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canal de Bourgogne, le gravier calcaire domine dans la plaine. On y voit beaucoup de vignes, qui n'ont d'autre défaut, sensibles qu'elles sont à la moindre gelée, que de ne donner presque jamais de vin. La luzerne et le sainfoin réussissent dans ces sols, selon les veines nombreuses et très-diverses qu'ils présentent. Les infiltrations du canal et le voisinage de l'Armançon y ont donné naissance à de nombreuses plantations de peupliers, d'aunes et de saules dont les produits trouvent un facile écoulement dans la consommation locale.

Si l'on en excepte encore les terrains blancs qui occupent les hauteurs de l'autre côté de l'Armançon et qu'utilisent aussi assez productivement, des vignes, des plantations et de belles luzernes, le reste du territoire de Brienon, à l'ouest et au nord, se compose de ces terres mixtes, plus ou moins consistantes, plus ou moins chaudes, mais toutes fertiles, où peuvent réussir tous les végétaux cultivés, et où la vigne trop multipliée donne des produits aussi grossiers qu'abondants. La luzerne et le trèfle se voient trop peu, y gagnent cependant tous les jours du terrain. Le froment, l'orge et l'avoine sont, comme partout, les seules récoltes épuisantes qui occupent la rotation. Quelques vesces, quelques pommes de terre se placent sur la jachère, qui revient selon les sols, tous les deux ou tous les trois ans.

ils

Comme on le voit, rien de bien progressif ne distingue du reste du canton l'agriculture métropolitaine. La qualité supérieure des terrains de Brienon, leurs facultés élevées et faciles de production, ont même contribué, sans aucun doute, à retarder sur le territoire l'extension des prairies artificielles, aujourd'hui bien évidemment croissante, mais pour laquelle Brienon a vraiment pris exemple sur les villages de son ressort. Cela se conçoit et se voit même dans plus d'un lieu. Dans l'assolement triennal, dans la culture routinière': le point de mire de la production c'est le blé, on ne fait les prairies artificielles qu'en vue du blé, qu'à l'intention du blé. Or, celles-là nécessaires comme préparation du blé dans les terres légères l'étant beaucoup moins dans les sols plus corsés, plus consistants, le besoin dans ceux-ci s'en est fait sentir moins vivement et plus tard. Heureusement on commence enfin à raisonner plus sagement.

Les chevaux de labour sont assez beaux à Brienon. La race bovine s'y perfectionne, et des nombreux troupeaux qui couvrent le territoire, quelques uns sont déjà fort beaux. Celui de la ferme de Noel, est de ce dernier nombre. L'amélioration en est déjà ancienne, et la race, si l'on peut s'exprimer ainsi, constituée: il se distingue par une belle finesse et une forte mêche de laine, réunie à la taille et à la belle constitution des individus.

Plusieurs 'grandes fermes se partagent divers points du territoire : leur culture n'offre d'autres perfectionnements que ceux que nous

que

nous sommes vus forcés d'indiquer partout avec une incroyable mo notonie. La tyrannie, souvent fondée et toujours fâcheuse, de la routine, non moins la briéveté des baux, sont et seront longtemps des obstacles invincibles aux grandes et fortes améliorations. L'auteur de cette notice cultive aussi depuis cinq ans sur le territoire de Brienon une soixantaine d'hectares qu'il a soumis à un système moins routinier et plus raisonné; il a adopté et appliqué plusieurs assolements nouveaux aux divers sols qui composent sa culture. Les terres fortes et riches sont soumises à ce précieux assolement du Norfolk, blé trèfle, blé, jachère utilisée, qui est le plus riche et le plus productif de tous, dans toutes les positions où il suffit aux fourrages et aux fermiers. Les prairies artificielles pérennes entrent dans la rotation de tous les terrains légers, et même seulement moins fertiles. Il a déjà, par son exemple, contribué à une propagation plus active du trèfle et de la luzerne. Il a fait de ces deux plantes précieuses, reunies au sainfoin, un mélange qui lui a réussi admirablement, dès la première année dans des terres fort médiocres. Il cultive la betterave et la pomme de terre en grand, et il va donner à l'avenir des soins tout particuliers à ces intéressantes cultures. Il a introduit dans le pays le colza, qui lui a diversement réussi, la caméline, non moins capricieuse, mais dont les produits nets lui ont paru plus satisfaisants. Il a récolté de cette dernière jusqu'à vingt-deux hectolitres par hectare, dans une même année où un champ de colza d'aussi belle apparence ne lui donait qu'un produit de 12. A son exemple, quelques champs de colza ont paru déjà sur le territoire, mais sans succès; on ne comprend pas assez l'extrême avidité de cette plante qui veut dominer dans la rotation, et non point y paraître en vassale du froment. Les terres qu'il cultive sont déjà en voie très-rapide d'amélioration : on le comprendra en considérant qu'à la production ordinaire des fumiers, il réunit celle qui provient de l'engraissement d'une centaine de bêtes à cornes qui sortent chaque année de ses écuries, à Brienon seulement. La jachère est sévèrement bannie de ses champs. Il se livre à des essais variés sur l'introduction de certaines récoltes dérobées. Enfin, si sa culture n'est pas parfaite, elle est forte, grasse, active, investigatrice; sortie enfin d'une enfance pénible et tâtonneuse, elle résout victorieusement aujourd'hui plus d'un problème, complaisamment posé par une jalouseet incrédule routine, qui s'estime déjà heureuse de marcher sur ses

traces.

Nous bornerons ici cette esquisse rapide de l'agriculture des cantons de Cerisiers et de Brienon. Qu'on nous pardonne l'inévitable monotonie qui règne dans toutes ses pages, en considé rant le peu de variété que nous ont offerte dans leur culture,

les points les plus divers de ces deux cantons. Rien de saillant, rien de nouveau, rien de vraiment progressif, ne s'y fait voir qui ait pu varier et féconder un peu notre stérile excursion. Il y a progrès, c'est évident, et progrès partout; mais partout aussi maiheureusement on entrevoit, dans des circonstances immuables de plus d'une sorte, des bornes à ce progrès. L'agriculture est intimement liée dans son sort à la propriété, à ses diverses conditions de division et de fermage. Tant que ces conditions seront les mêmes qu'aujourd'hui, les améliorations agricoles reculeront devant d'inévitables difficultés et des sacrifices dont les fruits ne seraient point assurés à leurs auteurs. Favorisez les réunions parcellaires, donnez de longs baux à vos fermiers, et l'agriculture nationale, entraînée par l'exemple, prendra rapidement un fécond essor.

VERROLLOT-D ́AMBLY.

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