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ici de fimple, de négligé, d'irrégulier même, d'orné ou de non orné, j'y fuis, je m'y montre, j'en fais tout le charme, je vous entoure. Sous la figure de ces Graces je fuis le je ne fais quoi qui touche dans les deux fexes ici le je ne fais quoi qui plaît en peinture; là le je ne fais quoi qui plaît en architecture, en ameuble mens, en jardins, en tout ce qui peut faire l'objet du goût. Ne me cherchez point fous une forme, j'en ai mille & pas une de fixe : voilà pourquoi on me voit fans me connoître, fans pouvoir ni me faifir, ni me définir on me perd de vue en me voyant; on me fent, & on ne me démêle pas; enfin vous me voyez, vous me cherchez, & vous ne me trouvez jamais autrement; auffi ne ferez-vous jamais las de me voir.

Différence de l'Homme fier, du Glorieux & du Fanfaron.

IL y a bien de la différence entre un homme fier & un homme glorieux.

La fierté part d'un fentiment noble & louable: c'est une vertu, quand elle eft réglée; ce n'eft qu'un vice quand elle ne l'eft pas.

Mais la vaine gloire eft toujours un ridicule. On peut dire à un homme vous êtes trop fier, mais on ne lui dit point vous êtes trop glorieux; parce que c'eft dire une injure, c'eft l'appeller fat.

Il fied bien à un homme d'être fier dans de certaines occafions; il n'y a point d'occafion où il ne fe dégrade quand il eft glorieux.

Ordinairement même le glorieux n'eft pas

fier. L'homme fier veut être intérieurement content de lui. Il fuffit au glorieux d'avoir contenté les autres c'eft affez pour lui que fes actions paroiffent louables. L'autre veut que les fiennes le foient à fes yeux même.

En un mot, l'homme fier a du cœur ; le glorieux n'a que l'orgueil de perfuader qu'il en a. L'un a des vraies vertus dans l'ame, l'autre en joue qu'il n'a pas & qu'il ne fe foucie pas d'avoir.

il

L'un a du plaifir à être honnête 'homme ; l'autre voudroit bien fouvent s'exempter de faire comme s'il l'étoit. Il ne tient pas à la probité, tient à l'honneur qu'elle procure. Auffi en manque-t-il dans mille petits détails qu'on ne fait point. L'homme fier eft un bon ami, c'eft à vous perfonnellemenr que fon amitié s'adreffe.

Le glorieux n'eft ami de perfonne, & quand il paroît le vôtre, ce n'eft pas vous qu'il aime; c'eft votre rang, c'eft votre fortune, c'eft l'éclat qui vous environne & l'eftime où vous êtes dans le monde : c'est-à-dire, qu'il vous aime comme iche, comme grand feigneur, comme puiffant, comme accrédité, comme honoré des autres, & jamais comme homme qu'il eftime & qui lui plaît. Vous n'êtes rien pour lui, vous ne valez pas votre habit; il l'aime mieux que vous quand il eft magnifique.

Diftinguez pourtant le fanfaron du glorieux : on prendroit fouvent le glorieux pour un fanfaron; mais l'homme qui n'eft que fanfaron peut être un très-honnête homme : il peut avoir toutes les vertus qu'il vous montre. Son défaut c'eft de les avoir avec fafte, de vouloir les rendre étonnantes, & quelquefois il a dans l'ame de quoi pouvoir les rendre telles, de quoi tenir tout ce qu'il promet: c'eft feulement dommage qu'il le promette.

il n'a quel

Il peut être refpectable dans le fond, pendant qu'il eft un fanfaron dans la forme quefois tort que dans la manière.

CHAPITRE IX.

Penfées fur les Femmes & fur l'Amour.

Penfées fur les Femmes en général.

LES auftérités des fameux Anachoretes de la Thébaïde, les fupplices ingénieux qu'ils inventoient contre eux-mêmes, pour tourmenter la nature, cette mort toujours nouvelle, toujours douloureufe qu'ils donnoient à leurs fens; tout cela joint à l'horreur de leurs déferts, ne compofoient peut-être pas la valeur des peines que peut éprouver une femme du monde, jeune, aimable, fenible, aimée, & qui veut être vertueufe.

