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suivre dans leurs décisions les règles de l'équité plutôt que celles du droit. Entrant ensuite dans les applications elle a jugé que les amiables compositeurs peuvent :

a) rejeter le moyen de défense tiré de la prescription et la possession trentenaire (1);

b) établir la compensation en dehors des conditions du Code civil;

c) ne pas tenir compte d'un acte administratif invoqué par une des parties (2);

d) délimiter des propriétés contiguës, sans tenir compte du plan cadastral;

e) imposer aux parties tout ce dont elles auraient pu convenir dans une transaction;

f) se dispenser de se conformer ponctuellement dans le règlement d'un compte à la disposition de l'article 540 C. p. c. qui prescrit de faire le calcul de la recette et de la dépense et d'y fixer le reliquat.

En un mot, la jurisprudence a décidé que les amiables compositeurs sont affranchis de toutes les formalités et obligations imposées aux arbitres ordinaires.

Quant à la procédure, non seulement on décide qu'ils ne sont pas tenus d'en suivre les règles, quand ils en sont formellement dispensés par le compro

1. Bordeaux, 29 janvier 1827.

2. Req., 19 août 1842.

ROCHER

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mis (1) mais on va même jusqu'à décider que la qualité d'amiables compositeurs les dispense implicitement de se conformer à ces règles (2). Ils sont ainsi dispensés :

a) de faire signer par les parties les conclusions qu'elles ont prises (3);

b) de mentionner ces conclusions dans leur jugement (4);

c) de suivre les règles de procédure relatives aux enquêtes (5);

d) de motiver leur sentence (6).

Enfin c'est surtout en ce qui concerne le droit d'appeler de la sentence que l'amiable composition a une influence considérable. Quelques arrèts ont déclaré que la nomination d'amiables compositeurs ne valait pas renonciation à l'appel (7). Un autre arrêt a jugé que cette nomination n'était pas exclusive de l'appel, mais qu'elle n'investissait le juge du deuxième degré que du droit d'examiner uniquement si le premier juge s'est ou non conformé au mandat qu'il a reçu (8).

1. Req., 27 janvier 1879, D., 79.1.262.

2. Orléans, 11 avril 1866, D., 66.2.101.

3. Trib. de Paris, 31 juillet 1828, D., V. Arb., no 716.

4. Bordeaux, 22 mai 1832, D., V. Arb., no 242.

5. Orléans, 11 avril 1866. D., 66-2. 101.

6. Bordeaux, 28 novembre 1835. D., V. Arb.,n° 7. Rouen, 22 avril 1834. D., V. Arb., no 1027. 1845, D., 49 5.16.

8. Toulouse, 15 juillet 1848, D., 49.2.60.

1026.

Bordeaux, 20 mai

Mais malgré ces quelques rares dissidences, on peut dire que la jurisprudence est unanime à voir dans la qualité d'amiable compositeur donnée aux arbitres une renonciation de la part des parties au droit d'appeler de la sentence (1). C'est également l'opinion suivie par la doctrine (2) et c'est la seule qui nous paraisse compatible avec le caractère de l'amiable composition. L'attribution du dernier ressort aux arbitres amiables compositeurs résulte virtuellement de ce qu'ils ne sont pas astreints à l'observation des règles du droit; autrement leurs décisions seraient exposées à une réformation presque certaine, puisque le tribunal, à qui l'appel serait dévolu, serait tenu de se conformer à la loi.

Mais que faudrait-il décider si le compromis nommant des amiables compositeurs, au lieu de disposer qu'ils statueraient en dernier ressort, avait au contraire formellement réservé le droit d'appel? Bien qu'il ait été jugé que la réserve de l'appel était tellement contraire à l'essence de l'amiable composition qu'elle était inopérante et devait être réputée non avenue (3), nous adopterons sans hésitation

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1. Nimes, 27 avril 1831, D., V. Arb., no 1028. 1847, D., 47.4.18. Caen, 6 mars 1849, D., 49.2.177. 2. Carré sur Chauveau, no 3296.

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Paris, 25 août

Mongalvy, no 335.

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3. Bordeaux, 1er avril 1886. D., Sup., V. Arb., no 98.

l'opinion contraire. La réserve explicitement stipulée par les parties annonce qu'elles ont compris d'une autre manière les pouvoirs des amiables compositeurs qu'il y a eu erreur de leur part sur cette expression et cette erreur suffit pour leur conserver une voie de recours qu'aucune d'elles n'a eu l'intention d'abdiquer (1).

1. Grenoble, 23 juin 1820 et Aix, 12 août 1836. D., V. Arb., no 1030

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La sentence est le jugement rendu par le tribunal arbitral.

La sentence doit être délibérée et rendue par tous les arbitres et en se conformant aux dispositions des articles 116 et 117 C. p. c. mais il n'est pas nécessaire qu'elle soit rendue en présence des parties. Dans la pratique les arbitres la déposent au greffe et c'est là que les parties avisées du dépôt vont en prendre connaissance (1).

La sentence arbitrale régulièrement rendue a tous les caractères d'un jugement. Les arbitres doivent,

1. Cass., 7 mai 1873. D., 73.1.244.

Carré, Question, no 3338.

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