Page images
PDF
EPUB

ficielle peut très bien provoquer des réflexes oculaires et pharyngiens, alors qu'il existe des troubles certains de la sensibilité qui passeront ainsi inaperçus et induiront en erreur. J'ai constaté, en effet, relativement au réflexe oculaire, que dans un certain nombre de cas, le bord ciliaire de la paupière est le siège d'une hyperesthésie, de sorte que le moindre contact de l'instrument provoque un réflexe très violent, tandis que la cornée elle-même est insensible si on la touche isolément. Dans d'autres cas, j'ai constaté l'anesthésie de la cornée pour un seul œil, tandis que de l'autre côté la sensibilité était normale ou exagérée. Enfin chez d'autres sujets plus rares, on trouve sur la cornée du même œil une zone d'anesthésie et une autre zône de sensibilité normale 'ou d'hyperesthésie. Ces zones d'anesthésie sont essentiellement variables quant à leur situation, c'est tantôt la région interne, tantôt la région externe, tantôt la région supérieure ou la région inférieure, etc. Ces zônes irrégulières constatées sur un seul ceil ne peuvent en aucune façon permettre de préjuger l'état de la sensibilité de l'autre oil, qui peut être normal ou anesthésié, én totalité ou en partie. La présence de zones partielles d'anesthésie cornéenne a tout autant d'importance au point de vue du diagnostic qu'une anesthésie totale. Il est donc évident qu'un examen trop rapide ou superficiel, ou fait avec un instrument grossier est capable d'induire en erreur, soit parce qu'il se bornera à constater la sensibilité d'un point, soit parce qu'il portera tout à la fois l'excitation sur un point anesthésié et sur un point sensible qui provoquera le réflexe.

Pour ce qui concerne le réflexe pharyngien, je signalerai les diverses observations suivantes : Chez certains sujets j'ai constaté une anesthésie de toute une moitié latérale du voile du palais, avec hyperesthésie ou sensibilité normale de l'autre moitié. Chez d'autres, anesthésie de la partie supérieure du voile du palais et hyperesthésie du bord inférieur y compris la luette, ou l'inverse réciproquement. Dans d'autres cas, la muqueuse horizontale du palais est sensible et la muqueuse verticale du voile du palais est insensible. D'autres fois il y avait insensibilité du voile du palais mais une hyperesthésie très prononcée de la base de la langue, de sorte que si l'on touchait quelque peu la langue en explorant le voile du palais on provoquait un réflexe énergique. Enfin un phénomène encore plus délicat consiste en des plaques d'anesthésie qui siègent indifféremment sur un point quelconque du voile du palais. Ces plaques d'anesthésie pouvaient avoir la dimension d'une pièce de un ou de deux centimes et laissaient une sensibilité normale ou exagérée sur toutes les autres parties de la muqueuse.

Par conséquent, pour tous ces cas, comme pour ceux que je signalais tout à l'heure concernant le réflexe oculaire, une exploration peu attentive, ou faite avec un instrument trop volumineux, devait le plus souvent provoquer le mouvement réflexe, et empêchait de constater un trouble de la sensibilité existant en réalité.

Nous tirerons de ces différentes observations les conclusions suivantes :

1o Il est de la plus grande importance de bien faire le diagnostic de l'hystérie et en particulier de rechercher les troubles de la sensibilité. 2. L'exploration des réflexes oculaire et pharyngien a une très grande importance; il importe donc que cette exploration soit bien faite.

3o Pour cela, il faut se servir d'un instrument très fin, permettant de porter l'excitation sur une partie très limitée de la muqueuse, à l'exclusion de toute autre.

4o Relativement au réflexe oculaire, il faut examiner les deux yeux et explorer successivement les différentes parties de la cornée.

5o Pour le réflexe pharyngien il faut examiner le palais, le voile du palais et la base de la langue isolément.

6o Il faut en particulier examiner les différents points du voile du palais, pour constater les zones d'anesthésie et d'hyperesthésie qu'il peut présenter.

Hémichorée récidivante, datant de trois mois,

guérie en une séance de suggestion hypnotique
Par M. le Dr Paul FAREZ

Une jeune fille, âgée de 19 ans, Mile Y. G., m'est amenée dans le courant du mois de décembre 1900. Son bras droit et sa jambe droite sont animés de mouvements choréiques, involontaires, rapides, irréguliers, Dès qu'elle a saisi un objet avec sa main droite, elle le laisse infailliblement tomber, si bien qu'elle ne peut plus ni écrire, ni coudre, ni même manger seule ; et cela dure depuis trois mois. En outre, elle se plaint d'insomnies rebelles.

