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fecture pour être de nouveau statué sur le montant desdites indemnités, après qu'il aura été procédé à leur évaluation par une expertise régulière.

3. La requête de la compagnie concessionnaire de la navigation du Drot est rejetée dans le surplus de ses conclusions, dépens compensés.

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(N° 156)

[29 novembre 1851.

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Rivières navigables; détermination de l'époque de leur navigabilité. Usines; existence légale; dommages; indemnités. (Compagnie concessionnaire de la navigation du Drot c. Pommade et Jabot.) — La navigabilité d'un cours d'eau ne remonte pas à l'époque où un ancien édit demeuré sans exécution a autorisé les travaux nécessaires pour y établir la navigation; elle ne date que des travaux effectués ultérieurement en vertu de nouvelles concessions administratives. La vente nationale d'une ancienne usine située sur un cours d'eau non navigable, confère à cette usine une existence légale. — Dès lors l'acquéreur ou ses représentants ont le droit de réclamer une indemnité en cas de chômage nécessité pour le service de la navigation, lorsque aucune clause de l'acte de vente ne leur interdit ce droit. Décidé que le chômage attribué, par le concessionnaire des travaux de navigation, à un cas de force majeure, avait été causé par le fait dudit concessionnaire. — L'arrêté du conseil de préfecture qui règle le montant de l'indemnité due à l'usinier, doitil, à peine de nullité, être précédé d'une expertise contradictoire? (Résolu implicitement par la négative) (*).

La compagnie concessionnaire de la canalisation de la rivière du Drot s'est pourvue contre un arrêté du conseil de préfecture de Lot-et-Garonne, en date du 20 juillet 1846, qui l'a condamnée, par les motifs suivants, à payér une somme de 600 francs aux sieurs Pommade et Jabot :

(*) Voir, dans le sens de l'affirmative, un arrêt du 15 août 1850, ville de Bergerac, 2a série, X, 906.

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• Considérant qu'il résulte de l'exposé de la demande que, le 21 octobre 1844, une crue extraordinaire du Drot enleva la portion de terre placée entre l'écluse et le barrage construit dans l'intérêt de la navigation de cette rivière; que la chaussée du moulin appartenant aux sieurs Pommade et Jabot fut endommagée et le roulement de l'usine suspendu pendant quarante jours; que le préjudice déterminé par les travaux exécutés dans l'intérêt de la navigation par la compagnie concessionnaire établit un droit à une indemnité; qu'on n'est pas fondé à exiger des propriétaires le titre légal de l'établissement de l'usine, parce qu'elle a été vendue par le gouvernement, le 21 fructidor an IV, comme propriété nationale dépendant de M. de Durfort, émigré, et que l'acquéreur a dû compter sur la bonne foi du vendeur dans la transmission de la propriété ;

» Considérant que l'usine se compose de six tournants; que le chômage a duré quarante jours, et qu'en allouant aux pétitionnaires 15 francs par jour de chômage, on peut croire avoir offert une indemnité relative au préjudice éprouvé sans léser les intérêts de la compagnie concessionnaire des tra

vaux. D

A l'appui de son pourvoi, la compagnie soutenait :

1° Que les sieurs Pommade et Jabot étaient tenus de prouver l'existence légale de leur usine antérieurement à l'édit de 1719, qui avait classé la rivière du Drot au nombre des rivières navigables;

2° Qu'en admettant même que le Drot ne fût reconnu comme rivière du domaine public qu'à partir des travaux récents qui l'ont rendu navigable, l'acte de vente nationale, du 21 fructidor an IV, produit par les requérants, ne suffisait pas pour constater la légalité de l'existence de leur moulin ; qu'en effet, les administrations qui effectuaient les ventes des domaines confisqués sur les émigrés prenaient ces biens et les vendaient dans l'état où ils se trouvaient, et que ces ventes n'avaient pas le pouvoir de suppléer aux vices de la propriété ou de la possession du dernier détenteur; que la vente nationale d'un moulin à eau peut, tout au plus, être considérée comme une présomption de légalité en faveur de l'usine, lorsque cette présomption se lie à une longue possession antérieure à la vente; mais que, dans l'espèce, il n'est pas prouvé que l'ancien propriétaire du moulin de Durfort l'ait possédé lui-même ou par ses auteurs assez longtemps pour faire admettre la possibilité de la perte ou de la destruction du titre légal de cette usine;