Plufieurs difformités de visage jointes enfemble regardées en bloc, maniées & travaillées par une femme, qui leur cherche un joli point de vue, en dépit qu'elles en aient, prennent une bonne contenance & forment aux yeux d'une coquette un tout qui l'enchante, qui lui paroit préférable à ce tas de beautés fades qu'elle voit fouvent à d'autres femmes. C'est avec ce vifage de la composition de fa vanité, qu'une.femme laide ofe lutter contre un beau vifage de la compofition de la nature. Eh! qui le croiroit? quelquefois cela lui réussit,

Les femmes ont un fentiment de coquetterie, qui ne défempare jamais leur ame; il eft violent dans les occafions d'éclat, quelquefois tranquille dans les indifférentes; mais toujours préfent, toujours fur le qui-vive: c'est en un mot le mouvement perpétuel de leur ame, c'est le feu facré qui ne s'éteint jamais; de forte qu'une femme veut toujours plaire fans le vouloir par une réflexion expreffe. La nature a mis ce fentiment chez elle à l'abri de la réflexion & de l'oubli une femme qui n'eft pas coquette, c'eft une femme qui a ceffé d'être.

Le négligé des femmes eft l'équivalent de la nudité. J'ai dit qu'elles étoient coquettes fans relâche or elles ne le font jamais plus que quand elles veulent infinuer qu'elles ne le font pas.

Le négligé eft une abjuration fimulée de coquetterie; mais en même tems le chef-d'oeuvre de l'envie de plaire.

L'habit magnifique donne de l'éclat à l'aimable femme; elle en devient plus curieufe à voir, mais non pas fi touchante : elle en eft plus belle & moins dangereufe, cet éclat étranger qui faute aux yeux, étouffe l'impreffion des graces naturelles, & écarte le fpectateur de l'attention dangereufe qu'il donneroit au refte.

Cette façon de fe montrer eft plus fuperbe que délicate ufer d'ornement pour plaire, c'eft s'appuyer d'un fecond, c'eft combattre avec rufe, & comme cela la victoire n'est pas jufte. Ai-je plu comme femme ornée, ou comme femme aimable Voilà la queftion qu'en pareil cas fe fait une Dame; l'amour propre qui fe connoît en vrais avantages, & qui fe juge à la rigueur, quand il prévoit n'y rien manquer, lui dicte la réponse.

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Pour vuider la queftion on a recours au négligé; c'est par lui qu'on fait une épreuve de fes charmes ; c'eft lui qui finit les chicanes de l'amour propre c'est par lui qu'on expose la vérité toute nue, qu'on femble dire, me voilà telle que la nature m'a faite; voilà du moins une copie modefte de l'original. Mais à dire vrai cet air modefte eft fi fuperficiel, qu'il n'eft prefque de nulle fatigue pour l'imagination des hommes. Mais, dira-t-on, les femmes favent-elles ce libertinage d'imagination? Je ne dirai point fi elles le favent, pour peu qu'elles s'en doutent, le négligé durera long-tems.

Si les femmes y penfoient bien elles rougiroient des égards & du refpect que nous avons pour elles; leur amour propre en jouit fans en approfondir les caufes.

Une femme en colère dit des injures à un homme du monde, & il ne lui en répond point; parce qu'elle a droit de pouvoir les lui dire impunément mais il a droit, lui, de les méprifer; & cela eft bien humiliant pour elle.

& une

Vous ne fauriez croire combien un amant tendre, foumis & refpectueux, sympatise avec une femme fage & vertueufe. La paffion de cet amant eft-elle même fi douce, fi noble, fi généreuse qu'elle reffemble à une vertu, vertu en apprivoise aisément une autre. L'amour fe déclare, une femme vertueuse le reconnoît & lui impofe filence; mais bien moins parce qu'elle le hait, que parce qu'elle s'eft fait un principe de le haïr & de le craindre. Elle lui réfifte donc, cela eft dans les règles; mais en réfiftant elle entre infenfiblement dans un goût d'aventure; elle fe complait dans les fentimens vertueux qu'elle oppose, ils lui font comme une

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