Page images
PDF
EPUB

ments à sa puissance, sont autant d'actes repréhensibles qu'il fallait réprimer et punir.

Examinons donc ce que dit la loi :

Toute attaque, toute résistance, avec violences et voies de fait, envers les officiers ministériels, les gardes champêtres ou forestiers, la force publique, les préposés à la perception des taxes et des contributions, les porteurs de contraintes, les préposés des douanes, les séquestres, les officiers ou agents de la police administrative ou judiciaire, agissant pour l'exécution des lois, des ordres ou ordonnances de l'autorité publique, des mandats de justice ou jugements, est qualifiée, selon les circonstances, crime ou délit de rebellion. (Art. 209.)

En général, mes amis, ce que le peuple apprécie le moins bien, c'est la différence qui existe entre l'homme comme individu, et l'homme comme fonctionnaire, à quelque titre que ce soit. Un garde-champêtre, par exem ple, ne vous paraît pas d'ordinaire un citoyen bien important par sa naissance, par son éducation, ni enfia par la nature de ses fonctions. Accoutumés à vivre familièrement avec lui comme avec un voisin ou un ancien camarade, sa plaque et son baudrier ne vous inspirent pas un respect bien grand; et s'il survient entre vous et lui quelques petites difficultés, ce que vous oubliez le plus vite, c'est assurément sa qualité d'agent de l'autorité publique, pour ne voir en lui que votre égal, peut-être même que votre inférieur; et de là cependant une foule de crimes ou de délits qui vous peuvent amener sur les bancs des coupables, et bientôt après en prison!

Détrompez-vous donc d'une aussi dangereuse erreur, Quels que soient son rang, sa fortune, sa naissance et même quelque rabaissé que vous le supposiez comme homme, du moment où il est revêtu d'un caractère légal, i il devient une portion essentielle et conservatrice de la puissance suprême; il devient une nécessité de la grande mécanique de l'ordre social. De même que si vous ôtiez d'une montre le plus simple des rouages, elle s'arrêterait tout-à-coup, et ne remplirait plus l'objet pour lequel elle

a été construite; de même encore qu'il suffirait à Dieu, pour que l'univers s'écroulât, de rendre immobile l'un de ces corps célestes, voyageurs réguliers dans les plaines de l'air; sauf que, dans sa prescience infinie et sans bornes, il n'eût fait de leur repos, dès l'origine du monde, une des conditions essentielles à ses immuables desseins!

[ocr errors]

Il y a donc nécessairement, et vous ne devez jamais l'oublier, deux êtres différents dans un fonctionnaire quel qu'il soit; l'homme privé et l'homme public. Vous pouvez aimer ou haïr, estimer ou mépriser l'homme privé, suivant le sentiment qu'il vous inspire; mais quel que soit ce sentiment, vous devez à l'homme public obéissance et respect, parceque dans lui c'est à la puissance et à la sainteté des lois que vous vous soumettez, et qu'à nul n'a été donné le droit de les enfreindre impunément.

-Ces explications préliminaires vont vous expliquer et vous faire comprendre toute la justice et toute la raison des dispositions suivantes sur le crime de rebellion.

[ocr errors]

Si elle a été commise par plus de vingt personnes armées, les coupables seront punis des travaux forcés à temps, et, s'il n'y a pas eu port d'armes, ils seront punis de la reclusion. (Art. 240.)

Dans un pays où la liberté individuelle est garantie de la manière la plus formelle; où chacun jouit également de la liberté de conscience la plus étendue, et reçoit pour son culte la protection des lois; où l'exercice des droits politiques et civils est tellement assuré, qu'il est impossible de pouvoir légalement y apporter aucun obstacle; dans un pays où la police la plus assidue et la plus tutélaire veille à la sécurité de tous les citoyens, et où la force militaire assure l'indépendance du sol, je vous le demande, quel peut être le but d'une réunion armée de plus de vingt individus, si ce n'est de jeter le trouble, l'inquiétude et la désolation au sein même de la paix publique si néces

saire et si fortement constituée? Si dans cette maison, je ne dirai pas vingt détenus, mais seulement la moitié se réunissaient en armes et s'isolaient de leurs camarades, quel serait mon devoir? Je devrais les punir de la manière la plus rigoureuse, car ils seraient au milieu de vous un sujet de craintes et d'alarmes; or, la paix et la sécurité vous sont dues ici comme hors de ces murs, et c'est à moi qu'est confié le soin et le pouvoir de vous les

assurer.

Que maintenant plus de vingt individus se réunissent sans armes et se constituent en état de rebeliion contre la force publique; le crime sera le même, car ils auront produit l'alarme et la confusion autour d'eux. Toutefois, le danger étant évidemment moins sérieux, puisqu'ils n'auront point d'armes, ils seront punis moins sévèrement, mais assez cependant pour contenir ceux qui seraient plus tard follement tentés de les imiter.

