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cur; il lui laissa la liberté de voir les ecclésiastiques et les habitants qui se présentèrent. La nuit, on chantait en musique des hymnes sacrés autour de la maison du pape. Le commandant se préparait à suivre une route moins fréquentée, à travers les montagnes; une dame eut l'ingénieuse idée d'envoyer illuminer la route pour le soir, et de faire attacher des lampions à tous les arbres. Cet exemple donné fut suivi le long de la corniche du Ponent, par ordre de toutes les personnes pieuses et même des autorités municipales.

Le saint Père fut recu à Savone dans la maison du chef de la famille Santon, et il y passa quatre jours. Le cinquième jour, l'évêque de la ville eut ordre de sortir de l'évêché pour que les appartements fussent à la disposition du pape et de sa suite. On n'assigna au saint Père, pour son usage, qu'une chambre et une petite antichambre.

Du reste, on le laissait faire inviter qui il voulait à une table somptueuse; le comte Salmatoris, maître des cérémonies, venait tous les jours demander ce que

le pape désirait prescrire. On attribua en même temps cent louis par mois à chaque domestique du pape, et l'on permettait que le directeur de la poste apportât les lettres à l'adresse de Sa Sainteté.

CHAPITRE XII.

Ce fut à cette époque (1810) que Napoléon voulut faire casser son mariage avec Joséphine, et en contracter un nouveau

avec

l'archiduchesse d'Autriche MarieLouise. Le premier mariage n'avait pas été contracté selon les règles, et il avait même été réhabilité avant la cérémonie du sacre, sans que les formalités fussent encore remplies d'une manière régulière.

On ne voulut point consulter le pape, dans cette occasion, et les officialités, auxquelles l'affaire fut déférée, cassèrent le mariage. Plusieurs cardinaux, qui séjournaient à Paris et qui s'abstinrent de paraître à la cérémonie religieuse du mariage, furent exilés, et Napoléon, voulant faire lui-même plus que le Pontife, déclara qu'ils quitteraient la pourpre et

qu'ils ne pourraient plus s'habiller qu'en

noir.

Deux hommes eurent alors le courage de faire entendre la vérité à Napoléon : un prêtre vénérable, M. Emery, et un grand artiste, Canova.

M. Emery, supérieur général de SaintSulpice, avait été accusé, dans le conseil d'état, de partager les opinions dites ultramontaines; c'était un homme justement vénéré par sa science et sa vertu. Napoléon le fit venir à Fontainebleau; il lui parla d'abord de l'ouvrage : Nouveaux opuscules de Fleury, puis de ses démêlés avec le pape. M. Emery lui répondit avec modération et sagesse, et adoucit beaucoup la véhémence de l'empereur.

Voyez-vous, reprit Napoléon, si je pouvais m'entretenir un quart-d'heure avec le pape, j'accommoderais tous nos diffé

rends.

>>

Hé bien! puisque Votre Majesté. veut tout accommoder, pourquoi ne laisset-elle pas venir le pape à Fontainebleau?

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- ((

C'est ce que j'ai dessein de faire.

Mais dans quel état le ferez-vous venir? S'il traverse la France comme un

captif, un tel voyage fera beaucoup de tort à Votre Majesté; car vous pouvez compter qu'il sera environné de la vénération des fidèles.

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Je n'entends pas le faire arriver comme un captif; je veux qu'on lui rende les mêmes honneurs que quand il est venu me sacrer. Avec cela il est bien surprenant que vous, qui avez appris, toute votre vie, la théologie, vous et tous les évêques de France, vous ne trouviez aucun moyen canonique pour m'arranger avec le pape. Quant à moi, si j'avais seulement étudié la théologie pendant six mois, j'aurais bientôt débrouillé toutes choses, parce que (il porta le doigt sur son front) Dieu m'a donné l'intelligence; je ne parlerais pas latin si bien que le pape; mon latin serait un latin de cuisine, mais bientôt j'aurais éclairci toutes les difficultés. >>

L'entretien durait encore, quand trois rois, le roi de Bavière, le roi de Wurtemberg et le roi de Hollande se présentèrent à l'audience. On les annonçait à haute voix, et avec beaucoup de solen

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