Il y a environ trois ans, Mlle Y. G. a déjà été atteinte d'une semblable hémichorée. Voici dans quelles circonstances. Un jour, à six heures du soir, on vient la chercher précipitamment à son pensionnat pour la mener au chevet de sa mère qui, dans la matinée, a été opérée d'un cancer et que l'on croit sur le point de mourir. Notre jeune fille en éprouve une émotion considérable et les mouvements choréiques apparaissent dans la jambe ainsi que dans le bras droit; dès lors, elle laisse tomber tous les objets qu'elle tient de la main droite, tant celle-ci est devenue malhabile.

On la met dans une maison de santé où elle reste pendant six mois. En dépit des douches, du bromure, du chloral et du régime lacté, son état, loin de s'améliorer, se perpétue et même s'aggrave. Outre la fonction motrice, l'intellectualité est touchée. Mlle Y. G. se trouve dans un état spécial d'obnubilation; son cerveau, dit-elle aujourd'hui, était comme endormi; peut-être s'est-il agi d'une espèce d'état second pendant lequel « elle avait tout à fait l'air d'une idiote », au dire d'une parente.

Au bout de six mois de séjour dans cette maison de santé, elle ne va guère mieux. Sa mère, qui n'est point morte et jouit d'une rémission, reprend sa fille auprès d'elle en février 1898, puis l'envoie, d'abord à la mer, ensuite à Vichy. Une amélioration se manifeste et, au bout de quelques mois, Mile Y. G. paraît guérie.

Mais, au mois de mai 1900, sa mère redevient malade: son cancer récidive et se généralise. Notre jeune fille la soigne avec un grand dévouement, devient une garde-malade modèle, passe les nuits, se fatigue, se surmène, et s'alimente insuffisamment. La malade meurt en septembre. Sa fille en éprouve une désolation profonde, mais ne peut pas verser une seule larme. Toutefois, en revenant du cimetière, elle est de nouveau prise d'hémichorée, avec maladresse de la main. C'est pour cette récidive qui dure depuis trois mois que cette jeune fille m'est amenée en décembre dernier.

Ses insomnies sont dues à un même rêve qui la harcèle toutes les nuits. Elle voit sa maman à ses côtés; prise de peur, elle veut crier ; elle se réveille alors en sursaut et ne peut plus se rendormir.

Déjà fixé par les détails qui viennent d'être rapportés, j'explore sa sensibilité et je découvre une hémianesthésie totale à droite. Le diagnostic n'est pas douteux: il s'agit donc d'une hémichorée hystérique. Je promets alors catégoriquement à ma malade une guérison complète et rapide; puis, je lui donne rendez-vous pour le surlendemain. Elle est très convaincue que je tiendrai ma promesse et, déjà, elle m'en exprime toute sa reconnaissance. Quant à moi, je présume bien que ce délai de deux jours va encore accroître sa confiance en moi. La malade, en effet, désire ardemment voir arriver l'heure de notre rendez-vous et, dès que je la revois, je la trouve tout à fait « à point » pour être traitée par la suggestion.

Je l'endors, séance tenante, avec la plus grande facilité. Puis, je lui affirme qu'à son réveil ses membres seront redevenus tout à fait dociles à sa volonté, qu'ils ne présenteront plus aucun mouvement irrésistible, qu'elle aura recouvré son adresse manuelle et se sentira tout à fait guérie.

Je la réveille et l'observe : les mouvements choréiques ont totalement disparu. Je lui présente un verre d'eau : elle le saisit et le porte à sa bouche sans aucune difficulté. Je lui passe successivement un certain nombre d'objets usuels, tels que porte-plume, crayon, règle, cuiller, fourchette, couteau, ciseaux, etc.: elle les prend avec dextérité, les conserve dans sa main et s'en sert correctement. Je lui demande ensuite d'enfiler plusieurs aiguilles et enfin de faire un ourlet: elle s'en acquitte très convenablement.

A la faveur de l'empire que j'ai acquis sur elle en l'endormant du sommeil hypnotique, je continue, après son réveil, à lui faire des suggestions intenses; je ne cesse de lui parler avec assurance et autorité; j'annonce formellement ce qui va se passer; j'exalte son attention et je stimule sa fonction perceptive. Quant à elle, enthousiasmée par le

succès de toutes ces expériences, elle ne doute pas de sa guérison définitive.

Toutefois, ma tâche n'est point terminée. Je sais qu'il existe une hémianesthésie droite; si je ne la fais point disparaître, je n'aurai peutêtre qu'une amélioration passagère et ma malade restera exposée à une rechute prochaine. J'ai donc recours à diverses pratiques æsthésiogéniques, telles que frictions, massage, pulvérisations de chlorure d'éthyle, douche statique, électricité faradique, etc. Bientôt, la sensibilité redevient normale dans tout le côté droit.

Mais j'insiste sur ce point: la suppression de l'hémichorée par suggestion verbale a précédé la restauration de l'esthésie (').

Pour rendre cette guérison durable, j'ai fait revenir encore trois ou quatre fois ma malade, mais surtout afin de lui faire des séances d'æsthésiogénie.

