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de faits qui corroborent cette opinion. Nous nous bornerons à en citer un seul exemple, très frappant :

M. D..., sous-officier d'administration à Vincennes, âgé de 22 ans, vient nous trouver pour nous demander de le guérir de ses habitudes d'alcoolisme.

Il n'a commencé à boire que depuis quelques mois. Etant très timide, il a commis quelques bévues dans son service, de ce fait il a subi quelques réprimandes d'un de ses supérieurs. Depuis lors, la présence de ce supérieur provoque chez lui de véritables états d'anxiété : quand il est interrogé par lui, il se trouble, il tremble, il balbutie. Il s'est aperçu que le seul remède à cet état était l'absorption d'une certaine quantité d'alcool. Après avoir pris quelques petits verres, il recouvrait toute son assurance. Il n'a pas tardé à contracter l'habitude de boire.

En résumé, chez tous les buveurs d'habitude que nous avons observés, nous avons constaté l'existence d'un état d'aboulie très manifeste. Il est vrai que cette aboulie existait fréquemment d'une façon relative ayant l'apparition des habitudes d'intempérance, mais toujours sous l'influence d'un choc moral, d'un événement ayant mis en jeu l'émotion d'une façon anormale, cette aboulie s'est aggravée et accentuée et c'est de ce jour que l'individu est devenu un buveur d'habitude.

La conclusion est que le traitement rationnel doit consister dans la rééducation de la volonté, réalisée avec l'aide de la méthode hypnosuggestive.

PSYCHOLOGIE ANIMALE

L'intelligence des ours blancs.

M. le docteur Oscar Orlitzky, de Moscou, nous adresse la relation suivante :

<< Pendant un voyage que je fis sur l'Océan glacial arctique, il m'est arrivé de visiter la « Nouvelle Zemble ». Cette triste île, couverte de collines pierreuses, paraît être oubliée du reste du monde.

« Les ours blancs, les phoques, les morses, les otaries sont presque les seuls habitants de ces espaces immenses. Toutefois, il y a quelques années, le gouvernement russe y a envoyé une colonie composée de soixante Samoyèdes environ, qui y chassent et y pêchent.

« Pendant près de neuf mois, entourés de glaces, de neiges et de ténèbres, ils ne communiquent pas avec la terre; en été, au commencement et à la fin de la navigation, on leur envoie un bateau à vapeur avec des comestibles, et tout ce qui leur est indispensable pour vivre; en échange les Samoyèdes livrent tout leur butin, composé de poissons, d'ours blancs, de morses, de phoques et d'otaries, capturés pendant l'hiver.

« Ayant passé quelque temps au milieu de ce peuple primitif et

presque sauvage, j'ai pu remarquer en lui une grande finesse d'observation, qui le rend prudent, circonspect et habile. Très souvent inquiétés par les ours blancs qui rôdent autour de leurs habitations et qui montent pendant la nuit jusque sur les cabanes, les Samoyèdes sont devenus de bons tireurs. J'ai connu un jeune Samoyède de onze ans, qui, bien que borgne, tuait son ours à chaque coup.

En outre, les Samoyèdes connaissent en détail la vie des ours blancs. Ils en savent mieux, que tous les naturalistes, les habitudes et les ruses. Comme l'ours blanc aime à s'en aller par les glaçons dans la mer, les Samoyèdes, qui connaissent son manège, suivent ses traces; mais l'ours blanc, devinant à une grande distance la poursuite des chasseurs, casse la glace avec sa patte, plonge dans la mer et nage sous le glaçon à la rencontre des chasseurs ; quand il a rejoint et dépassé ces derniers, il casse de nouveau le glaçon et fuit rapidement le danger qui le menaçait. Tandis que les chasseurs, ne soupçonnant pas la manœuvre de l'animal, continuent à suivre ses traces; ils arrivent alors au trou fait par l'animal dans la glace et ils comprennent que l'ours les a joués.

« Pendant la chasse aux phoques, les ours blancs ont recours à une autre ruse.

« Les phoques remarquent de loin l'ours blanc rien qu'à son museau, dont le bout est foncé, mais ils ne peuvent pas apercevoir son corps, lequel, étant blanc, se confond avec la neige. L'ours blanc, ayant pour ainsi dire conscience de cette particularité, cherche un morceau de glace, en masque le bout de son museau et, de cette manière, se glisse vers les phoques, alors il se débarrasse du glaçon et saisit sa proie, avant que celle-ci ait soupçonné l'approche de son ennemi.

