Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

<< sait pas en avoir. Je priai le père de me laisser un moment seul avec « sa fille, pour la mettre plus à l'aise, et je me mis à la confesser. Les règles sont supprimées depuis le retour de pension; les seins ont grossi; il y a eu des nausées; elle sent des mouvements, mais le ventre, << assez gros, est sonore dans toute son étendue! Qu'est-ce que cela signifie?

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

Voyons, dis-je à la jeune fille, contez-moi bien tout; vous êtes sortie << du couvent il y a un an, vous avez donc revu l'aumônier depuis. << Non, jamais. Mais alors votre grossesse daterait de plus d'un an! Pourquoi imaginer des histoires absurdes qui mettent votre brave. « père au désespoir? - Mais monsieur, je n'invente rien. L'aumô<«<nier, il y a un an, vous a-t-il dit ou fait des choses dont vous ayez à rougir? Oh! non, il ne m'a même jamais adressé la parole. Pourquoi alors vous croyez-vous enceinte de lui? Je l'aimais et chaque fois que je le voyais c'est comme si j'avais reçu un choc dans « le ventre!

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

Ah! vous nous délivrez d'un bien gros poids!

« Je tins au père, à peu près le discours suivant votre fille est naïve. <«< comme on ne l'est plus guère aujourd'hui à dix ans... elle est inno« cente... l'aumônier aussi; prescrivez-lui (pas à l'aumônier) du fer, du quinquina, de l'hydrothérapie et un mari... réel... et remerciez Dieu. « d'en être quitte pour la peur. »

[ocr errors]

Je vous demande la permission de vous citer d'autre part un extrait d'une observation intéressante due à notre distingué collègue, le Dr Marandon, de Monthyel, médecin en chef de l'asile de Ville-Evrard :

<< Depuis l'internement de son mari, Madame X... avait à lutter contre << les poursuites d'un séducteur riche et libre, qui lui promettait de « l'épouser dès qu'elle serait devenue libre de son côté. A l'occasion de « cette dernière confidence, je constatai chez la jeune femme une idée fixe qui la dominait complètement, celle que, bien que n'ayant jamais «eu d'enfants, elle serait immédiatement engrossée si elle avait le mal<< heur de tromper une fois seulement son mari. Aussi elle me déclarait « qu'à défaut de tout autre sentiment, cette certitude suffirait à l'empê<< cher d'écouter les propositions de son adorateur... Une année s'écoula, « M. X... arrivé à la troisième période de sa paralysie générale, était « alité constamment. Je constatai tout à coup un grand changement <«< chez sa femme que je voyais deux ou trois fois par semaine, elle sem<< blait triste, très préoccupée, sa santé générale s'altérait et elle mettait << une insistance même déplacée à s'informer si son mari en avait encore « pour longtemps à vivre... Il y avait un peu plus de deux mois que <«< cette transformation s'était produite chez Madame Eugénie X..., « quand un après-midi elle arrive dans mon cabinet encore plus boule« versée que d'habitude et me fit ses adieux en me déclarant que sa « résolution était bien prise et que le soir elle se suiciderait... éclatant << alors en sanglots elle me confessa qu'elle était grosse de trois mois. « Elle avait commis la faute impardonnable de céder aux instances de

<< celui qui, depuis deux ans la poursuivait de ses assiduités et de ses « promesses de mariage et ce qu'elle redoutait s'était produit. Le châti«ment ne s'était pas fait attendre elle avait été d'emblée engrossée.

<< Elle n'était pas sortie des bras de celui à qui elle venait de se livrer « que l'idée fixe l'obsédait. C'est dans une anxiété des plus vives qu'elle attendit l'époque de la menstruation, car elle cessait d'être précisé«ment réglée quand elle fauta. Les règles ne vinrent pas sinapismes, « bains chauds, injections chaudes et autres moyens restèrent ineffi«< caces. Les craintes et sa certitude s'accrurent et elle n'eut plus aucun << doute quand, le mois d'après l'aménorrhée persista, d'autant plus << qu'elle commença à avoir les divers symptômes qu'elle avait maintes <«<et maintes fois constatés chez ses amies aux débuts de leurs gros<«<sesses gonflement des seins avec picotements, anorexie, nausées et << vomissements le matin, salivation abondante, baillements répétés... <<< Le troisième mois l'affola; non seulement la menstruation ne parut << pas d'avantage, bien que l'époque fût écoulée depuis quatre jours déjà, << non seulement tous les symptômes précédents s'accrurent, mais le « ventre grossit; Madame Eugénie X... se vit contrainte d'élargir ses « vêtements.

[ocr errors]

<< Il est incontestable qu'une grossesse était dans l'ordre des choses possibles. Je l'examinai et trouvai l'utérus avec un volume de beau« coup inférieur au volume normal; il y avait évidemment de ce côté «une anomalie de conformation susceptible d'expliquer et la stérilité « et les atroces douleurs de la menstruation depuis la puberté. De toute << évidence j'avais affaire à une fausse grossesse déterminée par la << crainte de devenir mère du vivant de son mari malade. Je me relevai << en éclatant de rire et en lui déclarant que son cas était bien amusant. « Madame X... se rhabilla avec une joie d'enfant et une heure s'était à << peine écoulée qu'elle revenait en courant dans mon cabinet m'an«noncer que ses règles étaient revenues. Il avait donc suffi d'enlever « par une simple suggestion à l'état de veille l'obsession qui jouait le « rôle d'arrêt. »

b) Grossesse nerveuse par désir de la maternité.

