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SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du mardi 19 novembre 1901. Présidence de M. Jules VOISIN

La séance est ouverte à 4 h. 35.

Le procès-verbal de la dernière séance ést lu et adopté.

La parole est donnée successivement à MM. les Drs Maurice Bloch, Henry Lemesle et Bérillon, pour les communications inscrites à l'ordre du jour.

M. le Dr Paul Farez présente à la Société l'ouvrage posthume de Durand de Gros: Questions de philosophie morale et sociale.

M. le Président met aux voix les candidatures de MM. de Framond, avocat à la Cour d'appel, et Grollet, médecin-vétérinaire. Ces candidatures sont adoptées à l'unanimité.

La séance est levée à 6 h. 40.

Onanisme et onanomanie

Par M. le docteur Maurice BLOCH

Mile M... est âgée de 27 ans ; ses antécédents héréditaires sont assez chargés: la mère aurait eu pendant sa grossesse plusieurs attaques de nerfs, suivies de perte de connaissance.

Les crises de masturbation, qui se sont révélées de très bonne heure, semblent se règler dès l'âge de treize ans ; à partir de cette époque, en effet, elles se montrent trois fois par an durant une période de 15 à

20 jours.

Plus tard, elles n'ont plus lieu qu'une fois par an, sauf dans les deux dernières années où elles ont éclaté à trois reprises différentes. Comme toujours, en pareil cas, elles sont suivies de fatigue intellectuelle et de prostration générale.

Quelques jours avant la crise, Mile M... est agitée et cherche querelle à tous ceux qui l'entourent; à cette agitation succède ordinairement une accalmie de 24 heures, au bout de laquelle elle éprouve le besoin de se masturber.

Elle résiste d'abord assez facilement pendant deux ou trois jours; mais l'excitation devenant plus intense, elle entre bientôt en crise et se livre à la masturbation pendant quinze jours consécutifs, en se servant non de ses doigts, mais de ses cuisses qu'elle rapproche sans cesse à l'aide de petits mouvements d'adduction. Dans l'intervalle de ses crises, la malade est très malheureuse et a horreur d'elle-même.

Je me suis demandé au sujet de cette observation, s'il ne serait pas. logique de dédoubler la masturbation en périodique et apériodique ou mieux encore en onanisme et onanomanie, et à ce propos je serais tenté

d'établir une comparaison entre le cas que je viens de décrire et la dipsomanie.

En effet, quels sont les caractères qui ont fait distinguer la dipsomanie de l'ivrognerie? Ce sont :

1o Le retour de l'accès, plus ou moins périodique, une, deux, trois fois

par an;

2o La répugnance du malade pour ses accès auxquels il ne peut se soustraire et dont il a parfaitement conscience;

3o Le changement de caractère, tristesse, dégoût, irritabilité avant l'accès;

4° L'incurabilité de ces accès comparativement à l'ivrognerie qui peut se modifier.

Or, tous ces caractères se retrouvent chez ma malade : c'est une masturbatrice à périodes presque fixes et dont l'accès dure chaque fois le même laps de temps; elle a horreur de son vice; ses accès sont réguliérement précédés de phénomènes généraux ; c'est une incurable et une dégénérée.

Je ne pense pas que ces signes se retrouvent avec la même netteté chez les masturbatrices ordinaires.

J'ignore si des faits analogues ont déjà été rapportés et je serais heureux que la Société voulût bien m'éclairer à ce sujet.

Discussion

M. Jules VoISIN. L'onanisme se rencontre fréquemment à l'état périodique chez les idiots et les imbéciles. Le cas que nous rapporte M. Bloch, est celui d'une vraie maladie mentale s'accompagnant pendant quelques jours de symptômes prodromiques (changement de caractère, diposition mélancolique) et arrivant chez une personne intelligente. Le rapprochement qu'il fait entre l'état mental de la malade et celui d'une dipsomane est exact. C'est une forme de folie héréditaire essentiellement intermittente et paroxystique. La malade a conscience de son état, mais elle ne peut faire autrement. Elle se sent poussée d'une manière invincible à cet acte et sa volonté succombe devant l'obsession qui la domine.

M. BERILLON. M. Bloch considère ces accès d'onanomanie comme incurables. Le mot incurable ne peut être prononcé tant que tous les modes de traitement n'ont point été employés; or, par l'hypnotisme, j'ai obtenu des guérisons dans des cas analogues et même, certaines fois, en une seule séance. Chez ces malades, l'onanisme est, dit-on, irrésistible; or, précisément, l'hypnotisme permet d'organiser la résistance à cette impulsion.

