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térieur de son palais avec une magnificence inconnue jusqu'alors, mais entachée du goût du temps, il crut ne pouvoir mieux faire éclater sa reconnaissance pour les faveurs extraordinaires qu'il avait reçues de Louis XIII, ou peut-être aussi ne pouvoir mieux apaiser la secrète jalousie du roi, qu'en lui cédant la propriété de cet édifice; et, le 6 juin 1636, il en fit une donation entre vifs à ce monarque', donation qu'il renouvela par son testament, daté de Narbonne, en 1642.

C'est de cette ville qu'instruit de la conspira

'Le roi fit expédier à Claude Bouthillier, surintendant des finances, un pouvoir pour accepter cette donation. Ce pouvoir était conçu en ces termes :

« S. M. ayant très agréable la très humble supplication qui lui a été faite par M. le cardinal de Richelieu d'accepter la donation de la propriété de l'hôtel de Richelieu au profit de S. M. et de ses successeurs rois de France; ensemble sa chapelle de diamants, son grand buffet d'argent ciselé et son grand diamant, à la réserve de l'usufruit de ces choses la vie durant du sieur cardinal et à la réserve de la capitainerie et conciergerie dudit hôtel pour les successeurs ducs de Richelieu, même la propriété des rentes de bail d'héritage constituées sur les places et maisons qui seront construites au dehors et autour du jardin dudit hôtel : ladite majesté a commandé au sieur Bouthillier, son conseiller en son conseil d'État et surintendant de ses finances, d'accepter au nom de sadite majesté la donation.... >>

tion de Cinq-Mars, il partit pour Tarascon, où il reçut la visite du roi, qui venait se faire pardonner par son ministre d'avoir en secret souhaité le succès de l'entreprise de son jeune favori. Après cette entrevue, le roi regagna tristement Paris, et le cardinal remonta le Rhône jusqu'à Lyon, traînant à la remorque Cinq-Mars, son prisonnier, enchaîné dans une barque. Après avoir livré cet infortuné à Laubardemont, ministre de ses vengeances, il repartit pour la capitale. Son voyage ressemblait à une marche triomphale, ou plutôt à une pompe funèbre, car déjà la pâleur de la mort était sur son front, et la chambre ornée d'or et de fleurs, dans laquelle il se faisait porter sur les épaules de ses gardes, allait se changer en tombeau.

'On faisait abattre devant lui les portes des villes qui se trouvaient trop étroites pour laisser passer son fastueux équipage.

› A l'exemple du cardinal Charles de Lorraine, frère du duc de Guise, le cardinal de Richelieu avait obtenu du roi la faveur d'avoir des gardes, « dont l'ordre était de ne l'ac<«< compagner pas seulement jusque dans le Louvre, mais << même de ne pas le quitter à l'autel, et de mêler ainsi l'odeur « de la poudre à canon et de la mèche parmi l'odeur de <«<l'encens et des autres parfums sacrés. » C'est ainsi qu'on les voit dans le tableau de M. Delacroix où le cardinal de

En effet, dans la nuit du 28 novembre 1642, le cardinal fut saisi d'une grave douleur de côté avec la fièvre : Bouvard, premier médecin du roi, veilla toute la nuit auprès du lit du malade avec madame d'Aiguillon, nièce du cardinal; le lendemain, le roi, accompagné de M. de Villequier, capitaine des gardes, et de plusieurs autres seigneurs de sa cour, vint visiter le cardinal, lui fit prendre lui-même deux jaunes d'œufs, et lui promit d'avoir égard à ses dernières recommandations. Sorti de la chambre, il entra dans la galerie de tableaux, « où l'on remarqua, dit « Montrésor, qu'en se promenant, il ne put << s'empêcher de rire plusieurs fois. » C'était la joie d'un captif heureux de voir briser naturellement une chaîne que sa faiblesse n'aurait jamais pu rompre. Vingt-quatre heures après, le cardinal expira: c'était le 4 décembre 1642.

Le plan, gravé par Laboëssière en 1679, atteste que les éloges emphatiques donnés au Palais-Cardinal par les contemporains, s'adressaient plus à la puissance de Richelieu qu'à la beauté de sa demeure. Il faut, il est vrai, faire la part du temps; mais, en examinant cette réunion de constructions irrégulières, placées au centre de

Richelieu est représenté disant la messe dans sa chapelle au milieu de ses gardes.

la ville, entourées de bâtiments, rattachées les unes aux autres sans goût, sans ordre ni méthode, on demeurera convaincu que cet édifice ne pouvait avoir rien de royal, ni paraître digne de la haute destination qui lui avait été assignée par l'orgueil du cardinal.

CHAPITRE II.

Le Palais-Cardinal, devenu Palais-Royal sous la régence d'Anne d'Autriche.

1643-1652.

Le testament de Richelieu avait mis Louis XIII en possession du Palais-Cardinal; mais l'état languissant de ce monarque ne lui permit pas de venir l'habiter. Comme si le ciel avait attaché sa destinée aux jours de son ministre, il ne lui survécut que de quelques mois : c'est au château de Saint-Germain qu'il mourut, le 14 mai 1643, triste et sombre au milieu d'une cour peu nombreuse qui n'entoura son lit d'aucun de ces regrets qui sont la consolation des mourants. Anne d'Autriche, devenue régente, quitta le Louvre et vint, le 7 octobre 1643, avec ses deux fils,

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