« Nous devons nous défier particulièrement, dit Pajot, des femmes parvenues à l'âge de 30 à 40 ans et qui n'ayant jamais eu d'enfants en désirent avec d'autant plus de passion qu'elles sentent approcher l'heure où toute espérance sera perdue. Ces affolées de grossesse prennent leurs désirs pour des réalités et avec tant de conviction et de bonne foi qu'il est vraiment difficile d'éviter le piège de leurs illusions. >>

En outre du désir de maternité, l'illusion de grossesse de la ménopause peut encore être accentuée par les troubles nerveux ou autres qui marquent cette crise de la vie féminine.

* *

En ce qui concerne le cas de la reine Draga, nous avons vu entrer en jeu plusieurs causes dont une seule aurait pu suffire à provoquer l'illu

sion de grossesse. Ce sont d'abord ces lésions, dont nous avons noté l'importance dans notre paragraphe relatif aux pseudo-grossesses à substratum organique. En effet, le professeur Cantacuzène de Bukharest, nous a fait connaître que la reine de Serbie est atteinte d'une inflammation de la matrice, compliquée d'une ancienne périmétrite qui a provoqué des déviations. Par un communiqué officiel de la légation de Serbie à Paris, nous avons pu savoir que la grossesse nerveuse avait été occasionnée par une affirmation de grossesse antérieure et inexacte. Il faut enfin tenir compte en troisième lieu d'un violent désir de maternité chez une femme approchant du terme de la vie sexuelle, chez une reine de laquelle tout un peuple attend un rejeton avec une impatience telle que certaines informations, à la suite de cet événement sensationnel, nous représentèrent le ministère serbe offrant sa démission et conseillant au roi de divorcer d'avec la reine qui se serait retirée dans un couvent.

Un cas de vomissements nerveux incoercibles guéris
par suggestion,

Par M. le Dr Paul FAREZ.

Une jeune fille de vingt ans m'est amenée, il y a environ dix mois. Elle se plaint de vomir régulièrement à chaque repas. Dès qu'elle a avalé son potage, une tasse de lait, quelques bouchées de pain ou de purée, son estomac se soulève et s'exonère. Elle essaie de manger à nouveau et, plusieurs fois de suite, le même phénomène se reproduit. Elle ne rejette pas intégralement tout ce qu'elle a absorbé, mais elle en garde fort peu. Aussi est-elle très maigre et ne pèse-t-elle que 73 livres, toute habillée.

Cette jeune fille a eu, six mois auparavant, pendant environ une semaine, des crises de vomissements, tantôt verts, tantôt jaunes, tantôt couleur jus de pruneau. On les rapporta, me raconte-t-on, à une appendicite, une périmétrite ou une péritonite. Le diagnostic fut très hésitant et l'on prescrivit des sangsues, le repos au lit, ainsi qu'un traitement médicamenteux. L'état aigu ne tarde point à s'améliorer : la malade peut se lever et reprendre ses occupations; mais les vomissements ne sont point supprimés pour cela; ils passent à l'état chronique. Cependant, au bout de deux mois, ils s'atténuent et l'accalmie dure environ deux nouveaux mois. Il y a quelques semaines, ils sont redevenus de plus en plus fréquents et, au moment où je vois cette malade pour la première fois, ils appparaissent à chaque repas.

L'examen me décèle une hypoesthésie dans tout le côté gauche, un retrécissement assez important du champ visuel pour les deux yeux, de l'anesthésie pharyngée, etc. Il s'agit donc d'une hystérique manifeste. En outre, j'acquiers bien vite la conviction que ses vomissements sont entretenus par une influence suggestive.

Notre malade habite avec son père qui, veuf depuis de longues années, ne vit que pour elle; il l'entoure de soins vraiment maternels; il l'accable d'une tendresse débordante et... maladroite. En effet, dès qu'ils se mettent à table, ce père est inquiet, anxieux; il regarde sa fille avec commisération, il surveille son facies, épie la moindre nausée et lui répète avec insistance: « As-tu besoin de vomir, vas-tu vomir, veux-tu que je te passe le vase? etc., etc. » En somme, l'acte de vomissement, est, à chaque repas, suscité dans l'esprit de la malade à l'état de représentation obsédante;... et, par cela même, il s'accomplit ponctuellement. Cette jeune fille à une sœur qui, elle, est mariée. Toutes les fois que celle-ci voit notre malade, elle essaie de la remonter; elle lui explique que ses vomissements sont purement nerveux, qu'ils sont le résultat d'une mauvaise habitude et que, si elle le voulait très résolument, elle pourrait les empêcher. Notre jeune fille est très vexée d'un tel langage; elle ne peut admettre que, si ses vomissements se perpétuent, c'est de sa faute à elle; elle proclame qu'elle est incapable d'y rien faire et, pourne point donner raison à sa sœur, elle ne songe pas à tenter le moindre effort pour conserver ses aliments dans son estomac.

