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III.

Excursion au lac Majeur.

Dès 7 heures 50 du matin, les Congressistes s'étaient donné rendez-vous, le mardi, pour prendre le train à la gare du Nord, train qui les emmenait, quelques instants après, vers les rives enchanteresses du lac Majeur, vers ces retraites où deux cités mirent leur front dans les eaux si calmes du lac: Pallanza et Stresa. Le voyage parut court, parce que les conversations allaient bon train. Sur le bateau qui promenait les invités, la Paix ne perdit pas ses droits. Bien des projets furent ébauchés, en particulier celui de former une ligue pour le désarmement des Alpes, dont M. Moch est le fondateur. Malgré un peu de pluie et de brouillard, l'excursion fut charmante, le déjeuner au grand Hôtel de Pallanza des plus somptueux. M. Moneta, M. le baron de Marchi, MM. Colajanni, Quidde, Novicow, Mlle Lund, M. Beauquier, y prirent la parole. La visite d'un ancien fort transformé en un musée de la Paix acheva de séduire les Congressistes, ravis de leur excursion. Le soir à 8 heures, les amis de la Paix rentraient à Milan pour prendre un repos bien gagné avant de reprendre leurs travaux du lendemain.

IV.

Réception au Commissariat anglais de l'Exposition.

Réception toute intime, toute familiale, comme savent en organiser les Anglais dans la douceur du home, le lendemain mercredi à 4 heures, au coquet pavillon du Commissaire anglais de l'Exposition, M. Aug. Serena. Ce fut un prétexte à bavardages, et tout se passa en de charmantes causeries, qu'interrompaient seulement les allées et venues des domestiques apportant thé, croquettes, café, chocolat, fruits variés.

On y coudoyait, dans les pièces devenues trop petites et sur les balcons pleins de fraîcheur et de fleurs, le maître Lombroso, son gendre Ferrero, les délégués anglais et américains, et les gracieuses collègues du sexe faible que les travaux du Congrès rendaient plus intrépides que jamais.

V.

Réception par la municipalité au Castello Sforzesco.

Puis ce fut cette fois entre les murs de l'antique Castello Sforzesco, le mercredi à 4 heures, que nous fûmes réunis à nouveau. Dans la cour ducale, un peu triste d'aspect, tout avait été fait pour ramener la gaîté entre ces murailles récemment restaurées, sur lesquelles le souvenir d'une sombre époque de l'histoire milanaise pèse encore lourdement. Dans un angle, la musique municipale avait préparé un brillant répertoire. A côté, sous une galerie, refuge de pierres tombales, la blancheur des nappes d'un buffet copieusement servi contrastait avec la teinte mélancolique des pierres et des briques.

Auparavant, un adjoint de la ville, M. Morpurgo, avait prononcé, dans la salle de la sculpture, un fort aimable discours de bienvenue. Puis les Congressistes se répandirent les uns dans les curieuses salles du premier étage, d'autres dans la cour, devenue jardin, d'autres enfin près du buffet, tandis que la musique municipale se faisait longuement applaudir, notamment dans une fantaisie sur Mignon.

VI.

Réception au Pavillon de la Paix à l'Exposition.

Il était juste que le Congrès rendît hommage aux efforts inlassables de M. Moneta, dans le Pavillon même de l'Exposition que, grâce à une persévérance peu commune, il parvint à édifier. Et certes ce petit temple de la Paix n'était pas le moins curieux ni le moins intéressant de l'Exposition de Milan.

Aux murs sont suspendus les portraits des pacifistes, celui de notre cher Ducommun, peint par Moscheles, ici Mme de Suttner, F. Passy, Gobat, là les Italiens qui furent les prédécesseurs ou les compagnons de Moneta, plus loin des graphiques, des statistiques, des reproductions de scènes de la dernière guerre russojaponaise, et tout au fond un immense tableau représentant les Horreurs de la guerre. Dans une petite bibliothèque, des travaux de pacifistes, l'ouvrage de Jean de Bloch; sous châssis, des autographes de pacifistes bien connus. Enfin, au centre la machine à voter, dont s'est entretenu le Congrès et servant à un referendum populaire. „Etes-vous pour la paix armée ou pour le Dés

armement progressif?" Voilà la question à laquelle chaque visiteur est invité à répondre, en confiant à la machine un vote dont le secret est absolument bien gardé.

VII.

Réception chez M. le ministre Tittoni.

Les membres du Bureau du Congrès se sont rendus, sur invitation, à la Villa de M. le ministre Tittoni, près de Milan, où ils ont été reçus de la façon la plus aimable et la plus cordiale.

VIII.

Réunions spéciales.

