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teurs, le fruit de leurs travaux personnels. Cette innovation est certainement excellente, aussi a-t-elle été fort bien accueillie par les auditeurs.

* * *

Nous donnons ici les quelques paroles prononcées par M. Albert Robin:

Mon cher Huchard,

Messieurs,

Permettez au collègue qui tient votre œuvre scientifique en légitime admiration, au médecin qui a eu l'occasion d'apprécier à tant de reprises votre haute valeur professionnelle, à l'ami qui vous a voué depuis si longtemps une inaltérable affection que les années, les longues années dissolvantes, n'ont fait que grandir, permettez, dis-je, de vous exprimer tout l'intérêt avec lequel j'ai écouté et je suis sûr de n'être démenti par aucun de vos auditeurs, en disant, nous avons écouté votre magnifique leçon. Voilà de la vraie pratique, voilà de la vraie médecine!

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Vous m'avez fait le très grand honneur de citer mon nom parmi ceux des ouvriers de la renaissance thérapeutique qui marquera, je l'espère, l'aurore du siècle actuel : je vous en remercie. Comme vous l'avez dit en une de ces formules lapidaires que vous savez si bien trouver et exprimer à la méditation sur la mort, qui forme le fond de l'enseignement officiel, il faut substituer la méditation sur la vie; ne pas faire de la lésion le substratum de la maladie, mais bien la considérer comme une étape, un incident ou un résidu de celle-ci et, par conséquent, ne pas l'attaquer directement, mais traiter le trouble fonctionnel dont elle n'est fréquemment que la conséquence.

Vous ne définissez pas la médecine comme les classiques modernes qui l'appellent l'art de connaître les maladies; je suis sûr que vous dites: la médecine est l'art de connaître les maladies dans le but de les guérir, rendant ainsi à la thérapeutique, la place qu'elle n'aurait jamais dû perdre. Cette thérapeutique, jouet des doctrines, qui n'est plus enseignée à l'Ecole, exclue des concours, même du concours des hôpitaux, qui est à ce point dédaignée que les chirurgiens s'emparent aujourd'hui d'une partie de notre incontestable domaine. Vous continuez à la tenir comme le but suprême de la médecine.

Vous renouez la tradition interrompue des maîtres disparus à qui nous devons le meilleur de notre initiation, de Germain Sée, de Gubler, pour ne citer que les derniers, et c'est pour cela que je m'associe de toutes mes forces aux applaudissements de vos auditeurs. Vous serez applaudi encore par tous ceux qui aiment la médecine, qui demeurent croyants en thérapeutique et qui gardent inscrite dans leur pensée en ineffaçables caractères cette sublime parole du père de la médecine : « C'est une œuvre divine que de guérir les malades, de savoir calmer la souffrance humaine et de garder son cœur ouvert à la pitié. »

L'Administrateur-Gérant : ED. BÉRILLON

Paris. Imprimerie A. QUELQUEJEU rue Gerbert, 10.

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La chaire de Psychologie expérimentale au Collège de France, vacante par suite de la retraite volontaire de M. le professeur Ribot, vient d'échoir à M. le Dr Pierre Janet. Celuici avait déjà, pendant plusieurs semestres, suppléé M. Ribot; sa carrière scientifique et ses travaux spéciaux le désignaient plus que tout autre pour cette succession; aussi sa nomination est-elle universellement approuvée dans le monde philosophique et médical.

Le nouveau professeur du Collège de France n'a que quarante-cinq ans. Ancien élève de l'Ecole normale supérieure, brillant agrégé de philosophie, il va d'abord professer au lycée du Havre. Dans cette ville, il se livre, en compagnie du regretté Dr Gibert, à l'étude des maladies nerveuses, en particulier de l'hystérie et de l'hypnotisme. En 1889, il soutient devant la très libérale Faculté des Lettres de Paris une thèse de doctorat qui fait époque; l'Automatisme psychologique, en effet, est une œuvre considérable d'érudition, de fine analyse et d'expérimentation vraiment scientifique.

Nommé professeur de philosophie dans les lycées de Paris, M. Pierre Janet termine ses études médicales, devient un assidu du service de Charcot et dans sa thèse de doctorat en médecine expose magistralement l'Etat mental des hystériques. Directeur du Laboratoire de psychologie de la Clinique des maladies nerveuses à la Salpêtrière, il publie, en 1898, en collaboration avec M. le professeur Raymond, Névroses et idées fixes, deux gros volumes bourrés de faits cliniques, d'observa

tions psychologiques, de mesures graphiques et d'applications thérapeutiques de l'hypnotisme.

Nous n'avons pas oublié que M. le professeur Pierre Janet fut un des membres fondateurs de la Société d'hypnologie et l'un des premiers collaborateurs de la Revue de l'Hypnotisme; il fut, en outre, membre du comité d'organisation du premier Congrès international de l'hypnotisme de 1889. En 1900, les adhérents de notre deuxième Congrès n'eurent qu'à se louer de la bienveillance et de l'affabilité avec lesquelles il leur fit visiter le Laboratoire de psychologie de la Salpêtrière, ainsi que le musée Charcot et leur présenta quelques malades des plus intéressants. Aussi est-ce, pour tous les rédacteurs de cette Revue, un très agréable devoir d'adresser au nouveau professeur du Collège de France les félicitations les plus vives et les plus sincères.