« Je ne sache pas que, jusqu'à présent, aucun naturaliste ail fait ou publié cette curieuse observation. »

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La jeune fille que voici n'a pas les cheveux très longs, mais, au moins, ce sont les siens. Il y a quelques mois, quand elle est venue pour la première fois, elle avait une magnifique chevelure blonde, — mais qui n'était pas à elle. Lorsqu'elle enlevait cette fausse perruque, elle découvrait un crâne lisse sur presque toute sa surface; d'immenses plaques étaient totalement dépourvues de cheveux; de loin en loin émergeaient de petites touffes de cheveux en brosse.

(1) Présentations de malades faites à la Clinique des maladies du système nerveux à la Salpêtrière.

On a soigné cette malade à St-Louis pour la pelade; pendant quatre ans de suite, elle a accepté docilement toutes les frictions et tous les médicaments qu'on lui a prescrits. Sa santé générale est restée bonne. Or ce n'est pas de pelade qu'il s'agit.

Un beau jour, on découvre la vérité : cette jeune fille s'épile! C'est un véritable tic qui apparaît par accès: elle éprouve, d'abord, des agitations dans les bras et dans les jambes, puis une grande angoisse; alors survient l'idée obsédante de s'arracher les cheveux; elle n'a pas la volonté de s'opposer à cet acte, elle l'accomplit et aussitôt après elle sent un grand soulagement.

A l'âge de cinq ou six ans, cette jeune fille avait déjà manifesté le besoin de se tirer le nez, les oreilles, les ongles, les cheveux, puis de déchirer ses mouchoirs et ses robes; enfin toutes ces manies se sont concentrées dans celles de l'épilation.

Une première fois, nous l'avons remontée et rééduquée : elle est restée trois mois sans s'arracher les cheveux. Depuis quelques semaines, elle a recommencé; elle se les éclaircit, comme elle dit. Pour la guérir à nouveau, nous donnerons à sa volonté ce qui lui manque pour vaincre l'obsession.

Dans un cas comme celui-ci, le développement de l'enfant s'effectue en apparence normalement; mais les fonctions supérieures du système nerveux, l'attention et la volonté surtout, font défaut. S'agit-il d'accomplir un travail, l'enfant n'en a ni la volonté ni le pouvoir; il ne présente que de l'agitation stérile, sans but déterminé; la rumination mentale et l'angoisse font appel au trouble moteur automatique.

Les tics qui apparaissent dès les premières années sont un signe de psychasthénie: l'enfant est marqué au sceau de la dégénérescence. Si on le gâte, si on l'élève mal, si l'on satisfait tous ses caprices, il aura non plus seulement des tics et des manies, mais des idées fixes et des obsessions; il versera dans la folie morale. Si, au contraire, on l'éduque bien, si on lui applique une bonne pédagogie, si l'on tonifie son système nerveux, si l'on remonte sa volonté, on fera qu'il soit le moins psychasthénique possible,

* *

Voici une jeune femme de 22 ans qui, depuis sept mois, présente de grandes crises; elle en a eu plusieurs, tout à l'heure, quand elle est entrée dans la salle de consultation.

Ces crises comportent quatre périodes. C'est d'abord une aura prémonitoire la malade est énervée et voudrait bien casser quelque chose. Puis, elle jette un cri, tombe à terre, décrit un grand arc de cercle, avec une série de salutations. Ensuite vient une courte période de calme. Enfin se déroule un délire émotif : elle voit des animaux, surtout des rats, des chiens, des serpents qui la poursuivent et la mordent violemment ; elle conserve, par la suite, le souvenir de ces morsures.

Cette zoopsie fait penser à l'éthylisme. Or cette femme est très sobre.

D'ailleurs l'examen détaillé de la malade, les caractères de la crise et la genèse des accidents montrent qu'il s'agit d'autre chose : ce délire reproduit un état émotionnel dans lequel elle s'est trouvée placée.

Elle présente une sorte d'analgésie généralisée, peu prononcée, il est vrai, puis de l'hypoesthésie à gauche et du rétrécissement du champ visuel, également à gauche. En outre, elle a déjà eu des crises analogues, il y a deux ans.

Elle est fille d'un père à la fois épileptique et alcoolique. Toute jeune, elle s'est montrée nerveuse et a eu des peurs morbides. Réglée à 13 ans, mais très irrégulièrement depuis, elle a eu quelques troubles digestifs et de l'anorexie.

A 19 ans, elle devient enceinte. Son enfant meurt à l'âge de huit mois; pendant quelque temps elle a des crises de nerfs, puis elle revient à peu près à l'état normal.

Il y a un an, elle fait la connaissance d'un sous-officier. Celui-ci est très jaloux et veut savoir ce que fait sa maîtresse. Comme elle parle, la nuit, en dormant, il en profite pour lui faire raconter tout ce qu'elle fait pendant la journée; elle ne dévoile d'ailleurs rien que de très régulier et, au réveil, ne conserve aucun souvenir de ces interrogatoires.

