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le Luxembourg, la Suisse en fournissent la preuve. On pourrait donc neutraliser l'élément liquide. Le canal de Suez a été neutralisé, mais ce n'est qu'un commencement: il faut faire plus. Entre les Etats-Unis et l'Angleterre il existe un trafic considérable, qu'il convient de garantir pour qu'il ne soit pas à la merci de la première guerre maritime. La saisie des navires ne doit plus être pratiquée impunément.

Mme Belva Lockwood demande si, pendant la dernière guerre hispano-américaine, les vaisseaux américains n'avaient pas saisi les vaisseaux espagnols?

M. Chamberlain répond que le fait est exact; mais qu'il a été considéré comme honteux. Aussi conjure-t-il les Congressistes d'aider les hommes de commerce à défendre leurs droits. Il lit le projet de résolution suivant :

Considérant qu'il est prouvé que la neutralisation des Etats est une proposition pratique dans l'intérêt de la paix du monde et que ce principe a été appliqué avec succès aux Grands Lacs et à la rivière Saint-Laurent séparant les Etats-Unis du Dominion du Canada, au canal de Suez, et sera appliqué au canal de Panama entre les Océans Atlantique et Pacifique;

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Le Congrès estime comme digne de considération la proposition de l'Union des Chambres de Commerce du Massachussetts, adoptée par la Conférence du Lake Mohonk dans. sa session de juin 1906, de neutraliser les routes commerciales au travers de l'Océan Atlantique entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne et l'Europe, et recommande que cette proposition fasse l'objet des études des gouvernements du monde et des délibérations de la prochaine Conférence de la Paix."

Mme Belva Lockwood appuie cette proposition, en ajoutant que l'ouverture du canal de Panama nécessitera une neutralisation du Pacifique.

M. le comte de Cassano rappelle que cette discussion a déjà eu lieu à Rouen et qu'elle est à l'ordre du jour de la prochaine Conférence de l'International Law Association, qui se tiendra à Berlin en octobre 1907. Il prie donc les Congressistes d'appuyer par leur vote les quelques représentants ici présents qui prendront part à la Conférence.

M. F. Bajer occupe le fauteuil présidentiel, M. La Fontaine désirant répondre.

M. La Fontaine déclare que la question est très délicate et soulève le problème si fertile en discussions de l'inviolabilité de la propriété sur mer. Il faut bien toutefois ne pas perdre de vue qu'il ne s'agit ici que de la propriété privée des belligérants, celle des neutres étant désormais à l'abri de toute prise. L'orateur fait trois rapides objections à la proposition de M. Chamberlain, savoir : 1o Notre Congrès, s'il s'en occupe, va règlementer une question de guerre. Nous nous sommes toujours abstenus de le faire et nous n'avons jamais cherché à rendre la guerre plus aimable. Nous ne voulons que la rendre impossible. 2o La neutralisation des routes maritimes ne pourra pas supprimer le droit de visite et la saisie de la contrebande de guerre. Il faudra donc y souffrir la présence active de vaisseaux policiers et je réponds par avance à ceux qui verraient dans cette neutralisation une possibilité de désarmement naval On demandera, pour faire respecter la neutralisation, les forces que l'on demande pour combattre aujourd'hui. 3o Quant à la neutralisation d'une surface d'eau, elle est très difficile à établir. Pour éviter toutes contestations, c'est en réalité la neutralisation de toutes les mers qu'il faudrait obtenir. C'est la conséquence logique de la proposition de M. Chamberlain ? Oserez-vous aller jusque là sans crainte de provoquer des sourires?

M. Fried se rallie aux observations de M. La Fontaine et demande que la proposition de M. Chamberlain soit formellement repoussée. Si les populations ont peur, tant mieux! il faut que le spectre de la mort leur inspire des craintes salutaires.

M. Moch, qui traduit les paroles de M. Fried, réclame la même chose.

M. Clark déclare que la mesure proposée servirait non seulement aux Etats-Unis et à l'Angleterre, mais à l'Italie et à la République Argentine, qui ont un si grand trafic. Il faut étendre le projet. Actuellement les canons portent à 13 milles; demain ils porteront 3000 milles. Alors comment défendre la neutralité ? On croit que le canal de Suez est neutre, c'est une erreur. Qui a demandé d'ailleurs la neutralisation du canal, sinon l'Angleterre

dont le transit est de 80 %? Or, quand la guerre a été déclarée, l'Angleterre a foulé aux pieds la neutralité du Canal.