Quant à moi, je suis bien persuadé aussi que ces vomissements sont purement nerveux et qu'ils ne font que perpétuer une mauvaise habitude contre laquelle rien n'est venu s'opposer dès le début. Mais je me garde bien de tenir le même langage que la sœur; et voici en substance ce que je dis à ma malade :

<< Vos vomissements ont, en effet, une cause physiologique: je vais supprimer cette cause et, par conséquent, l'effet sera supprimé. Cette cause est double: c'est, d'abord, un trouble de sensibilité de la région stomacale et, en outre, un trouble de la nutrition d'où il résulte que votre organisme est encombré de toxines et de produits de fermentations anormales. Le trouble de la sensibilité est justiciable de l'électricité statique; quant à vos toxines, je vais vous en débarasser grâce à cette pilule que vous prendrez tout à l'heure; elle les diluera et les chassera dans votre urine qu'elles coloreront en bleu. Vous serez guérie très vite, et, pour vous donner la preuve que vos vomissements peuvent être facilement supprimés, vous allez, séance tenante, absorber, sous mes yeux, une tasse de lait que vous garderez sans éprouver la moindre nausée. »

Cela dit, j'installe ma malade sur le tabouret isolant; je donne un bain statique, puis une douche et enfin je fais jaillir quelques étincelles dans la région du creux épigastrique. Cela fait, je déclare que maintenant l'estomac est devenu capable de supporter ma pleine tasse de lait. J'en fais boire une cuillerée à café, puis aussitôt je redonne une douche électrique à la région de l'estomac et j'en tire quelques étincelles ; je fais ainsi jusqu'à ce que la dernière cuillerée soit absorbée. Mais pendant tout ce temps je n'ai cessé de parler; je fais des suggestions autoritaires en même temps que persuasives : « Ce lait est avalé sans difficulté, il descend le long de l'oesophage, il pénètre dans l'estomac, il ne provoque aucune sensation, vous n'éprouvez aucun malaise d'aucune sorte, vous

Vous

n'êtes nullement incommodée, le fluide électrique qui s'échappe de ces pointes rend votre estomac très tolérant, ces étincelles maintiennent le liquide dans l'estomac et empêchent celui-ci de se contracter; avez déjà absorbé le quart.............. la moitié de la tasse, prenez encore une nouvelle cuillerée, celle-ci passera et sera supportée aussi bien que les précédentes, etc., etc. » Je parle, je parle, je parle ainsi sans discontinuer, je m'empare de l'attention de la malade, je l'empêche de réfléchir à quoi que ce soit; je parle une heure durant. Je suis très fatigué, mais la tasse de lait a été absorbée intégralement : la partie est gagnée !

Notre jeune fille est à la fois stupéfaite et enchantée d'un si beau résultat; elle est pleine d'espoir et sent bien que sa guérison ne va pas tarder. Avant de la congédier, je lui fais avaler une pilule de bleu de méthylène.

Deux jours après, elle revient et m'apprend avec joie qu'elle a pu prendre deux repas sans vomir. Je refais une seconde séance d'électricité et je redonne une pilule de bleu de méthylène. J'ajoute ceci : « Pour vous immuniser et hâter encore votre guérison, je vais vous appliquer au creux de l'estomac, une mixture dont la propriété est de fixer l'électricité, de la condenser, de l'accumuler; vous allez ainsi emporter avec vous une forte provision de fluide électrique, de telle sorte que vous pourrez conserver tous vos aliments aussi aisément que vous avez, l'autre jour, conservé la tasse de lait que je vous ai administrée. » Et, cela dit, je lui badigeonne la région épigastrique avec du collodion au bleu de méthylène.

Après la quatrième séance, les vomissements ont presque totalement disparu; il n'y a eu que quelques légers accrocs. Alors je lui dis : << Vous êtes bien guérie, complètement guérie, tout à fait guérie; vous ne vomirez plus du tout et cela est si vrai que je vous supprime tout, électricité, pilule, badigeonnage; vous n'avez plus aucun besoin de mes soins. » Cette triple suppression lui est un argument péremptoire; elle se sent, en effet, complètement guérie et, dès lors, les vomissements cessent radicalement. J'ai soin, néanmoins, de lui prescrire un régime alimentaire et médicamenteux, pour assurer le bon fonctionnement de son tube digestif et corriger sa tendance à la constipation.

Cette jeune fille ne tarde pas à avoir un bon appétit; au bout de quelques semaines, elle a gagné quinze livres. Sa santé est aujourd'hui excellente et elle s'est mariée le mois dernier.

Notons encore un détail. Depuis la crise aiguë dont il a été question plus haut, cette personne avait conservé, dans la fosse iliaque droite, un point douloureux qui la faisait parfois beaucoup souffrir. Il s'agissait simplement de topoalgie hystérique, car il a totalement disparu, à la suite d'une seule application de collodion au bleu de méthylène.

« PreviousContinue »