M. PAU DE SAINT-MARTIN.

J'ai observé jadis, en Afrique, un sousofficier qui, tous les mois, avait pendant trois jours une crise d'onanisme, toujours consécutive à un rêve sanglant. Il n'y avait chez lui ni dégoût de lui-même, ni essai de résistance, c'était presque l'équivalent d'une période menstruelle.

Vomissements gravidiques incoercibles et ptyalisme
guéris par suggestion

Par M. le Docteur Paul FAREZ.

Mme P... est mariée et mère de deux enfants, dont l'aîné a huit ans et l'autre six. Elle a eu ses règles pour la dernière fois le 23 mars. Comme elle ne les voit point revenir en avril, elle craint d'être enceinte et se lamente à la pensée qu'un nouvel enfant pourrait lui survenir. Elle recourt alors à tous les emménagogues dont elle a entendu parler dans son entourage, bains de pied sinapisés, café très fort avec beaucoup d'alcool, absinthe pure, armoise, apiol, injections très chaudes, etc., et les règles n'apparaissent pas.

Dès les premiers jours du mois de mai, elle est prise de vomissements qui reviennent à intervalles de plus en plus rapprochés; bientôt elle vomit ses aliments à chaque repas, mais elle supporte encore le lait.

Enfin, quand elle vient me voir, au commencement du mois de juin, elle ne tolère même plus le lait; depuis quatre ou cinq jours, elle est inévitablement prise de vomissements toutes les fois qu'elle tente d'ingurgiter quoi que ce soit.

En outre, elle est atteinte d'un ptyalisme extrêmement abondant; elle ne cesse pour ainsi dire pas de cracher, si ce n'est pendant la nuit. Le jour où elle vient me voir pour la première fois, ayant constaté que plusieurs personnes doivent passer avant elle, elle n'ose rester et attendre son tour, de peur d'être obligée d'inonder mon parquet de salive; elle sort donc et va avec son mari dans un café voisin attendre la fin de ma consultation. Dans ce café elle a tellement craché qu'elle a fait autour d'elle une mare dont elle a honte, mais qu'il lui a été impossible, dit-elle, de ne pas faire Un fait, toutefois, est à noter: pendant qu'elle me parle et m'expose son état, son ptyalisme est comme suspendu ; elle a craché seulement deux fois (et cela dans son mouchoir) pendant les trois quarts d'heure qu'a duré notre entretien.

Sans méconnaître le très mauvais état de son tube digestif, je ne puis tout de même pas songer à prescrire des médicaments, car il est bien certain qu'elle les vomira. Le plus pressé est de lui supprimer ses vomissements et je n'hésite pas à le tenter en faisant appel aux seules ressources de la suggestion.

Je fais donc à cette femme une bonne séance d'électricité statique ; je lui explique qu'à la suite de cela ses vomissements vont devenir moins fréquents et qu'après plusieurs séances semblables ils auront tout à fait disparu ('). Je lui donne alors rendez-vous pour le surlendemain.

Au jour dit, on me fait savoir que la malade est incapable de venir me voir et l'on me demande de me rendre auprès d'elle. Je la trouve au lit, exténuée, épuisée. Près d'elle, un bol de taille respectable est rem

(1) Ce cas est à rapprocher de celui que j'ai publié dans le n° de décembre 1901. La technique a été sensiblement la même.

pli de ce liquide mousseux qui, presque sans cesse, s'échappe de ses lèvres. Depuis l'avant-veille, elle a encore vomi pas mal de fois, mais elle a pu supporter la boisson que je lui avais prescrite, à savoir un œuf bien battu à neige et délayé dans du lait froid.

N'ayant plus de machine statique à ma disposition, je modifie mon. traitement suggestif. Je délimite soigneusement au phonendoscope les contours de l'estomac et, dans la région comprise à l'intérieur de la ligne courbe tracée au crayon dermographique, j'étends une abondante couche de collodion au bleu de méthylène. Au bout de deux jours, je renouvelle cette application après ce deuxième badigeonnage, les

vomissements ont complètement disparu.

Encouragé par ce succès, j'essaye d'arrêter aussi le ptyalisme. J'explique à la malade que tout ce liquide qu'elle crache lui vient des glandes salivaires et que, si j'agis sur ces dernières avec la même mixture, je diminuerai de plus en plus leur sécrétion, laquelle ne tardera pas à redevenir normale.