Des réunions intimes ont eu lieu pendant la semaine du Congrès entre pacifistes allemands et anglais, français et italiens, allemands et français. Les sentiments d'une loyale confraternité s'y sont manifestés et il s'y est créé des relations qui font bien augurer de l'avenir.

IX.

Le meeting public.

Nous devons dire quelques mots encore de l'imposante réunion publique organisée dans les salons de la „Permanente di Belle Arti“, 32, rue Principe Umberto. M. Moneta, qui présidait, porta successivement la parole à Mme Rosalie Gwis-Adami, à MM. F. Passy, Guglielmo Ferrero, Ch. Richet, Novicow et Quidde. Il nous faudrait reproduire chaque discours. Tous, en effet, soulevèrent les bravos enthousiastes de la foule nombreuse et attentive qui se pressait dans l'enceinte pourtant assez vaste. Tous manifestèrent leur intention de coopérer au travail d'union et de fraternité. Puis lecture fut donnée d'un nouveau drame de M. Ch. Richet, traduit en italien par Jn. Cappa. Ce dernier sut faire ressortir les beautés et les poignants épisodes des deux actes: La Paix et la guerre" et ce furent de chaudes ovations qui saluèrent l'auteur et le traducteur. Cette soirée restera l'une des plus profitables au parti de la paix et des plus utiles pour la propagande de nos idées.

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X.

Banquet d'adieu.

Quand il fallut se séparer, le Comité d'organisation voulut encore retenir ses amis quelques heures dans une agape dernière, autour de tables somptueusement dressées, au restaurant du Corso, l'un des plus beaux de la ville. Il fallut choquer encore une fois la coupe d'Asti et de Chianti.

Au fond de la salle, sur une estrade, un orchestre symphonique exécuta du Meyerbeer, du Verdi, du Massenet, du Mascagni, et du Mozart, tandis que les assiettes se remplissaient de mets succulents, dont le menu fournissait le détail.

Pendant le repas, par une nouvelle et délicate attention de l'Union lombarde, une plaquette représentant le Pavillon de la Paix fut offerte à chaque convive.

Alors M. Moneta prit la parole, un peu ému, pour remercier tous ceux qui étaient venus. M. F. Passy, à son tour, prononça l'adieu que nous ne voulons pas croire définitif, lui-même l'a promis, espérant se rendre encore l'an prochain à Munich.

M. Agnelli offrit à M. Moneta un album renfermant les signatures des Congressistes présents à Milan.

Enfin MM. Darby, Quidde, Novicow, Elie Ducommun, Giretti, G. Moch, Moscheles et Mme Lupati échangèrent de ces bonnes paroles qui reconfortent lorsque l'on s'en souvient aux heures de lutte ou de solitude, et lentement s'opéra la dislocation finale qui permet à chacun de regagner son pays natal. Mais il restera, nous en sommes sûrs, dans l'esprit de tous la douce image de ce Congrès, de ces réunions tenues à l'ombre de la majestueuse basilique de marbre, dont la silhouette nous hantera longtemps comme celle de la bonne et loyale figure de notre cher Moneta.

Ed. Spalikowski.

Résolutions du XVme Congrès universel de la Paix.

(Milan, 15-22 septembre 1906.)

Rapprochement fraternel des peuples.
Relations anglo-allemandes.

Le Congrès félicite de tout cœur le Comité qui s'est formé l'année dernière à Lucerne des succès remarquables obtenus par ses efforts en faveur d'une entente cordiale entre l'Angleterre et l'Allemagne.

Il exprime sa satisfaction de ce que ce mouvement est dû à l'initiative des Pacifistes réunis en cette occasion à Lucerne, et qu'il a pu atteindre des personnes jusqu'ici étrangères au pacifisme.

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Il est heureux de constater qu'à cette occasion le bon sens des gens raisonnables soit en Angleterre, soit en Allemagne. a pu triompher des machinations systématiques et malveillantes qui avaient pour but de créer de nouveaux malentendus entre les deux nations. Il considère que le rapprochement entre les deux pays, loin de nuire aux intérêts d'aucune autre nation, est au contraire de la plus grande importance pour le maintien de la paix universelle.

Relations franco-allemandes.

Le Congrès, félicitant les sauveteurs allemands qui sont venus spontanément au secours de leurs camarades français lors de la catastrophe de Courrières,

Espère qu'en un temps prochain les sentiments naturels d'humanité, plus forts chez les peuples que les préventions nationales et les rancunes historiques, exerceront une influence bienfaisante sur les gouvernements,

Et faciliteront ainsi entre les deux pays l'établissement souhaité d'un régime de paix et de droit, conforme tant à leur intérêt qu'à celui du monde civilisé.

Le Congrès propose aux Pacifistes allemands et français d'organiser en commun une manifestation pacifiste.

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