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CHAPITRE XIV.

CEPENDANT la justice divine continuait à révéler ses impénétrables desseins. La campagne de Russie avait été suivie

Voici une réflexion du cardinal Pacca, que nous offrons aux méditations des hommes habitués à admirer la conduite de la Providence sur les évènements humains.

« Une lettre de l'empereur Napoléon, adressée au prince Eugène, contenant des plaintes contre Pie vii, parce qu'il n'avait pas voulu condescendre à plusieurs demandes, portait ces notables paroles : « Ignore-t-il >> combien les temps sont changés? me prend-il pour un » Louis le Débonnaire? ou croit-il que ses excommuni>> cations feront tomber les armes des mains de mes » soldats? » Après la susdite excommunication, dans les entretiens qu'il eut avec le cardinal Caprara, sur ce sujet, Napoléon qui répétait souvent les mêmes pensées, lui dit fréquemment à travers les ironies et les sarcasmes, « que comme l'excommunication ne faisait >> pas tomber les armes des mains de ses soldats, il s'en » moquait. » Mais Dieu permit que le fait de la chute des armes des mains des soldats s'accomplît. Je lus avec étonnement et stupeur dans l'histoire de Napoléon et de la grande armée, pour l'année 1812, écrite par M. le comte

d'autres désastres, et les armées des puissances alliées s'étonnaient d'avoir ébranlé le colosse qui menaçait d'envahir toute l'Europe.

le

De nouvelles tentatives furent encore essayées par diverses influences pour porter pape à faire les concessions que Napoléon demandait; mais, ni les insinuations, ni les menaces ne produisirent aucun effet.

Napoléon ne crut pas le moment favorable pour exciter un schisme dans l'Eglise, et augmenter le mécontentement du peuple. Seulement, il semblait préparer ses projets pour son retour de la

de Ségur, un des généraux, témoin oculaire de cette grande catastrophe, « que les armes des soldats parurent » un insupportable poids à leurs bras glacés. Dans leurs >> chutes fréquentes, les armes s'échappaient de leurs » mains, se brisaient et se perdaient dans la neige. S'ils » se relevaient, ils s'en trouvaient privés. Ils ne les je» taient pas, la faim et le froid les leur arrachaient. » Dans les Mémoires pour servir à l'histoire de France, sous le gouvernement de Napoléon Bonaparte, par M. Salgues, on lit ces autres paroles: « Le soldat ne » put tenir ses armes elles s'échappèrent des mains » des plus braves;» et plus loin, chap. vii, p. 164: « Les armes tombaient des bras glacés qui les portaient. Sans doute ce furent les neiges, les glaces et les tempêtes qui produisirent cet effet, mais qui est Celui qui commande à ces météores? L'Écriture nous l'apprend : La neige, la glace et l'esprit des tempêtes exécutent ses ordres. Ps. 148.

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campagne qui allait être pour lui si terrible; mais tous les moyens avaient été épuisés, et une idée nouvelle fut adoptée.

Le 22 janvier 1814, le colonel Lagorsse vint annoncer, sans qu'on s'y attendît, qu'il avait l'ordre de faire partir, le jour suivant, le saint Père pour Rome.

Le lendemain matin, 23 janvier, le pape, après avoir entendu la messe, se retira dans sa chambre à coucher, où il recut tous les cardinaux qui se trouvaient à Fontainebleau. Là, avec une figure sereine, il leur dit qu'étant à la veille d'être séparé d'eux, sans connaître le lieu où il serait conduit, et sans savoir s'il aurait la consolation de les revoir auprès de lui, il les avait appelés dans cette chambre pour leur manifester ses sentiments et ses intentions.

Il continua ensuite en ces termes :

« Nous sommes intimement persuadé que vous, messieurs les cardinaux, ou réunis, ou dispersés nouvellement en divers pays, vous tiendrez la conduite qui convient à votre dignité et à votre caractère. Néanmoins, nous vous recommandons, en quelque lieu que vous soyez

transférés, de faire connaître, par vos démarches, la douleur que vous devez justement éprouver de voir l'Eglise livrée à de si terribles et à de si déplorables calamités, et de contempler son chef comme un prisonnier. Nous consignons au cardinal doyen du sacré college un papier contenant des instructions, écrit tout de notre propre main; il vous sera communiqué par cette Eminence pour vous servir de règle et de guide. Nous ne pouvons pas douter que Vous ne vous montriez fidèles aux serments que vous avez faits lorsque vous avez été promus au cardinalat, et qu'on ne vous trouve défenseurs zélés des droits du saint-siége. Nous vous commandons expressément (paroles inusitées dans la bouche du pape Pie VII) de ne vous prêter à aucune stipulation de traité, ni sur le spirituel, ni sur le temporel, parce que telle est, à ce sujet, notre volonté ferme et absolue. >>

Les cardinaux furent vivement émus; plusieurs versèrent des larmes, et tous promirent fidélité et obéissance aux paroles du souverain. Ensuite, dans cette même

chambre, le Pontife prit quelques légers aliments en continuant d'entretenir les cardinaux de choses indifférentes, mais toujours avec la même sérénité, avec son ancienne jovialité que Dieu avait daigné lui rendre, et une douce gaieté, née d'ụn juste espoir de retourner à Rome.

Alors, accompagné du même cortége, il alla faire une courte prière dans la chapelle du château; il bénit le peuple rassemblé, descendit dans la cour, et, au milieu des sanglots de tant de personnes qui se demandaient à quel sort il était réservé, il monta dans la voiture préparée pour lui avec monsignor Bertazzoli.

Sur le chemin on n'entendait qu'acclamations de joie, applaudissements, félicitations. Le colonel Lagorsse dit alors à tout ce peuple: «Que feriez-vous donc si l'empereur passait? » A ces mots, le peuple répondit : « Nous lui donnerions à boire. » Ceci pouvait faire prévoir ce qui arriverait plus tard à Orgon. Le colonel s'étant mis en colère, un des plus violents de la troupe lui cria : « Colonel, est-ce que vous auriez soif? » Telles étaient les dispositions ardentes des peuples du

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