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Si Pie VII était déjà comme dans une sorte de prison, on voit qu'il n'y oubliait pas ses devoirs. On parlait de retenir le pape à Venise, même de l'engager à fixer son séjour à Vienne; mais, après deux mois de retard, l'Autriche ne put et ne voulut pas s'opposer au départ du pontife. L'armée de Bonaparte, devenu premier consul, était descendue en Italie par tous les chemins qu'on suppose avoir été connus d'Annibal, et le général français, de sa personne, était entré à Milan le 2 juin. Le pape s'embarqua le 6 juin sur une frégate autrichienne, qui se trouva ensuite, on ne sait comment, mal pourvue de provisions de bouche. Le manque absolu d'eau força Pie VII à débarquer à Pesaro, d'où il s'achemina vers Rome.

Le 21 juin il entra dans Ancône au bruit d'une salve d'artillerie. Les vaisseaux russes, qui stationnaient dans le port, ordonnèrent le salut impérial, parce que Paul I.er avait expressément recommandé qu'on rendît au pape les honneurs dus à sa personne impériale.

Six cents Anconitains, qui se relayaient tour à tour, dételèrent les chevaux de la

voiture, et y ayant attaché des cordes garnies de rubans de diverses couleurs, la traînèrent jusqu'au palais du cardinal Ranuzzi, qui attendait impatiemment son souverain.

Le jour suivant, le pape célébra la messe à l'autel de la Madone de saint Cyriaque, devant l'image de la Vierge, et il partit pour Lorette, puis s'avança vers Rome.

Cette ville n'était plus occupée par les troupes françaises; celles-ci, réduites à un petit nombre de soldats, avaient rendu depuis environ huit mois, le château Saint-Ange et la ville. Pie VII y fut reçu le 3 juillet, avec des transports faciles à prévoir : il trouva sur la place du Peuple un magnifique arc de triomphe sous lequel il passa avant d'entrer dans la rue del Corso.

Cependant, le retour des Français dans l'Italie n'avait pas tardé à changer la face des affaires. Le 14 juin, la victoire de Marengo l'avait rendue presque tout entière aux armes de Bonaparte ou à son influence, et cinq jours après la bataille le 19 juin, Bonaparte avait dit au cardinal Martiniana, évêque de Verceil, que son

intention était de bien vivre avec le pape, et même de traiter avec lui pour le rétablissement de la religion en France. Cette déclaration de Bonaparte avait été si spontanée, si claire, si précise, au milieu des immenses détails de son administration militaire, que le même jour, le cardinal Martiniana écrivit au premier consul qu'il acceptait la commission qu'on lui donnait, de témoigner de si bonnes dispositions pour les affaires du saint-siége.

Le 26 juin, le cardinal Martiniana fit connaître au pape cette détermination. Le 10 juillet, le pape lui répondit directement pour lui annoncer qu'il ne pouvait pas recevoir de nouvelle plus agréable que celle qui était contenue dans sa lettre du 26 juin, relativement aux bonnes dispositions du premier consul, et il termina ainsi la lettre.

« Vous pouvez dire au premier consul, que nous nous prêterons volontiers à une négociation dont le but est si respectable, si convenable à notre ministère apostolique, si conforme aux vues de notre

cœur.

» Donné à Rome le 10 juillet de l'an 1800, de notre pontificat le premier.

» PIUS PP. VII. »

Monsignor Spina, archevêque de Corinthe, le même qui avait accompagné Pie VI prisonnier en France, et qui lui avait fermé les yeux à Valence, fut accrédité à Paris. Un bref du 13 septembre annonça à tous les évêques français les espérances du pape : on proposa un concordat, et, au mois de mars 1801, le premier consul envoya à Rome, comme ministre plénipotentiaire, mais sans lettres de créance, M. Cacault, homme sage, conciliant

et modéré.

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Lorsqu'il avait pris congé du premier consul, M. Cacault lui avait demandé comment il fallait traiter le pape. « Traitez-le, répondit le guerrier, comme s'il avait deux cent mille hommes. » On verra le parti que M. Cacault sut tirer de ce mot simple, brusque et éminemment caractéristique, dans un soldat qui évaluait toutes les influences en monnaie militaire : ainsi, à ses yeux, le pape avait à peu près la puissance qu'on donnait alors à la Prusse. Le

premier consul ajouta : « Vous savez qu'au mois d'octobre 1796 je vous écrivais combien j'ambitionnais plus d'être le sauveur du saint-siége, que son destructeur, et que nous avions tous deux à cet égard, vous et moi, des principes conformes. »

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