3° Que le dommage dont se plaignaient les requérants avait pour cause un accident de force majeure, dont les conséquences ne devraient être mises à la charge de la compagnie qu'autant que ce dommage proviendrait de la direction vicieuse imprimée aux travaux;

4° Que l'importance réelle du chômage avait été exagérée par le conseil de préfecture, et qu'elle devait être évaluée seulement à 305 francs, conformément à un avis des ingénieurs;

5. Que le conseil de préfecture avait procédé irrégulièrement en ne faisant pas précéder sa décision d'une expertise contradictoire.

Par ces motifs, la compagnie concluait à l'annulation de l'arrêté du conseil de préfecture.

Le ministre, consulté, a combattu, comme dans l'espèce précédente, le moyen tiré de la domanialité du Drot à partir de l'édit de 1719.

Ce moyen écarté, il a été d'avis qu'on ne saurait refuser d'admettre la légalité du titre créé pour les sieurs Pommade et Jabot par la vente nationale du 21 fructidor an IV. « En effet, a-t-il dit, il est de règle consacrée par la jurisprudence du conseil d'état que l'on doit reconnaître, comme légalement établies sur les cours d'eau non navigables, les usines dont les propriétaires, à défaut de titre d'établissement, pourraient justifier, soit d'un acte de vente nationale, soit d'une possession antérieure à l'abolition de la féodalité. Du moment donc que la navigabilité du Drot est un fait récent, l'acte de vente nationale produit par les sieurs Pommade et Jabot constitue un titre régulier, et suffit pour rendre légale l'existence du moulin de Monsieur. »

Le ministre a pensé, d'ailleurs, que la compagnie ne pouvait décliner la responsabilité d'un dommage qui était la conséquence directe d'ouvrages exécutés par elle dans une bonne ou une mauvaise direction.

Enfin, le ministre a été d'avis qu'il y avait lieu de fixer à 305 francs le chiffre de l'indemnité, en prenant pour base le loyer moyennant lequel l'usine était affermée.

Le commissaire du gouvernement a conclu au fond comme le ministre ; mais il a pensé que l'arrêté du conseil de préfecture devait être annulé en la forme, parce que l'indemnité n'aurait dû être réglée qu'après une expertise contradictoire.

Pendant le cours de l'instance, le sieur Jabot a renoncé au bénéfice de l'arrêté attaqué, à la condition que la compagnie payerait tous les frais faits tant devant le conseil de préfecture que devant le conseil d'état.

Le conseil a statué en ces termes :

Au nom du peuple français,

Le conseil d'état, section du contentieux,

Vu les édits de juillet 1719 et avril 1720;

Vu les lois des 20 août 1790 et 6 octobre 1791, et l'arrêté du directoire du 19 ventôse an VI;

Vu l'article 4 de la loi du 28 pluviose an VIII et l'article 48 de la loi du 16 septembre 1807;

Vu l'ordonnance du 10 juillet 1835;

Vu l'ordonnance du 11 avril 1821 et celle du 10 septembre 1839; Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'édit de juillet 1719, qui avait autorisé le duc de la Force et le marquis de Biron à faire tous les travaux nécessaires pour rendre la rivière du Drot navigable, est demeuré sans exécution et a été rapporté l'année suivante; que le Drot n'est devenu navigable que par suite des travaux effectués en exécution des ordonnances des 11 avril 1821 et 10 septembre 1839, et par conséquent à une époque postérieure à l'établissement du moulin de Monsieur, lequel, d'une construction

fort ancienne, au dire de ses propriétaires non contesté par la compagnie, et ayant été vendu nationalement aux auteurs des sieurs Pommade et consorts, le 21 fructidor an IV, avait par cela même une existence légale, et que, aucune clause de l'acte de vente n'interdisant à l'acquéreur ou à ses représentants le droit de réclamer une indemnité en cas de chômage nécessité pour le service de la navigation, les sieurs Pommade et consorts étaient recevables à demander la réparation du préjudice qu'ils alléguaient avoir éprouvé par suite du chômage de cette usine dans le cours de l'année 1844;

