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LE

PALAIS-ROYAL.

CHAPITRE PREMIER.

Le Palais-Cardinal.

1629-1642.

Le Palais-Royal fut dans l'origine un simple hôtel que le cardinal de Richelieu fit bâtir, en 1629, sur les dessins de Jacques Lemercier', son architecte. Cet hôtel, auquel il avait donné son nom, était situé à l'extrémité de Paris, rue SaintHonoré, au pied du mur d'enceinte, élevé par

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Natif de Pontoise : c'est aussi la patrie de M. Fontaine. Ce n'est pas une chose indigne de remarque, que la même ville ait produit les deux architectes qui ont, l'un commencé, l'autre. achevé le Palais-Royal.

Charles V. Sauval prétend qu'il fut bâti sur les ruines des hôtels de Luxembourg et de Rambouillet; Piganiol, qui vint après lui, croit plus exact de dire que ce fut sur l'emplacement des hôtels de Rambouillet et de Mercœur. Jaillot, discutant ces diverses opinions, ajoute : « Il est constant que le connétable d'Armagnac possédait', rue Saint-Honoré, près les murs, un hôtel considérable, et qu'une partie du Palais-Royal en occupe l'emplacement. Le connétable ayant été sacrifié, en 1418, à la haine du duc de Bourgogne, son hôtel fut confisqué et donné au comte de Charolois. Au commencement du seizième siècle, cet hôtel appartenait aux ducs de Brabant et de Juliers de la maison de Bourgogne. Quant à l'hôtel de Rambouillet et l'hôtel de Mercœur, c'est le même édifice auquel ces deux noms furent successivement donnés, le duc de Mercœur l'ayant acheté en 1602, pour agrandir celui qu'il avait dans la rue des Bons-Enfants. En 1624, le marquis d'Estrées le vendit au cardinal. » Bientôt Richelieu s'y trouva gêné; la demeure du ministre de Louis XIII suivit le cours de sa fortune; elle

En 1418, Villiers, seigneur de l'Ile-Adam, s'empara de Paris, par trahison, au nom du duc de Bourgogne, et se rendit, accompagné de Claude de Beauvoir, rue SaintHonoré, au domicile du comte d'Armagnac pour se saisir de la personne de ce connétable.

s'agrandit avec son pouvoir. Non content de surpasser son maître en autorité, le cardinal voulut l'égaler en magnificence. Le mur d'enceinte de Paris fut abattu; le fossé comblé; le jardin, dégagé de ses obstacles, prit une forme plus régulière et s'étendit jusqu'aux prairies, remplacées aujourd'hui par la rue neuve des Petits - Champs et la rue Vivienne. En même temps, Richelieu fit percer la rue qui a pris son nom, pour conduire directement de son palais à sa ferme de la Grange-Batelière, située au bas de la colline de Montmartre . Des acquisitions nouvelles, faites tant du côté de la rue de Richelieu que du côté de la rue des Bons-Enfants, permirent d'augmenter les bâtiments et leurs dépendances 2. Enfin, en 1636, l'hôtel de Richelieu était un palais et s'appelait le Palais-Cardinal.

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Cette ferme avait pris son surnom de la nécessité où l'on était de passer l'eau dans l'emplacement occupé aujourd'hui par la rue Grange-Batelière.

2 Un relevé, fait aux archives du Palais-Royal, évalue les acquisitions, faites par le cardinal, pour bâtir son palais, à 666,618 livres, somme considérable pour ce temps. Il faut ajouter à cette somme 150,000 livres, prix de l'hôtel de Syllery, que le cardinal acheta pour l'abattre, afin d'avoir une place devant son palais; mais il n'eut point le temps d'achever son projet. La démolition ne fut terminée qu'après sa mort et par l'ordre de la reine régente, Anne d'Autriche.

Cette inscription, écrite en lettres d'or, dominait la principale porte au milieu de laquelle étaient sculptées les armoiries de Richelieu, surmontées des insignes de sa dignité ecclésiastique. Elle éveilla la critique des beaux-esprits du temps. A leur tête, Balzac prétendit que cette inscription n'était ni grecque, ni latine, ni française les grammairiens ne furent point de son avis; ils soutinrent que c'était un gallicisme consacré par l'usage, comme l'Hôtel-Dieu, les FillesDieu, la Place Maubert; mais si Balzac n'avait pas tout à fait raison, ceux qui disaient que la vanité avait plus de part que la grammaire dans cette inscription, n'avaient pas tout à fait tort.

Le plan du Palais - Cardinal était fort irrégulier; cela tenait aux nombreuses transformations qui marquaient les accroissements successifs de la puissance du propriétaire.

La principale entrée du Palais - Cardinal était sur la rue Saint-Honoré. On avait construit dans l'aile droite une vaste salle de comédie. « Cette « salle, dit Sauval, pouvait contenir environ trois << mille spectateurs; elle était réservée pour les «< comédies de pompe et de parade, quand la pro«< fondeur des perspectives, la variété des déco<«< rations, la magnificence des machines y atti<< raient leurs majestés et la cour. Malgré ses petits

défauts, c'est le théâtre de France le plus com

« mode et le plus royal1. Indépendamment de <«< cette salle, le cardinal avait arrangé un salon pour « faire jouer les pièces que les comédiens repré<< sentaient ordinairement au Marais-du-Temple. »> C'est aussi là que, devant un parterre choisi, où les flatteurs ne manquaient pas, le ministre auteur, qui, pour avoir persécuté le Cid, se croyait le rival de Corneille, faisait représenter son Europe et sa Myrame.

La représentation de Myrame fut célèbre à plus d'un titre, et ce n'était pas seulement la vanité du poëte qui était intéressée au succès de l'ouvrage : Richelieu avait osé, dit-on, élever ses vœux jusqu'à sa souveraine. Cette folle prétention ne peut être révoquée en doute; madame de Motteville rapporte qu'elle en fut instruite par la reine elle-même : on lit dans les mémoires de Retz, que madame de Fargis porta à la reine mère une lettre d'amour que le premier ministre avait écrite à Anne d'Autriche; et Brienne raconte

1 Louis XIV donna cette salle, en 1660, à Molière, qui y mourut le 17 février 1673, en prononçant le juro du Malade imaginaire. Après la mort de l'auteur du Misanthrope, elle fut destinée aux représentations de l'Opéra. Brûlée le 6 avril 1763, réédifiée aussitôt par Louis-Philippe, duc d'Orléans occupée de nouveau par l'Opéra, elle fut consumée une seconde fois par l'incendie de 1781.

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