenus dans des archives, greffes ou dépôts publics, ou remis à un dépositaire public en cette qualité, les peines seront, contre les greffiers, archivistes, notaires ou autres dépositaires négligents, de trois mois à un an d'emprisonnement, et d'une amende de cent francs à huit cents-francs. (Art. 254.)~

C'est encore la négligence des dépositaires qu'on punit ici, parcequ'en effet tous les actes ou titres dont il s'agit sont autant de témoins constants des diverses transactions publiques ou privées, et auxquels se rattachent toujours des intérêts d'État, de famille ou de propriété qu'il im

porte essentiellement de pouvoir retrouver intacts au besoin.

Et sans aller chercher autre part des exemples qu'autour de nous, supposons que par sa négligence M. le greffier de cette maison, laisse enlever ou dégrader des contrats que vous lui auriez déposés, et dont il vous aurait délivré récépissé en vous écrouant; serait-il bien agréable pour vous de ne plus retrouver ces pièces au jour de votre libération, et de voir ainsi votre fortuné ou votre existence civile compromises à défaut de pouvoir justifier de ces mêmes titres ou contrats qu'aurait égarés ou dégradés M. le greffier? Mais, dira-t-on, la petite punition que la loi inflige ne vous fera pas retrouver ce qu'il aura égaré ou détruit? Sans doute, mais comme il y a une immense différence entre un fripon et un négligent, la perspective de cette peine rendra celui-ci plus soigneux et plus prudent dans la garde du dépôt qu'on lui aura confié, et c'est le seul but de cette disposition pénale. La loi punit bien autrement ceux qui se sont rendus coupables de soustractions, enlèvements ou destructions des objets énumérés dans l'article précédent, surtout si le vol et la fraude ont été commis par le dépositaire, comme vous allez l'apprendre.

Quiconque se sera rendu coupable des soustractions, enlèvements ou destructions mentionnés en l'article précédent, sera puni de la reclusion. Si le crime est l'ouvrage du dépositaire lui-même, il sera puni des travaux forcés à temps. (Art. 255.)

Vous le voyez donc, il ne faut pas nécessairement, pour devenir coupable d'un délit fort grave, briser les scellés posés par la justice sur des objets dès ce moment réputés sacrés pour tout autre que pour elle. Les titres, registres, procédures criminelles ou tous autres actes commis à la garde d'un dépositaire public n'en sont pas moins également sacrés, et ne peuvent jamais être spoliés impunément, pas même par ceux à qui ils appartiennent, s'ils

ne se conforment aux règles et réglements déterminés par les lois, ordonnances ou instructions reconnues authentiques et légales. Sans doute, votre contrat de mariage est bien un titre qui vous concerne plus particulièrement que tout autre, mais ce n'est pas une raison pour vous de le soustraire frauduleusement de l'étude de votre notaire, car ce même contrat de mariage peut, dans une foule de circonstances, devenir pour des tiers un titre, une preuve ou un document auxquels se peuvent rattacher leurs plus grands intérêts. Ainsi, TOUT DÉPÔT EST SACRÉ, voilà le principe. Et comme toujours ce principe se trouvé encore écrit dans nos livres saints, car voici ce qu'on lit dans l'Exode:

Si quelqu'un met en dépôt de l'argent ou quelque autre chose chez son ami, et qu'on le dérobe chez le dépositaire, si le voleur se trouve, il rendra le double.

Mais si on ne trouve pas le voleur, le dépositaire comparaîtra devant les juges, et fera serment qu'il n'a point pris ce qui était à son prochain.

Les juges alors examineront la chose, et si le dépositaire est condamné il restituera le double de la valeur du dépôt à celui qui le lui avait confié (1).

Mais cette obligation de rendre au double la valeur du dépôt volé nous paraît, de prime abord, bien moins rigoureuse que la reclusion ou les travaux forcés imposés par nos lois en pareil cas; car la loi hébraïque ne nous dit pas ici comment, dans le cas où il n'avait pas le moyen de rendre le double de ce qu'il avait dérobé, elle punissait le voleur. Assurément, mes amis, s'il en était ainsi, les mendiants et les vagabonds auraient pu se livrer au bénéfice du larcin sans courir trop de risques; mais voilà qu'il existe au même chapitre de l'Exode, quatre versets avant ceux-ci, une disposition qui dérange un tant soit peu le charme du métier. Il y est dit : « Si le voleur n'a pas << de quoi rendre ce qu'il a dérobé, il sera vendu lui

(1) Exode, chap. XXII, v. 7, 8, 9.

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