Ce sous-officier est bavard et fanfaron; à la caserne, il raconte ses bonnes fortunes. Un autre sous-officier se dit alors : « Puisqu'elle est hypnotisable, je vais tâcher d'en profiter. » Il l'hypnotise en effet et devient son amant.

Voilà donc cette femme prise entre ces deux hommes, chacun d'eux lui faisant la suggestion de ne plus revoir l'autre, si bien qu'ils arrivent à la détraquer. Cette personne, qui avait une petite teinte d'hystérie, est ainsi devenue la victime de ses hypnotiseurs d'occasion.

Or, si l'hypnotisme, manié par des médecins consciencieux et habiles, est un merveilleux agent de thérapeutique, il peut devenir dangereux lorsqu'il est employé par des amateurs qui manquent d'expérience qui ne savent pas où ils vont et sont incapables de limiter leur action.

Ainsi ballottée de l'un à l'autre, cette femme a eu des idées de persécution; tout le monde lui veut du mal. Elle a fait de la folie hystérique. Cette jeune femme est entrée dans nos salles; l'action néfaste de ses deux sous-officiers s'est ainsi trouvée supprimée. Les premiers jours, elle a eu des crises très nombreuses avec cris perçants; au bout de quatre ou cinq jours, elle s'est trouvée rassurée et calmée.

Malheureusement l'un et l'autre lui ont écrit et lui ont fait ainsi de la suggestion par lettre; elle est, dans une certaine mesure, retombée sous leur influence et elle nous a quittés au bout de très peu de temps.

Elle va rentrer dans le service. On calmera son système nerveux; on lui fera de l'hypnotisme, mais du bon, de l'hypnotisme thérapeutique. Pour terminer j'insiste sur ce point: le délire de cette femme ne doit pas être mis sur le compte d'une psychose quelconque; c'est un accident hystérique causé par les méfaits de ses deux hypnotiseurs rivaux.

BIBLIOGRAPHIE

par M. le Docteur Paul FAREZ.

Questions de philosophie morale et sociale, par J. P. DURAND (De Gros),
avec une introduction de D. PARODI, Félix Alcan, 1901.

Il y a exactement un an ('), au sein même de cette Société, nous déplorions la perte d'un homme éminent dont la disparition mettait en deuil la science tout entière, mais plus particulièrement encore le monde. des hypnologistes et des psychologues. Pendant les dernières semaines de sa longue et laborieuse vie, Durand (de Gros) avait fait un dernier effort de production pour écrire un livre dont les feuillets épars, écrits souvent d'un premier jet, sans même parfois avoir été relus par leur auteur, viennent d'être pieusement recueillis et publiés par M. Parodi sous le titre de Questions de philosophie morale et sociale. L'occasion s'offre à nous de célébrer l'anniversaire de la mort de notre très regretté maître, non point par des cérémonies rituelles, mais en donnant une dernière fois la parole à cette voix d'outre-tombe. Aussi bien pour cet esprit passionné de vérité la plus grande joie et la plus solide récompense ont toujours été de voir ses opinions et ses idées étudiées, propagées, discutées.

Plusieurs fois déjà, ici même ou ailleurs, on a eu l'occasion de dire que Durand (de Gros) était de la lignée de ces grands penseurs qui furent indissolublement à la fois savants et philosophes, sans que jamais l'un de ces caractères fit tort à l'autre. Ainsi que l'avaient fait Aristote, Descartes Leibnitz ettant d'autres, Durand (de Gros), après s'être adonné aux sciences et les avoir fait étonnamment progresser sur plus d'un point (2), après avoir d'autre part affronté les problèmes les plus ardus de l'ontologie, se tourna vers le domaine de la morale et de la vie pratique. Le nouveau livre que j'ai l'honneur de vous présenter est la suite, le complément et pour ainsi dire la conclusion de ses deux derniers ouvrages: Nouvelles recherches d'Esthétique et de Morale et Variétés philosophiques. Nous y retrouvons l'ancien révolutionnaire de 1848, l'ancien proscrit du Deux Décembre, le démocrate militant qu'il a été toute sa vie. Avec une ardeur de conviction toute juvénile, il vient, sur des questions pratiques d'un intérêt palpitant, apporter les conseils et les solutions dictés à la fois par son expérience consommée, sa logique intrépide, sa passion désinté

(1) Cette présentation d'ouvrage, faite à la séance de novembre 1901 de la Société d'hypnologie et de psychologie, n'a pu pour diverses raisons être insérée plus tôt. (2) J'ai, à diverses reprises, exposé en détail les conquêtes scientifiques que nous devons à Durand (de Gros), notamment dans une conférence faite à l'Institut psychophysiologique, en janvier 1900 et dans les leçons que j'ai faites à l'Ecole de psychologie pendant le semestre d'hiver de 1901. P. F.

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