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sur le littoral de la campagne de Rome, puis ballotté au-dessus du lac de Bracciano; alors une pluie fine et un brouillard, assez commun sur les lacs d'Italie l'avaient peu peu amolli, forcé de descendre, et enfin abaissé jusqu'aux eaux du lac.

Ce qui est à remarquer, c'est que beaucoup de personnes ne voulurent rien croire de cet évènement, ni à Paris, ni à Rome. Dans cette dernière ville surtout, une foule de personnes s'amusèrent à publier que l'arrivée de ce ballon était une fable.

Mais il n'en était pas ainsi, et il demeura constant qu'un ballon, lancé à Paris le dimanche 16 décembre, à sept heures du soir, avait pu parcourir trois cents lieues et parvenir près de Rome le lundi suivant, en vingt-deux heures : il faut ajouter que la circonstance des ouragans successifs a pu seule déterminer une telle vitesse dans la marche de cet aérostat.

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Napoléon fut frappé de ce fait extraordinaire, et il le rappela lui-même dans une lettre qu'il écrivit plus tard au pape. Cependant Rome, livrée à mille bruits sinistres, et encore excitée par les mécon

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tentements de la Russie, manifestait de toutes parts, devant les agents français, le désir de revoir Pie vII. « Les cérémonies sont finies, disait-on, nous avons vu arriver un témoin qui a fait partie des fêtes; il n'est plus permis d'en douter. Qu'on nous rende notre souverain! nos affaires languissent; vos discussions peuvent être bientôt terminées : on veut chez vous ou l'on ne veut pas satisfaire aux demandes du pontife. Qu'il revienne! Rome le chérit et réclame son retour. Il ne faudrait pas que la guerre surprît le pape au milieu des états étrangers. Il a voyagé dans la saison la plus rude. En posant le pied en Italie, il marchera au-devant du printemps; vous savez bien que vos ouragans cessent leurs sifflements et se taisent aux approches de cette ville, qui n'a cessé d'être la métropole de la gloire guerrière, que pour devenir la métropole de la religion qui prêche la paix au monde en

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Le pape, de son côté, qui avait constamment fait sa résidence aux Tuileries, dans le pavillon de Flore, continuait d'accorder des audiences aux fidèles. Aucune

personne de sa suite ne donnait occasion à des plaintes. Il recevait quelquefois l'empereur, et toujours il lui témoignait une bienveillance digne et affectueuse.

CHAPITRE VII.

Le saint Père pensait à son départ; mais avant de quitter Paris, il fit remettre à Napoléon un mémoire sur les affaires ecclésiastiques. Ce mémoire ne fut pas bien accueilli; M. Portalis, d'ailleurs plein de bonnes intentions, y répondit par des observations, qui manquaient d'exactitude, même sous le rapport des faits historiques.

Napoléon avait voulu disserter lui-même; et, muni des faux arguments qu'il avait empruntés au mémoire dont nous venons de parler, il entra en personne en conférence avec Pie vII. Il s'appuyait surtout sur l'influence qu'il prétendait avoir été exercée, par le pape Clément XI, sur

Louis XIV. Le saint Père s'était entouré de tous les documents qui pouvaient éclaircir

la question, et il avait découvert toute la fausseté de l'échafaudage qu'on avait élevé à ce sujet.

L'empereur prenait goût à cette interpellation, Votre Clément x1; il la répétait en gesticulant avec vivacité, mais sans colère; il étendait horizontalement sa main dont il touchait fréquemment la poitrine du saint Père, en disant sans cesse : « Qu'avez-vous à répondre? quelle force n'a-t-on pas pour accabler un vieillard, un roi fatigué, ennuyé, qui a trop fait la guerre, dont les malheurs avaient sans doute altéré la raison? » Il faut laisser ici Pie vi rapporter lui-même ce qu'il éprouvait. C'est ainsi qu'il racontait ce qui s'était passé : <<< Nous avions remarqué que l'empereur disait toujours la même chose. Il ne sortait pas de 1713, et du Père Letellier, et cependant il ne s'agissait, dans ce qu'il disait, que de 1693 et du Père Lachaise. A tous ses Votre Clément x1, nous avions bien envie de répondre Votre Louis xiv a cependant écrit cela dans un autre temps; mais nous ne pouvions pas le trop enivrer, Napoléon, ce que doit éviter un ministre de la religion; ni le mortifier, ce que dé

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