Page images
PDF
EPUB

Deux chemins font oferts, l'un décend, l'autre monte,

L'un au travers des fleurs précipite à la honte,
L'autre escarpé de rocs, dur & laborieux;
Eleve le mortel au fommet glorieux,

Mais dans votre langueur vous croupiffez encore;
De mes prudens avis je ne voi rien éclore.
En vain la vertu sofre à votre cil indolent,
Rien n'excite un courage & trop froid & trop

lent;

Il fe faut cependant fixer à quelque chofe, Dites-moi quelle fin votre cœur fe propose. Votre arc adreffe-t-il à quelque but certain? Courez-vous les corbeaux une pierre à la main ? Errez-vous, vagabond, & comptez-vous de vivre, Sans aujourd'hui penser au jour qui le doit fuivre ? Dans fa livide peau l'hydropique enfermé Implore en vain Purgon quand le mal eft formé. Il faut dans fa naiffance apliquer le remede, En vain Helvétius vous ofriroit fon aide, Quoique vous prometiez, s'il ne vient affés tôt Il voit contr'un vieux mal sa racine en defaut.

Vous done qui ne favez vous regler ni conduire, Ecoutez-moi, je veux une fois vous instruire, Que votre premier foin foit de conoître bien Le principe éternel qui ne dépend de rien,

Quis datus, aut meta quam mollis flexus, & unde

Quis modus argento, quid fas optare, quid asper

Vtile nummus habet: patria carifque propinquis

Quantum elargiri deceat: quem te Deus effe

Fuffit.& humana qua parte locatus es in re.

Difce: nec invideas. Quod multa fidelia putet

In locuplete penu, defenfis pinguibus Umbris

Erpiter & perna Marfi monumenta clientis,

Manaque quod prima nondum defecerit orca ;

[ocr errors]

Concevez prés de lui ce qu'eft la créature,
Pensez à quelle fin nous a faits la nature,
Quel ordre, quelle loi le devoir nous prefcrit,
Quel frein l'homme doit metre au feu de son esprit,
Ce qu'il doit éviter ou fuivre avec prudence,
Comment à fa richeffe il joindra l'innocence,
Quels vœux il peut former fans offenfer les Dieux,
A quoi le bien qu'il a peut s'employer le mieux,
Avec quelle fageffe il doit fans qu'on l'en prie
En foulager les fiens, en aider fa patrie,
Et foit que Dieu l'éleve ou qu'il le faffe choir
En quelqu'état qu'il foit y remplir fon devoir,
Mais parmi les tourmens qui fatiguent la vie
Il n'en eft point d'égal à la jaloufe envie.
Gardez-vous de ce monftre, & voyez fans douleur
Mile avortons poussez au comble du bonheur,
Ces échapez du Soc, ces extraits de Mandille,
Ces riches potirons dont tout Paris fourmille,
Qui tiennent fous leurs piés le bon fang abatu,
Et paffent fur le ventre à la gueule vertu.
Content d'être plus qu'eux & vertueux & sage
Je laiffe aux publicains leurs trefors en partage,
Et fans m'embaraffer d'où leur vient tant de bien,
Je ne demande au ciel que de garder le mien,

His aliquis de gente hircofa Centurionum

Dicat, quod fapio, fatis eft mihi, non ego cura

Effe quod Arcefilas arumnofique Solones,

Obstipo capite, & fingentes lumine terram;

Murmura cum fecum, & rabiofa filentia rodunt ¿

Atque exporrecto trutinantur verba labello;

Egroti veteris meditantes fomnia, Gigni

De nihilo nihil, in nibilum nil posse reverti,

Hoc eft, quod palleş? cur quis non prandeat, hoc eft 3

His populus ridet multùmque torosa juventus

Ingeminat tremulos nafo crifpante cachinnos

Mais

Mais j'entens un Gafcon, reformé Capitaine,
Portant bouc fous l'aiffelle, & bouzis à l'haleine,
Qui me dit: Cadédis, nargue de vos leçons,
Moi je fuivrois les pas de vos tristes Solons;
Comme eux les yeux en terre & la tête baiffée,
J'irois m'alembiquer d'une creufe pensée,
Et fur de vains objets fans ceffe m'atachant
En moi-même toûjours murmurer en marchant.
Paroître un infenfé jufque dans le filence,
Prendre fur chaque mot le poids & la balance,
Et donant un decret fur un point propofé
Le prononcer d'un ton emphatique & polé.

Que difent ces Solons? rien qui me perfuade, Songes bourus qu'enfante un vieux cerveau malade, Rien de rien, difent-ils, ne fe peut engendrer, Et rien dans le néant ne peut auffi rentrer. Pour trouver le fecret tu pâlis fur un livre, A peine manges-tu ce qu'il te faut pour Et que m'importe à moi, que fur ce fondement Ton Solon faffe un jufte ou faux raifonement?

vivre.

Le Gafcon prononçant cette fade Satire Voit le peuple aplaudir & la jeunesse rire, Et de l'avis commun de ces efprits bornez La fageffe eft fiflée, & les Solons bernez.

R

« PreviousContinue »