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CHAPITRE VI.

Le Palais-Royal sous Louis, duc d'Orléans, fils du régent.

1723-1752.

Louis, fils de Philippe, duc d'Orléans, régent, succéda à son père le 2 décembre 1723. Il trouva le Palais-Royal décoré et meublé avec tant de magnificence qu'il ne fit aucun changement dans l'intérieur des appartements. Seulement, pour en étendre les dépendances du côté du passage de l'Opéra, que l'on appelait alors la cour aux Ris, il acheta une maison appartenant à l'abbé Francière.

Élevé par le savant abbé Mongault, il avait puisé dans ses leçons une piété austère, et la rigueur de ses principes le porta à faire brûler sous ses yeux quarante tableaux des plus grands maîtres de l'école italienne qui faisaient partie de

la collection du Palais-Royal 1. Cette dévotion s'exalta encore par le chagrin que lui causa la mort de la duchesse d'Orléans, sa femme, Auguste-Marie-Jeanne de Baden-Baden, enlevée à la fleur de son âge. Cette princesse était fille de Louis-Guillaume de Baden-Baden, margrave de Bade, et de Françoise-Sybille de Saxe-Lawembourg; née le 10 novembre 1704, elle mourut au Palais-Royal, le 8 août 1726. « Les grandes qualités du cœur et de l'esprit de cette prin«< cesse, dit le P. Anselme, lui méritèrent les << regrets universels de toute la France. »

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Le duc d'Orléans, dans sa douleur, se détermina à quitter le monde, malgré les avantages

I Un garçon d'appartement sauva de ce pudique auto-dafé la Léda de Paul Véronèze et la Vénus de l'Albane. Les quarante tableaux brûlés par les ordres de Louis, duc d'Orléans, venaient du cabinet de la reine Christine. Le régent avait fait acheter cette collection à Rome, dans une vente publique. Les agents du pape s'opposèrent à la remise des tableaux, et l'un des prétextes qu'ils élevèrent fut que plusieurs de ces peintures blessaient la décence. « Est-ce pour ce motif que « Sa Sainteté veut les conserver? » demanda Crozac, mandataire du régent. Cette saillie, qui divertit le sacré collége, leva tous les obstacles. Pendant la contestation, une sainte famille de Raphaël, enlevée par Crozac, avait été introduite en France sur le dos d'un Savoyard, à côté d'une

marmotte.

de sa haute position', et il choisit l'abbaye de Sainte-Geneviève pour retraite. Là, il vivait tranquille, uniquement occupé de bonnes œuvres, d'études et d'exercices de piété. Il n'en sortit qu'une seule fois, en 1744, pour se rendre à Metz, où Louis XV était dangereusement malade. Personne n'avait encore osé faire connaître au roi le péril qui le menaçait. Le duc d'Orléans crut qu'il était de son devoir, comme premier prince du sang, de se charger, dans l'intérêt de l'État et de la religion, de cette mission délicate et pénible. Mais, lorsqu'il se présenta à la porte de l'appartement du roi, le duc de Richelieu premier gentilhomme de la chambre de service, lui en refusa l'entrée. Justement indigné, le duc d'Orléans, mêlant les menaces aux propos les plus vifs, enfonça d'un coup de pied le battant de la porte, et pénétra dans l'appartement. Il eut avec Louis XV un entretien particulier, à la suite duquel le roi reçut les secours de la religion.

Le duc d'Orléans était très-savant: il entendait

'Le roi, par déclaration du 6 janvier 1724, avait accordé à Louis, duc d'Orléans, en qualité de premier prince du sang, une maison composée de deux cent soixante-six officiers. Cette déclaration attribuait à la maison du prince les mêmes priviléges qu'à la maison du roi.

le chaldéen, l'hébreu, le syriaque, le grec, et avait des connaissances profondes en théologie. Il a laissé en manuscrits des traductions, des commentaires de l'Écriture sainte, et plusieurs ouvrages de controverse. Ce genre d'occupations, et la tournure qu'elles donnaient à son esprit, mélaient quelque chose de bizarre à la dignité de ses manières.

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La reine, en apprenant la mort de ce prince, dit : « C'est un bienheureux qui laissera après lui beaucoup de malheureux 1! » « En effet, ce qui «< doit rendre son souvenir à jamais précieux fut << sa charité immense. De quelque âge, de quelque «< condition que fussent les malheureux,ils étoient <«< assurés de trouver de la compassion dans le << cœur de ce prince et une ressource dans ses libé«< ralités. Lorsqu'il ne pouvoit les renvoyer tous satisfaits, son cœur leur accordoit ce que la né« cessité l'obligeoit de refuser. Quoiqu'il ait répandu des sommes immenses dans le royaume 2 << et dans les pays étrangers; quoiqu'il n'eût

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Vie de Marie Leczinska.

Chargé en 1725 des pouvoirs du roi pour épouser la reine Marie Leczinska, il donna une fète magnifique à Villers - Cotterets. Toute la suite de S. M. y fut traitée splendidement. On défraya même la foule de curieux qui étaient accourus à cette fête.

<< souvent mis d'autres bornes à ses libéralités <<< que celles des besoins du peuple, néanmoins <«< il acquitta les dettes accumulées de sa maison, « rétablit ses finances épuisées, augmenta consi<< dérablement ses domaines, et laissa, en mourant, <«<< des monuments éternels de son zèle pour le << bien public 1. >>

On doit lui savoir gré d'avoir fait replanter, sur un dessin nouveau, le jardin du Palais-Royal, sauf la grande allée du cardinal, qu'il conserva. Voici la description qu'en donne Saint-Victor : << Deux belles pelouses, bordées d'ormes en boules, accompagnoient de chaque côté un grand bassin placé dans une demi-lune ornée << de treillages et de statues en stuc, la plupart <«< de la main de Laremberg. Au-dessus de cette « demi-lune, régnoit un quinconce de tilleuls, << dont l'ombrage étoit charmant. La grande allée << surtout formoit un berceau délicieux et impé<< nétrable au soleil. Toutes les charmilles étoient <<< taillées en portiques. >>

Louis, duc d'Orléans, mourut à Sainte-Geneviève, le 4 février 1752. Il légua sa bibliothèque et son cabinet de médailles à cette abbaye, dont

Père Anselme.

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