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CHAPITRE IV.

Le Palais-Royal sous Philippe de France, duc d'Orléans (Monsieur), frère de Louis XIV.

1661-1701.

Monsieur, frère de Louis XIV, habitait le Palais-Royal depuis 1661; mais il n'en était point propriétaire. Ce ne fut qu'au mois de février 1692, après le mariage de son fils Philippe d'Orléans, alors duc de Chartres, et depuis régent de France, avec Marie-Françoise de Bourbon, fille légitimée de Louis XIV, que ce monarque rendit les lettres patentes qui constituaient la propriété de cette résidence à son frère, à titre d'apanage 2.

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' Voir à la fin du volume, pièces justificatives, lettre C. 2 « L'apanage des enfants puînés de la maison de France,

disent les lettres patentes du 7 décembre 1666, a toujours

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Il convient de placer à l'époque qui suivit le mariage de Monsieur avec Henriette-Anne d'Angleterre, les augmentations qu'on peut reconnaître en comparant le plan de 1748 avec celui de 16791. Louis XIV acheta alors des sieurs Flacourt, Lépine et Boileau, divers terrains sur la rue de

« été considéré comme représentant le partage de la monar<«< chie qui a subsisté pendant les deux premières races. Si <<< les inconvénients de ce partage destructif de la souveraineté << par les jalousies et les rivalités des princes, par l'affaiblis<< sement des forces et de l'autorité, ont persuadé au com<< mencement de la troisième race que la couronne, le plus « éminent de tous les fiefs, devait être indivisible, ainsi que <«< les fiefs que les maximes du gouvernement féodal, alors << en vigueur, déféraient en entier à l'aîné des mâles, la na-«<ture, qui ne parle pas moins au cœur des rois qu'à leurs sujets, leur a inspiré de doter leurs enfants puînés et de <«<leur procurer une subsistance proportionnée à la splendeur << de leur origine, et propre à les dédommager de la perte de « la souveraineté dont ils étaient privés. Enfants de l'État, ils « ont pris dans les fonds de l'État même, par les mains des << rois nos prédécesseurs, les parts et les portions qui leur << ont été assignées. Le vœu de la nature a été rempli et le << royaume a acquitté ses obligations. La loi de l'apanage << constitue le prince qui le possède vrai seigneur et proprié<< taire; lui transmet les titres d'honneur et de dignité, et << tous les droits et prérogatives attachés aux domaines qui << lui ont été concédés. »

1 Voir les plans recueillis par M. Fontaine, premier architecte du roi.

Richelieu, ainsi que l'hôtel de Brion, qui appartenait au duc de Damville, et dans lequel les académies de peinture et d'architecture tinrent leurs premières séances. Ce fut sur l'emplacement de ces acquisitions que Jules Hardouin Mansard éleva la galerie que Coypel a décorée, et dans laquelle ce peintre avait représenté en quatorze tableaux les principaux sujets de l'Énéide. Les premiers embellissements du Palais-Royal, auxquels Monsieur ajouta un grand appartement dans l'aile du côté de la rue de Richelieu, firent de cette résidence un lieu plus digne de la grandeur du frère de Louis XIV et de ses descendants.

Le Palais-Royal devint le séjour d'une cour brillante, dont Henriette-Anne d'Angleterre, première femme de Monsieur, faisait le charme et l'ornement. « La princesse d'Angleterre, dit << madame de Motteville, était assez grande. << Sa beauté n'était pas des plus parfaites; mais <«< toute sa personne, quoiqu'elle ne fût pas << bien faite, était néanmoins, par ses manières «< et ses agréments, tout à fait aimable. Elle avait « le teint fort délicat et blanc; il était mêlé d'un incarnat naturel, comparable à la rose et au «< jasmin. Ses yeux étaient petits, mais doux et << brillants; son nez n'était pas laid; sa bouche << était vermeille, et ses dents avaient toute la « blancheur et la finesse qu'on pouvait leur sou

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haiter; mais son visage, trop long et trop maigre, semblait menacer sa beauté d'une prompte <«< fin. Elle s'habillait et se coiffait d'un air qui << convenait à toute personne, et comme il y avait << en elle de quoi se faire aimer, on pouvait croire qu'elle y devait aisément réussir, et qu'elle ne << serait point fachée de plaire. Elle n'avait pu «< être reine, et pour réparer ce chagrin, elle vou<«< lait régner dans les cœurs et trouver de la gloire dans le monde par ses charmes et par la << beauté de son esprit. On voyait déjà en elle << beaucoup de lumières et de raison, et au tra<«< vers de sa jeunesse, il était aisé de juger que, lorsqu'elle se verrait sur le théâtre de la cour << de France, elle y ferait un des principaux <<< rôles 1. >>

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En effet, cette princesse ne tarda pas à attirer tous les hommages; le roi lui-même se mit au nombre de ses admirateurs; mais on dit que la politique eut plus de part que la galanterie dans lés soins dont il se plaisait à l'entourer.

Louis XIV, désirant rompre la ligue que les Hollandais avaient faite avec l'empereur et le roi

On trouve dans le huitième volume des mémoires de mademoiselle de Montpensier, un portrait d'Henriette d'Angleterre, sous le nom de la princesse Cléopâtre, qui s'accorde avec la séduisante image tracée par madame de Motte ville.

d'Espagne, songea à s'assurer de l'alliance du roi d'Angleterre. Il confia ce secret à Madame et la chargea de cette négociation. Pour cacher le véritable but du voyage de la princesse en Angleterre, le roi alla visiter ses conquêtes des Pays-Bas, accompagné de toute sa cour. La duchesse d'Orléans prit alors le prétexte du voisinage pour aller jouir à Londres du plaisir de voir son frère rétabli sur le trône. Elle agit si bien qu'elle parvint à le détacher de la triple alliance. Madame revint en France avec tout l'éclat que peut donner un heureux succès. Louis XIV fèta sa gloire, et Henriette vit la cour à ses pieds.....« Tout à coup, ô nuit désastreuse! << ô nuit effroyable! où retentit comme un éclat « de tonnerre cette étonnante nouvelle: Madame « se meurt! Madame est morte ! Au premier « bruit d'un mal si étrange, on accourt à Saint<< Cloud de toutes parts; on trouve tout conster«< né, excepté le cœur de cette princesse; partout «< on entend des cris; partout on voit la douleur « et le désespoir, et l'image de la mort. Le roi, << la reine, Monsieur, tout est abattu, tout est « désespéré, et il me semble que je vois l'accom

1. Mademoiselle de Keroual, remarquable par sa beauté, avait accompagné Madame..... Cette charmante auxiliaire devint duchesse de Portsmouth.

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