M. Alexander fait remarquer qu'à Rouen il s'agissait d'une autre question, de l'immunité de la capture; or, il se rallie à la proposition de M. de Cassano. Humaniser la guerre est, en effet, inutile, mais limiter les sphères de la guerre, c'est autre chose. Si l'Angleterre a besoin de neutraliser les mers, c'est qu'elle tire sa nourriture de toutes les parties du monde. En temps de guerre, qui souffre, sinon les pauvres gens? Aussi, pour défendre ces derniers et leur assurer la vie, il faut une flotte, mais une flotte de commerce protégée contre toute éventualité,

M. Quidde acceptera la proposition, en laissant de côté la mention de la Grande-Bretagne. Il pense, en effet, qu'il y a une grande différence entre humaniser la guerre et la restreindre. A son avis, toute restriction de la guerre est un hommage rendu aux idées pacifistes. On ne comprendrait pas que nous y fissions opposition. La proposition de M. Alexander est d'ailleurs conforme à des résolutions précédentes. On a recommandé dans les derniers Congrès de neutraliser l'air, de renouveler le traité qui interdit l'usage de certains projectiles. Le développement du droit politique dans le moyen-âge s'est fait de la même manière: on a neutralisé certaines localités (les routes de commerce, etc.) et certaines catégories de personnes avant de parvenir à supprimer définitivement le droit féodal qu'on appelait le „Fehderecht“.

M. Moch maintient sa manière de voir.

M. La Fontaine. La neutralité de la Belgique, dont la protection est si coûteuse pour mon pays, montre ce que coùtera la neutralité des mers.

M. Arnaud apporte une nouvelle rédaction, ainsi conçue :

„Considérant que la neutralisation constitue une étape vers la paix; que ce principe a été appliqué avec succès aux Grands Lacs et à la rivière Saint-Laurent séparant les Etats-Unis du Dominion du Canada, ainsi qu'au canal de Suez, et sera appliqué au canal de Panama entre les Océans Atlantique et Pacifique ;

„Le Congrès a pris connaissance avec satisfaction de la proposition de l'Union des Chambres de Commerce du

Massachussetts, adoptée par la Conférence du Lake Mohonk dans sa session de juin 1906, de neutraliser les routes commerciales au travers de l'Océan Atlantique entre l'Amérique et l'Europe,

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Et souhaite que la proposition de neutraliser toutes les grandes routes maritimes commerciales fasse l'objet des études des gouvernements et des délibérations de la prochaine Conférence de La Haye."

Il est décidé qu'on reprendra la discussion dans la séance de relevée.

La séance est levée à midi et demi.

CINQUIÈME SÉANCE

Mercredi 19 septembre, à 3 heures de l'après-midi,

Villa Reale.

Présidence de M. La Fontaine.

Ordre du jour.

Neutralisation des routes maritimes (suite).
Enseignement international.

M. Emile Arnaud relit sa proposition, approuvée par la Commission de Droit international réunie entre les deux séances. On ne peut, en effet, démontre-t-il, se désintéresser de cette question.

M. Boka voudrait que l'on se plaçât au point de vue de la propagande. Nous sommes en train de demander la sauvegarde absolue des intérêts matériels des commerçants pendant la guerre, leur en laissant ainsi tous les profits et les mettant à l'abri de tous les dommages et préjudices. Si on leur dit que leur négoce n'aura plus à souffrir dans l'avenir, ils se désintéresseront de la question pacifique. Les raisons pour lesquelles ils demandent timidement la paix et se joignent à notre effort n'existeront plus.

M. E. Arnaud. Si un jour les commerçants sont menacés dans leurs intérêts à cause de notre indifférence à leur égard, viendront-ils à nous? Leur cause, dans cette affaire, est celle de l'humanité, car elle est celle de la nourriture humaine.

M. Boka proteste, en disant que M. Chamberlain défendrait les intérêts particuliers de deux nations, l'Amérique et l'Angleterre, qui n'ont pas d'armées, ni les lourdes charges du service militaire obligatoire, et qui se désolidariseront de la cause com

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