Considérant qu'il est établi que ce chômage a été causé par le fait de la compagnie, et que l'indemnité de 600 francs allouée aux sieurs Pommade et consorts pour ledit chômage n'est pas exagérée ;

Considérant toutefois que, attendu les conventions intervenues entre le sieur Jabot, l'un des propriétaires de l'usine, et la compagnie, il y a lieu de ne maintenir la condamnation prononcée contre celle-ci au payement de l'indemnité précitée que sauf l'effet desdites conventions;

Art. 1o. La requête de la compagnie concessionnaire de la navigation du Drot est rejetée, sauf à ladite compagnie à suivre l'effet des conventions intervenues entre elle et le sieur Jabot.

2. La compagnie concessionnaire de la navigation du Drot est condamnée aux dépens.

-

(N° 157)

[29 novembre 1851.

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Extraction de matériaux; indemnité; formalités. Tierce expertise. Intérêts. Dépens. (Bourdin c. Caute.) Bien qu'en matière d'indemnité pour occupation de terrains, la loi exige l'avis du contrôleur et du directeur des contributions, décidé que l'omission de l'un de ces deux avis n'était pas de nature, dans l'espèce, à entraîner l'annulation de l'arrêté du conseil de préfecture.· Le tiers expert n'est pas tenu de se transporter sur les lieux ni d'appeler devant lui les experts. L'ingénieur en chef du département nommé tiers expert en cetle

qualité ne doit pas être assujetti à la prestation de serment (*). - Les intérêts d'une indemnité due pour extraction de matériaux ne doivent être alloués qu'à partir du jour où ils sont demandés. — Un entrepreneur condamné à payer une indemnité de dommage à un particulier doit, s'il n'avait pas fait d'offres avant l'instance, en supporter tous les dépens.

Au nom du peuple français,

Le conseil d'état, section du contentieux,

Vu la requête présentée par le sieur Jean-Baptiste Bourdin, greffier du tribunal civil d'Angoulême, demeurant à Angoulême, ladite requête tendant à ce qu'il plaise au conseil d'état annuler un arrêté en date du 16 novembre 1850, par lequel le conseil de préfecture de la Charente, statuant sur la demande en indemnité qu'il avait formée à raison des fouilles pratiquées dans sa propriété dite de Montboulard, située à Soyaux, pour l'extraction de matériaux destinés aux travaux à exécuter sur la route nationale n° 139, dont le sieur Caute était adjudicataire, a réglé ladite indemnité: 1o à la somme de 18.47 pour 4.90 de terrain fouillé ; 2° à celle de 15.06 pour 6 ares de terrain battu pour le passage des voitures; 3° à celle de 6'.30 pour les dégradations causées à 5 ares de terrains occupés par le chemin de vidange des coupes de bois, et a décidé que le sieur Bourdin payerait son expert;

Vu l'arrêt du conseil du 7 septembre 1755;

Vu la loi du 16 septembre 1807;

Sur le moyen tiré de ce que le contrôleur des contributions n'a pas donné d'avis sur l'expertise:

Considérant que, si l'article 57 de la loi du 16 septembre 1807 exige l'avis du contrôleur et du directeur des contributions, l'omission de l'un de ces deux avis n'est pas de nature, dans l'espèce, à entraîner l'annulation de l'arrêté attaqué;

Sur les moyens tirés de ce que l'ingénieur en chef, tiers expert, n'a pas visité les lieux, n'a pas appelé devant lui les experts, et de ce qu'il n'a pas prêté serment:

Considérant que la loi n'exige pas que le tiers expert se transporte sur les lieux, ni qu'il appelle devant lui les experts;

Considérant que l'ingénieur en chef ayant été nommé tiers ex

(*) Arrêts des 11 août 1849, Quesnel c. -Ferrand, et 19 janvier 1850, Lheurin, 2a série, IX, 477; X, 476.

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