Je badigeonne donc avec mon collodion au bleu de méthylène les régions cutanées qui répondent aux glandes parotides et sous-maxillaires. J'annonce que ce large collier bleu va exercer son action curative pendant la soirée et toute la nuit suivantes, puis que, le lendemain matin, la malade constatera avec bonheur une très notable atténuation de son ptyalisme. Celui-ci, en effet, dès le lendemain même, a beaucoup diminué et il est devenu tout à fait insignifiant après la troisième application.

Il va sans dire qu'une fois les vomissements supprimés et la tolérance stomacale rétablie, je me suis attaché à traiter les troubles gastro-intestinaux (antifermentescibles, antiputrides, antiseptiques, absorbants, laxatifs, lavements, etc.) L'état du tube digestif n'est redevenu normal qu'après plusieurs semaines, alors que les vomissements et le ptyalisme avaient été en quelques jours jugulés par la suggestion.

Le collodion au bleu de méthylène joue, on le voit, un grand rôle en thérapeutique psychique. La coloration intense qui dure plusieurs jours frappe le malade qui croit à la persistance constante d'une action médicamenteuse. Quant au collodion, il provoque par sa rétraction une gêne et, parfois même, une petite douleur qui ramène à chaque instant la pensée du malade sur la suggestion qui lui a été faite. J'ai eu aussi des succès avec le collodion coloré en jaune par l'acide picrique.

* *

Post-Scriptum. Lorsque j'ai vu cette malade pour la première fois, je n'ai fait aucun examen obstétrical et je me suis bien gardé d'affirmer la réalité d'une grossesse. Je pouvais, en effet, me trouver simplement en présence d'un de ces nombreux cas de pseudo-grossesse, avec aménorrhée, par crainte de la maternité. Ultérieurement, les bruits du cœur du foetus ont été nettement perçus ; il s'agissait donc bien, dans le cas actuel, de vomissements gravidiques.

COURS ET CONFÉRENCES

Paroxysmes d'angoisses, épilepsie et hystérie (1)
par M. le Professeur RAYMOND

I

Notre premier malade est âgé de 52 ans; il exerce la profession de mécanicien. Depuis huit ans, il a des crises qui se sont aggravées, il y quelques semaines. Il se trouve mal à l'aise, il tremble de tout le corps et voit les objets s'éloigner, puis, brusquement, instantanément, il éprouve un choc du côté du cœur, des palpitations surviennent et, souvent, il perd tout à coup connaissance. Après cela il ressent un impérieux besoin de dormir et son sommeil dure pendant 7 ou 8 heures. Au réveil, il se sent très fatigué. Il n'a pas uriné sous lui et ne s'est pas mordu la langue. D'autres fois, ce sont seulement de petites crises: les mains tremblent, les objets s'éloignent ou se rapprochent et notre homme est pris d'une faim vorace, bien que, d'ordinaire, il mange très peu. Parfois cet impérieux besoin de manger constitue toute la crise. Il s'agit ici de mal comitial tardif, lequel débute à vingt, trente, quarante, soixante ans; ...je l'ai même vu débuter à quatre-vingts ans passés. Cette épilepsie a une signification assez grave; elle est liée à l'artériosclérose et on l'a vue causer la mort sur la voie publique.

Notre malade est fils d'une mère hypocondriaque, morte à la Salpêtrière; un de ses cousins-germains présente des crises convulsives. Il a été très bien portant jusqu'à douze ans. A cet âge, il fait une fièvre typhoide grave qui dure trois mois et s'accompagne de délire ic', comme ailleurs, le délire est en raison de l'hérédité.

Parvenu à l'âge d'homme, il se tourmente de tout et s'exagère ses sensations; de plus, il croit qu'on lui en veut fils de triste, il reste triste toute sa vie. Comme il est instruit et intelligent, il s'abandonne aux spéculations métaphysiques; depuis huit ou dix ans, il se torture à résoudre le problème des causes finales; perpétuellement il se demande ce que c'est que l'homme, pourquoi il est venu sur la terre; ce qu'il deviendra, etc. En proie à ses idées obsédantes, à ses scrupules, à ses doutes, à ses craintes, il s'angoisse tout seul, il a des battements de cœur; puis, un beau jour, il perd connaissance.

On se demande si l'angoisse sur un terrain d'hérédité et d'artériosclérose n'a pas pour aboutissant le mal comitial ou même si le paroxysme d'angoisse n'est pas déjà de l'épilepsie. Les accidents d'épilepsie tardive sont peut-être ainsi la résultante des progrès de l'âge sur un terrain prédisposé.

Le traitement de l'épilepsie, on le sait, consiste à donner du bromure.

(1) Présentation de malades faites à la Clinique des maladies du système nerveux à la Salpêtrière.

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