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docteur Tronchin, premier médecin du duc d'Orléans, qui logeait au Palais-Royal, à voir les petits-enfants de Louis-Philippe, duc d'Orléans. <<< Je voudrais, disait-il, voir, avant de mourir, « cette jolie petite Bourbonnaille ! » et quand il remonta dans son grand carrosse bleu de ciel parsemé d'étoiles, il fut salué par les acclamations de la foule rassemblée dans les cours du palais.

Le duc d'Orléans fit de ses richesses le plus noble usage. A l'exemple de ses aïeux, il répandit ses bienfaits sur les sciences et les lettres. Louis d'Orléans avait encouragé le naturaliste Guettard, élève du célèbre Jussieu; Louis-Philippe, son fils, honora ce savant de sa protection particulière. Il le nomma conservateur de son cabinet d'histoire naturelle, lui assigna une pension, le logea au Palais-Royal; et Guettard, se livrant avec ardeur, sous cet auguste patronage, à ses utiles travaux, devint l'un des premiers minéralogistes de l'Europe; et, après avoir enrichi la science par d'importantes découvertes, il alla prendre place au milieu des illustrations de l'Académie.

La main du duc d'Orléans ne fut pas moins secourable aux gens de lettres : Carmontel, Collé, Lefèvre, Saurin et beaucoup d'autres durent à sa générosité leur existence et leurs succès.

Ses nombreuses charités étaient moins connues. Elles ne furent révélées qu'à sa mort, par les regrets et les larmes des malheureux. Ce prince, respecté de la cour, avait reçu du peuple qui le chérissait, le nom de Roi de Paris. Il eut le bonheur de vivre en des temps paisibles.

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CHAPITRE VIII.

Le Palais-Royal, sous Louis-Philippe-Joseph, duc d'Orléans.

1780-1793.

LOUIS-PHILIPPE-JOSEPH habitait le Palais-Royal depuis 1780, lorsqu'il partit en qualité de lieutenant général des armées navales pour aller à Brest inspecter les trois escadres réunies dans ce port, et le roi lui ayant confié le commandement de l'escadre bleue, il arbora son pavillon sur le Saint-Esprit, de 80 canons. L'armée navale, sous les ordres du vice-amiral comte d'Orvilliers, sortit de la rade de Brest le 2 juillet : le 23, on découvrit la flotte anglaise commandée par l'amiral Keppel, et le 27, par la hauteur d'Ouessant, le comte d'Orvilliers lui livra combat. L'ennemi était instruit qu'un prince du sang royal de France commandait l'escadre bleue, qui formait

«

avant le combat l'arrière-garde de la flotte française. L'amiral Keppel, manœuvrant dans l'intention de couper cette division du reste de l'armée navale, le comte d'Orvilliers fit virer de bord, et l'escadre bleue se trouva former l'avant-garde. Le Saint-Esprit fut exposé à demi-portée de canon au premier feu des Anglais. Voici les termes dans lesquels s'est expliqué le ministre de la marine sur ce combat, en écrivant au duc de Penthièvre, amiral de France, beau-père du duc de Chartres : « M. d'Orvilliers a donné des preuves de la plus grande habileté; M. le duc de Chartres d'un « courage froid et tranquille et d'une présence d'esprit étonnante... Sept gros vaisseaux, dont << un à trois ponts, ont successivement combattu «< celui de M. le duc de Chartres, qui a répondu << avec la plus grande vigueur, quoique privé de << sa batterie basse; un vaisseau de notre armée << a dégagé le Saint-Esprit dans le moment le plus <«< vif et a essuyé un feu si terrible, qu'il a été << absolument désemparé et obligé de se retirer.»> L'armée navale étant rentrée à Brest, le duc de Chartres revint à Paris le 2 août, et descendit au Palais-Royal.

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<< Tous les appartements étaient remplis 1 de

'Vie privée du sérénissime prince monseigneur le duc de Chartres, imprimée en 1784.

courtisans qui l'attendaient. Les escaliers mêmes étaient si pleins de monde, qu'il eut peine à monter dans ses appartements. L'abbé Delaunay lui avait présenté, à la descente de son carrosse, une pièce de vers, intitulée Bulletin du Parnasse, qu'il ne se donna pas le temps de lire; et nous nous faisons un vrai plaisir de publier ici qu'il sacrifia quelques instants entre les embrassements de sa digne épouse et de ses charmants enfants, avant de voler à son cher Opéra. Là, il s'attendait bien à recueillir de nouvelles acclamations, qui mettraient le comble à sa gloire et à sa satisfaction. Il parut d'abord sur son balcon avec madame la duchesse; le peuple, en les voyant, exprima, par des cris de joie, le plaisir que cette scène lui causait. Le prince se rendit ensuite à l'Opéra. Tous les spectateurs se levèrent, et l'applaudirent pendant plus d'une demi-heure. >>

Devenu propriétaire du Palais-Royal, le duc de Chartres forma le projet de l'agrandir et de l'embellir: parmi les plans qui lui furent présentés, il donna la préférence à ceux de M. Louis, son architecte, qui déjà s'était fait une grande réputation par la construction de la salle de spectacle de Bordeaux. « On a pu reprocher à cet << architecte des écarts de goût, des défauts de «< correction, mais il faut convenir qu'il conçut

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