La psychothérapie et la suggestion vigile
Par M. le Dr SPEHL, professeur à l'Université de Bruxelles

Dans l'enseignement Universitaire on a aussi semblé ignorer jusqu'ici les résultats de la psychothérapie; et pourtant, qu'on le veuille ou non, elle pénètre chaque jour, davantage dans la pratique médicale et, dès maintenant, elle y tient une place assurément plus importante que ces innombrables médicaments qui, à côté de quelques moyens et remèdes vraiment sérieux, encombrent de plus en plus la thérapeutique moderne, et dont l'effet curatif est si problématique et le mode d'action plus obscur encore !

Ceci nous remet en mémoire cette boutade d'un vieux professeur, très savant et très distingué, de l'Université de Heidelberg: « qu'un médecin ne devenait réellement fort que lorsqu'il pou<< vait inscrire sur l'ongle de son pouce tous les médicaments << dont il se servait! »

Le thérapeute ne doit pas se borner à nier des faits nettement établis, par ce seul motif qu'ils paraissent extraordinaires, et qu'ils détruisent certaines légendes admises depuis toujours et passées à l'état d'axiomes qu'on ne discute et ne vérifie plus; l'entêtement et la routine sont absolument contraires au véritable esprit scientifique, et n'empêchent heureusement pas la science de progresser quand même; et, en ce qui concerne

la difficulté d'expliquer certains faits, que l'on veuille bien ne pas oublier que « la plupart des phénomènes naturels sont plus ou moins inexplicables, et cependant la science ne les nie pas (1) ».

Le vrai rôle et le devoir du clinicien consistent, à notre avis, à s'incliner devant les faits bien observés, quels qu'ils soient, mais à chercher en même temps à les comprendre et à les interprèter le plus logiquement possible, afin de pouvoir les utiliser lui-même pour le plus grand bien des malades; c'est la tâche que nous nous sommes imposée, sans aucune prétention d'ailleurs, et c'est le résultat de nos observations qui fait l'objet de ce cours. Charcot a dit avec infiniment de raison: «<le miracle thérapeutique a son déterminisme, et les «<lois qui président à sa genèse et à son évolution commencent « à être suffisamment connues, pour que l'ensemble des <«< faits qu'on englobe sous ce vocable n'échappent plus à notre appréciation (2) ».

Quant à la méthode que nous avons adoptée dans nos recherches, elle diffère essentiellement de celle qui a été suivie par la plupart de nos devanciers. Ceux-ci ont surtout étudié les phénomènes de la suggestion sur des objets choisis, facilement hypnotisables, bien entraînés, parfois même dressés, peut-on dire, dans un but de démonstration; puis ils ont trop souvent voulu généraliser ce qui, en définitive, n'avait été constaté que chez quelques malades, très intéressants sans doute, mais absolument exceptionnels. C'est ce que l'on peut appeler l'hypnotisme de laboratoire et certainement il a rendu d'immenses services, car il a été le point de départ de tous les travaux actuels, mais c'est l'opposé de la psychothérapie..

Nous ne nous sommes pas confiné dans l'étude systématique de l'hypnotisme; nous nous sommes efforcé de faire de la thérapeutique psychique, et nous avons utilisé la suggestion dans le seul but et avec l'unique intention de guérir. Nous, qui sommes le partisan le plus sincère et le plus convaincu de la méthode expérimentale, nous n'avons pourtant soumis aucun de nos patients à une expérience proprement dite, et cela pour plusieurs raisons: d'abord, le médecin ne dispose

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pas, à notre avis, du droit d'appliquer la suggestion expérimentale à ses malades, même avec leur consentement, soit à l'hôpital, soit dans sa clinique, soit dans sa clientèle privée. Ensuite nous pensons qu'en matière de psychologie, il faut être très circonspect dans l'interprétation de certains phénomènes provoqués de nature essentiellement subjective, et qui n'offrent pas toujours toutes les garanties nécessaires pour inspirer une conviction complète. Nous citerons comme exemples, les expériences sur la suggestibilité, sur l'hypnotisation à distance, sur la suggestion posthypnotique, sur l'extériorisation de la sensibilité, sur le dédoublement de la personnalité, etc.

Dans cet ordre d'idées, et sans vouloir remettre en doute ce qui est définitivement acquis et surabondamment démontré, nous sommes cependant d'avis qu'en général, l'observation d'un fait d'ordre psychique non provoqué expérimentalement, mais surpris pour ainsi dire, et nettement constaté, chez une personne quelconque ne remplissant pas le rôle de « sujet », est plus probante que les résultats artificiellement obtenus, sous le sommeil hypnotique, dans des conditions où l'élément subjectif intervient d'une manière exclusive et échappe à toute vérification comme à tout contrôle.

Nous avons donc scrupuleusement observé et noté les phénomènes que nous avons eu l'occasion de constater, soit chez des personnes considérées comme normales, soit chez les malades dont le traitement nous a été confié à l'hôpital, ou qui ont réclamé nos soins dans notre pratique privée; nous les avons ensuite classés et comparés, et de cet examen se sont dégagées un certain nombre de conclusions positives concernant, les unes, la psychologie générale, les autres la psychothérapie proprement dite. Parmi ces dernières, nous en signalerons immédiatement quelques-unes:

1. La suggestion agit très activement dans toutes les maladies quelles qu'elles soient, organiques ou fonctionnelles (maladies infectieuses; affections cardiaques; maladies plus ou moins graves du tube digestif, comme l'ulcère de l'estomac par exemple; troubles de la nutrition générale, comme la chloro-anémie, le diabète; tuberculose pulmonaire au début ; certaines maladies de la peau; maladies organiques consécutives à une dépression morale; maladies nerveuses centrales ou périphériques, etc.)

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