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rendue; mais la jurisprudence des Cours d'appel, moins rigoureuse, accorde cet effet à la sentence arbitrale avant tout exequatur (1).

Il résulte de l'autorité de chose jugée accordée à la sentence que, lorsque dans un compte soumis à des arbitres dont les parties ont promis d'accepter la décision et de l'exécuter, une pièce a fait l'objet de leur examen et est entrée dans les éléments de leur jugement, elle ne peut plus être rejetée. De même le serment décisoire ne peut plus ètre déféré sur l'objet du litige jugé par eux. Enfin à plus forte raison les questions résolues par les arbitres ne peuvent plus être soumises à de nouveaux arbitres.

Du principe que les pouvoirs des arbitres prennent fin dès qu'ils ont rempli leur mission, c'est-àdire rendu une sentence ayant autorité de chose jugée, il suit logiquement qu'il ne leur est plus permis de la modifier ni de l'interpréter, sauf exception pour les jugements préparatoires ou interlocutoires. Ils ne pourraient pas non plus rectifier les erreurs commises dans leur sentence; leurs pouvoirs ont pris fin; c'est au tribunal ordinaire à connaitre des rectifications qui seraient nécessaires.

Bien que les personnes ne puissent par une con

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1. Cass., 5 novembre 1811, S., 12. 1. 18.— Riom, 27 avril 1847, D., 47. 2. 160. Caen, Bourges, 21 décembre 1838, D., 39. 2. 215. 24 juillet 1874, D., 74. 2. 272.

vention spéciale soumettre leurs biens futurs à une hypothèque générale, cependant cette hypothèque générale dérivera, comme hypothèque judiciaire, des jugements arbitraux rendus en vertu d'uncompromis, c'est-à-dire d'une simple convention, intervenue entre les parties. C'est une véritable dérogation au principe de la spécialité des hypothèques. Aussi l'article 2123 C. c. n'accorde-t-il à ces sentences la force d'emporter hypothèque, qu'autant qu'elles sont revêtues de l'ordonnance d'exécution.

Les jugements arbitraux ont d'autres effets qui leur sont propres; il a ainsi été jugé qu'ils rendraient civile une créance qui était commerciale et justiciable du tribunal civil la demande d'intérêts de cette créance sur laquelle les arbitres n'ont pas prononcé. Ainsi encore la compensation résultant d'une sentence arbitrale s'opère de plein droit, sans que cette sentence ait été notifiée ou exécutée, surtout lorsqu'elle a été rendue en dernier ressort.

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L'article 1022 C. p. c. déclare que « les jugements << arbitraux ne pourront en aucun cas être opposés à << des tiers. » C'est la conséquence du principe que les jugements arbitraux ne sont l'ouvrage que de personnes privées; c'est seulement entre les parties et leurs ayants cause qu'ils ont force de chose jugée ;

vis-à-vis des tiers, ils sont assimilés à de simples conventions qui ne peuvent leur être opposées.

La sentence ne peut pas davantage être opposée à la caution ou mème au codébiteur solidaire de la partie condamnée, s'ils n'y ont pas été parties. Mais elle suffirait néanmoins si la partie obtenait gain de cause à interrompre la prescription à leur égard. Elle leur profiterait aussi, si elle déclarait la dette acquitée, car ils peuvent opposer toutes les exceptions résultant de la nature de l'obligation et toutes celles communes à tous les codébiteurs.

La sentence ne peut donc jamais être opposée à des tiers. Néanmoins l'article 1022 doit recevoir exception pour le cas où il a été pris hypothèque en vertu d'un jugement arbitral revêtu de l'ordonnance d'exequatur. Ce jugement est certainement opposable aux tiers; mais c'est alors comme représentants des droits de celui contre lequel il a été rendu que ces tiers subissent tous les effets de la sentence.

Le tiers à qui la sentence pourrait porter préjudice n'aurait même pas besoin, nous le verrons, de se pourvoir par la tierce opposition pour la faire tomber. C'est toujours le résultat du principe qu'elle n'est qu'une convention privée. D'ailleurs la tierce. opposition principale est jugée par les juges dont émane le jugement et on ne peut forcer les tiers à avoir pour juges des arbitres qu'ils n'ont pas choisis.

Réciproquement les tiers n'ont pas qualité pour exercer l'action en nullité ouverte par l'article 1028 C. p. c.(1); ils n'en ont du reste pas même besoin. Ils ne seraient fondés à recourir à cette voie qu'autant qu'ils représenteraient l'une des parties mais ils agiraient alors comme ayants cause, au même titre que la partie elle-même ; la qualité de tiers ne se trouverait donc plus en eux.

1. Aix, 3 janvier 1817, D., V. Arb., no 473.

CHAPITRE III

De l'exécution de la sentence.

C'est de la convention des parties capables de contracter et portant sur des matières susceptibles de compromis que dérive la puissance de la sentence arbitrale. Elle n'a donc par elle-même aucune force exécutoire. Elle ne peut avoir celle d'un jugement puisqu'elle dérive d'une simple convention, non plus que celle d'un acte notarié puisqu'il lui manque la formule exécutoire que de simples particuliers comme les arbitres ne peuvent lui donner. L'ordonnance d'exécution a pour objet de donner aux décisions des arbitres cette force exécutoire qui leur manque et que les arbitres dépourvus de caractère public sont impuissants à leur donner. C'est en ce sens que M. le Procureur général Dupin a pu dire dans un réquisitoire fameux (1) que jusqu'au dépôt au greffe la sentence est un acte privé.

1. Réquisitoire de M. le Procureur général Dupin. D. V. arb., n° 959.

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