Gardez-vous donc de ces entraînements funestes où vous exposent, sans se compromettre eux-mêmes, les rebelles et les factieux. Ils vous diront bien en vous caressant et même en vous payant : « Trouvez-vous là où là, « soyez prêts au moindre signal. » Mais ils ne s'y trouveront pas, ou du moins, mieux servis que vous par leurs agents, ils seront prévenus à temps de l'action de la force armée, et disparaîtront au moment du danger, sauf à revenir plus tard renouveler leurs tentatives ou se partager les fruits de la révolte, si elle n'a pas été réprimée. Le faible, mes amis, est toujours faible même en masse, et les malheurs que dans ce dernier cas il facilite comme force oppressive n'ajoutent ni ne changent rien à sa nature particulière ; il reste faible, c'est-à-dire opprimé, si la loi ne lui prête appui. Or, dans le cas de rebellion, loin de le protéger et de le défendre, elle l'abandonne et le poursuit. Interrogez-vous, et dites-moi s'il en est beaucoup d'entre vous que la révolte et la rebellion aient ren

dus riches, puissants et forts? Et s'il est des circonstances où, comme l'a dit un auteur moderne (1), dans sa jolie fable de l'Ane et le Mouton,

Unissant leurs moyens, agissant bien d'accord,'

Faible et faible valent un fort.

C'est quand la justice et le bon droit leur servent de lien, autrement tout le mal qu'ils produiront comme forts et en masse, retombera sur eux comme faibles et isolés. Et combien n'en connaissez-vous pas d'exemples!

On a vu, m'a-t-on raconté, dans cette maison, quelques prisonniers mutins s'armer de couteaux et s'établir au milieu des corridors pour en barrer le passage à leurs camarades, et les frapper audacieusement s'ils osaient enfreindre l'ordre de ne pas passer outre et de rebrousser chemin. Mais qu'ils aient ou non effrayé ou frappé leurs victimes, à coup sûr il n'en est résulté pour eux que des poursuites sévères ou peut-être même de nouvelles condamnations. La force n'est donc réellement forte et puissante qu'alors qu'elle est légitime, et jamais elle ne peut l'être réellement et pour longtemps dès qu'elle se constitue en état de rebellion. Nous allons apprendre combien à cet égard la législation a été prévoyante et sévère.

Si la rebellion a été commise par une réunion armée de trois personnes ou plus jusqu'à vingt inclusivement, la peine sera la reclusion; s'il n'y a pas eu port d'armes, la peine sera un emprisonnement de six mois au moins et deux ans au plus. (Art. 214.)

Conséquemment, si pour s'opposer à l'exécution d'un mandat légalement délivré, trois personnes armées, ou plus, pourvu que le nombre n'excède pas vingt, s'établissent en état de rebellion, la reclusion leur sera infligée; si elles n'ont point d'armes, elles subiront l'emprisonnement.

(1) M. Dubigny.

Cette disposition, comme les précédentes et celles qui vont suivre, est toujours basée sur la manifestation publique d'un crime inutile. Car quel peut être le but d'une rebellion armée ou non? Est-ce la réparation d'un grief ou l'obtention d'un droit? Mais dans ce cas la loi elle-même a pris soin d'indiquer la marche à suivre pour obtenir justice. Ne pas la suivre c'est donc nier la puissance de la loi ou la mépriser, double motif pour être atteint et frappé. Il n'a été, je vous l'ai dit, donné à qui que ce soit de se faire justice à soi-même, car un tel droit eût anéanti d'un seul coup toute société civilisée, quelle que fût la nature de son gouvernement. Un acte de rebellion ne peut donc avoir pour principe que l'ignorance où l'on est de ses droits ou la volonté coupable d'attenter à ceux d'autrui il doit donc être réprimé; passons outre.

Si la rebellion n'a été commise que par une ou deux personnes, avec armes, elle sera punie d'un emprisonnement de six mois à deux ans, et, si elle a eu lieu sans armes, d'un emprisonnement de six jours à six mois. (Art. 212.)

La peine, comme vous le voyez, diminue en raison de là faiblesse des rebelles. N'y a-t-il pas en effet quelque justice à prendre en pitié la folie de deux mauvais sujets qui s'arment impudemment contre l'autorité publique pour l'ébranler à leur profit? Ne regarderiez-vous pas vous-même comme une démence plus digne de commisération que de colère les efforts que deux de vos camarades feraient pour détruire, à force ouverte, l'ordre et la discipline qui règnent dans cette maison?

Ils mériteraient d'être punis sans doute, mais bien moins sévèrement que si la rebellion comptait un plus grand nombre d'agents, parceque de ce moment, prenant un caractère plus grave, elle nécessiterait forcément de plus graves punitions. Je vous l'ai dit, mes amis, tout ce qu'une législation bien faite prescrit dans l'intérêt géné– ral se peut appliquer aux associations les moins nom--

« PreviousContinue »