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M. de Marivaux, nous ont communiqué des anecdotes qui ne font point connues & qu'on ne lira point fans. admiration, ou fans attendriffement. Tout intéreffe dans la vie d'un Homme célèbre nous commençons celle de notre Auteur.

PIERRE CARLET DE MARIVAUX, naquit à Paris fur la paroiffe de S. Gervais en 1688; fon enfance fut comme celle de prefque tous les grands Hommes: il annonça de bonne heure, par des progrès rapides dans fes études, la fineffe d'efprit qui lui étoit propre & qui caractérise ses Ouvrages. Son pere étoit d'une famille ancienne dans le Parlement de Normandie; il jouiffoit d'une fortune honnête, & ne négligea rien pour faire donner à fon fils une belle éducation. Ses heureufes difpofitions. lui firent profiter de celle qu'il reçut. Il fut admiré de fes Maîtres, & il a fait les délices de tous ceux qui l'ont

connu.

Dans l'âge des paffions, où l'ame eft avide des plaisirs frivoles qui la flattent,

M. de Marivaux ne fut livré qu'à l'inquiétude de l'efprit qui cherche la pâture qui lui eft propre : il fentoit en lui le germe des talens qui devoient l'illuftrer. Il ne fe décida point pour les Lettres, il fut entraîné par elles. Il ne chercha point à devenir Auteur, il fut étonné de l'être devenu.

Son premier Ouvrage le fit connoître avantageusement, quoiqu'il foit bien loin de la perfection de ceux qu'il nous a donnés enfuite dans ce genre. Nous parlons des Folies romanefques, roman connu fous le nom de Dom Quichotte moderne. Il ne fauroit être comparé au chef-d'œuvre de Michel Cervantes, qui lui a fervi de modèle. Pharfamon eft le Héros de cette fiction; Cliton en eft le Sancho-Panfa. Il participe aux aventures de fon Maître, il en a de très-plaifantes, & en général il y a de l'efprit & de la gaieté dans cet Ouvrage.

M. de Marivaux écrivoit déjà avec une fi grande facilité au fortir du Collégé, que dès-lors aucune production de l'efprit ne l'étonnoit. Il ne pensoit

point, il ne difoit point, & moi auffi je fuis peintre; mais il le fentoit. S'étant trouvé dans une compagnie où l'on parloit des difficultés de faire une bonne Comédie, il foutint imprudemment que ce n'étoit pas une chose bien difficile. Quelqu'un lui répondit qu'il parloit en jeune homme. Ce reproche, juftement mérité, piqua fon amour propre & l'engagea à travailler à une piéce de Théâtre. Il fit en un jour le plan de celle qui a pour titre le Pere prudent; il le montra à un de fes amis qui lui confeilla d'achever fon Ouvrage : il le fut en huit jours. Cette Comédie eft en vers, & fi la rapidité avec laquelle elle a été compofée n'en excufoit pas les négligences & les défauts, du moins annonçoit-elle ce que l'Auteur étoit capable de faire dans ce genre, où il s'eft frayé, avec tant de fuccès, une route nouvelle.

L'Homère travesti eft encore un des premiers Ouvrages de notre Auteur. Il a voulu prouver, dans cet ingénieux badinage, combien il eft facile de donner

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une tournure rifible aux chofes les plus grandes & les plus férieufes. Le comique de Scaron, qu'on croyoit inimitable, eft plus dans le tour & dans l'expreffion que dans les chofes; celui de l'Homère travesti est plus dans les chofes que dans la manière de les dire. Il y a beaucoup de mérite à avoir bien fu faifir ce genre de burlesque,

M. de Marivaux s'effaya dans le genre tragique. Il donna en 1720, la Mort d'Annibal: fa piéce fut jouée, les premières représentations firent plaifir; mais elle n'eut pas un fuccès affez brillant pour décider l'Auteur à fournir cette carrière: nous croyons qu'il y auroit réuffi. Le caractère d'Annibal eft bien frappé, bien foutenu & prouve que l'Auteur avoit beaucoup de talent; mais entraîné par fon génie qui le por toit davantage aux chofes agréables; qu'aux fujets fombres & terribles, il fe livra entièrement au comique. Perfonne n'ignore qu'il a foutenu feul pendant long-tems la fortune des Italiens, & qu'il

a travaillé pour les François avec un égal fuccès. Prefque toutes fes piéces font fi ingénieusement écrites qu'elles ont refté aux deux Théâtres; & le Public les voit toujours avec un nouveau plaifir. Celles dont M. de Marivaux faifoit le plus de cas, font la Double inconftance les Deux furprises de l'Amour, la Mère confidente, les Sermens indifcrets, les Sincères & l'Ifle des Efclaves. Ce qui prouve combien fon gout étoit für, puifque ce font fes meilleurs piéces.

Tous les genres de Comédies de caractère étant épuifés, M. de Marivaux donna toute fon application à la compofition des piéces d'intrigue, dans lefquelles il a été fon modèle lui-même. Il a introduit le vrai ton de la converfation fur la scène ; & dans des dialogues

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le fentiment pétille, il analyse le ceur humain; il en montre les replis les plus cachés; il en dévoile tous les mouvemens; il en peint toutes les paffions. Les perfonages qu'il fait mouoir font des Philofophes aimbles & les periees font velop

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