J'ai dit plus haut que Me Y. G. se plaignait d'insomnie rebelle, laquelle était due à un rêve émotionnel. Lors de notre première séance même, pendant qu'elle dort, j'ai soin de dissocier ce rêve, d'en inhiber chacun des éléments, de prévenir leur retour et de suggérer un sommeil paisible pour les nuits suivantes. En effet, notre jeune fille s'endort le soir même à onze heures et dort d'un seul somme jusqu'au lendemain à dix heures et demie du matin. Dès lors notre jeune fille a retrouvé son sommeil normal.

A notre seconde séance, Mlle Y. G. me raconte qu'elle a, par moments, mal dans le ventre et qu'elle ne peut se baisser sans y éprouver des douleurs intolérables. Il existe en effet une zône douloureuse dans la fosse iliaque droite, aux environs de l'ovaire ou de l'appendice. Me rappelant les cas d'« appendicite fantôme » déjà publiés, me souvenant aussi que l'hypnotisme est parfois un précieux instrument de diagnostic, je me hasarde à suggérer d'emblée la disparition de cette douleur, et cette douleur disparaît. Devant moi, la malade peut se baisser, se relever et faire des contorsions en tous sens, sans souffrir aucunement. Il s'agissait donc vraisemblablement d'une algie hystérique. Mais l'hypnotisme offre cet avantage bien appréciable que, non content de dévoiler la nature hystérique d'un point douloureux, il en est en même temps l'agent curateur.

Encouragé par ces succès, je vais plus loin. Notre jeune fille souffre de constipation opiniâtre. Je lui suggère que chaque matin, à son réveil, elle aura une garde-robe abondante et, cette fois encore, l'effet attendu se réalise.

On me dira que la suggestion s'est exercée ici sur un sujet éminemment propice je n'en disconviendrai pas. Mais puisque, dans certains cas, elle est d'un maniement si sûr et si facile, c'est une raison de plus pour qu'on se décide à y avoir recours, toutes les fois que l'indication s'en présente.

(1) A aucun moment la fonction menstruelle n'a été notablement troublée.

Il y a maintenant quatre mois que j'ai traité cette jeune fille; elle jouit d'une santé excellente et, en deux mois, elle a augmenté de quinze livres.

Un curieux cas de léthargie.

Par M. le Dr LIÉGEARD, de Bellême (Orne).

Mlle Emilie L... âgée de 35 ans, institutrice, à tempérament débile, lymphatico-nerveux, au front déprimé, sujette à des migraines et à des névralgies diverses, menstruée tardivement à 16 ans, fut prise d'une grande frayeur, à la suite de la chute de la foudre sur sa classe, dans l'après-midi du 13 juillet 1883. Relevée sans connaissance, elle fut transportée dans sa chambre et ramenée en voiture le lendemain chez ses parents à quelque distance de là.

Nous la vimes pour la première fois, le 2 août 1883, et voici, de mémoire, quel était à peu près son état. Etat cataleptique très manifeste, raideur musculaire, nystagmus, abolition de la sensibilité au contact et à la douleur: on peut impunément lui enfoncer des aiguilles dans les masses musculaires sans la réveiller, promener une barbe de plume sur les cornées et la muqueuse nasale sans éveiller la moindre sensation; abolition de la sensibilité réflexe de la moëlle constatée par la titillation de la plante des pieds; bruits du cœur faibles mais réguliers; clignotement permanent des paupières, contraction des pupilles, contracture des mâchoires qui empêche l'alimentation de la malade; absence de sensibilité olfactive.

Du 7 au 15 août, la malade est soumise à l'action des courants faradiques; il se produit des contractions musculaires énergiques, mais rien ne peut la réveiller.

L'alimentation par la bouche étant rendue impossible par la contracture des mâchoires, nous avons recours aux lavements nutritifs, trois ou quatre fois par jour; souvent ils ne sont pas gardés. Il y a aussi des urines involontaires en petite quantité. Cet état de vie végétative persiste jusqu'au 25 décembre, c'est-à-dire pendant près de cinq mois. Dans les jours qui précèdent le réveil, on note des contractions fibrillaires dans les muscles du visage où le nystagmus est toujours le phénomène dominant.

Le jour de Noël la malade sort de son sommeil léthargique et demande à manger. Elle ne conserve aucun souvenir de ce qui s'est passé depuis le 13 juillet et paraît fort étonnée de se trouver chez ses parents. La sensibilité au contact est rétablie, mais des zônes d'anesthésie persistent sur différentes parties du corps, ce que nous constatons dans notre visite du 26 décembre; il existe une grande faiblesse, mais un amaigrissement peu apparent malgré les cinq mois d'abstinence. Emilie L... se remet peu à peu au courant de la vie et songe à reprendre sa classe après les vacances de Pâques. Elle en est empêchée par l'état de ses forces et envoie sa démission pour raison de santé,

« PreviousContinue »