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BIBLIOGRAPHIE

Guerre turco-russe, 1877-78.

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Suleyman-Pacha et son procès, par Faust-Lurion. Paris 1884. A la direction du Spectateur militaire, 39, rue de Grenelle-Saint-Germain. Prix : 4 fr.

Comme nous nous apprêtions à donner un compte-rendu détaillé de cette importante publication du Spectateur militaire, l'une des principales sources de la guerre de 1877-78, l'Armée française nous parvient avec une intéressante analyse de ce livre, jointe à de justes remarques, que nous prenons la liberté de soumettre à nos lec

teurs :

« Les journaux d'Orient annonçaient tout récemment que le héros de Chipka allait être rappelé de l'exil et remis en possession de ses grades et dignités; ce qui tendrait à prouver que, même à Constantinople, l'opinion publique finit toujours par arriver à l'oreille du souverain. A moins qu'il ne faille attribuer cet acte de justice tardive à cette circonstance que les intrigues des courtisans qui avaient obtenu la disgrâce d'Osman-Pacha, et perpétré la mise en jugement et la condamnation de Suleyman, aient lassé la patience du commandeur des croyants et arraché le bandeau qui couvrait ses yeux. Quoiqu'il en soit, nous ne pouvons qu'applaudir à cette réhabilitation du général qui, dans la guerre turco-russe, a sauvé, avec Osman-Pacha, le prestige de l'armée et de l'empire ottoman.

>> Suleyman-Pacha est né en 1838. Il quitta l'école militaire de Constantinople en 1860, avec le grade d'officier. Nommé capitaine, deux ans après, il fut envoyé dans le Monténégro où il se fit remarquer pour sa bravoure par Dervisch-Pacha, son divisionnaire. Sur la recommandation de ce général, il fut admis dans la garde impériale avec le grade d'adjudant-major.

» Lorsque éclata l'insurrection de Crète, Suleyman y fut envoyé avec son bataillon. Il prit part à tous les combats, et se distingua si bien par son courage et ses connaissances militaires qu'on lui confia, bien qu'il n'eût que le rang de major, le commandement d'une division à la tête de laquelle il empêcha un corps d'insurgés de pénétrer dans la capitale.

>> Sa nomination au grade de lieutenant-colonel fut le prix d'un brillant fait d'armes avec 300 rédifs, il quitta furtivement le camp d'Ahmet-Ejub et se glissa jusqu'aux positions fortifiées occupées par le chef des insurgés, Coraka, sur le mont Nova. Il incendia le bois de Nova et le feu se communiqua au camp des insurgés qui se dispersèrent.

» De retour à Constantinople, Suleyman, nommé professeur de littérature à l'école de guerre, composa des ouvrages philosophiques, une grammaire de langue turque, une histoire générale en

trois volumes et d'autres travaux scientifiques qui le mirent au premier rang des écrivains turcs.

» Il fit, sous les ordres de Rédif-Pacha, la campagne de l'Yémen, à la suite de laquelle il fut promu au grade de général-major et nommé directeur de l'école militaire de Constantinople qu'il réorganisa sur le modèle des établissements similaires européens. La guerre de Serbie éclata au moment où il venait d'être nommé férik; il fut aussitôt chargé du commandement de la division Scharkoï sous les ordres d'Abdul-Kerim qui laissa, dit-on, à son brillant lieutenant, une entière liberté d'action, et celui-ci en profita pour combiner et mener à bonne fin une série d'opérations qui amenèrent la prise d'Alexinatz; ce furent notamment, la bataille de Babina-Glava, la prise de Kniasewatch et la victoire de Djunis. Nommé muschir, à la suite de la campagne de Serbie, en récompense de ses services, il reçut en même temps le commandement en chef de la Bosnie et de l'Herzégovine.

» Lorsque la guerre éclata entre la Turquie et le Monténégro, Suleyman se signala dès le premier jour, par sa fameuse marche de cinq jours à travers le défilé de Duga qui lui permit de s'emparer des hauteurs de Piva et de faire sa jonction avec la division de Scutari dans les plaines de Paulowitz. Il fut appelé en Roumélie au moment où l'ennemi avait emporté la seconde ligne défensive naturelle de l'empire ottoman et approchait de Constantinople. Le gouvernement le portait, dans le moment le plus critique, aux redoutables fonctions de généralissime à la place de l'ancien officier prussien, Mehemet-Ali, dont la retraite sur la rive droite du Lom avait fortement mécontenté les membres du conseil de guerre de Constantinople, qui avait la prétention de diriger les opérations des bureaux du ministère de la guerre. Mehemet-Ali était destitué pour avoir reculé devant les positions des Russes sur le Banicka-Lom, après avoir vainement sollicité des stratégistes en chambre de Constantinople, la coopération du corps de Suleyman-Pacha, alors engagé dans sa lutte acharnée des défilés de Schipka.

» Après la guerre, les mêmes personnages appartenant au vieux parti turc, sentant le besoin de rejeter la responsabilité d'un dénouement qui était avant tout l'œuvre de leur ineptie et de leurs présomptions, recommencèrent leurs intrigues et réussirent à faire traîner Suleyman-Pacha devant une cour martiale composée de leurs créatures.

» Le procès du généralissime ottoman a été publié en France par un écrivain, membre du Corps législatif, sur des documents réunis hâtivement et non contrôlés. Or il se trouve que ces documents avaient été précisément coordonnés par des intrigants, amis et compères des juges de Suleyman et intéressés, comme eux, à égarer l'opinion publique.

» C'est pour réparer cette injustice et rétablir la vérité historique que M. Faust-Lurion est remonté aux sources et a recueilli, dans un volume aussi instructif que consciencieux, les pièces principales de ce procès inique, en les faisant précéder d'un rapide et excellent résumé des événements qui en ont été l'origine.

» M. Amédée Le Faure avait formulé un singulier jugement sur le maréchal turc: « L'accusé, disait-il, n'est pas comme à Versailles, » d'une valeur minime; c'est, à en juger par sa défense, un homme » d'une rare intelligence, coupable sans doute puisqu'il a été con» damné, et nous n'avons pas à discuter le jugement, mais singuliè» rement plus fort que ceux-là même qui l'interrogent et qui le ju» gent. C'est lui qui a dirigé le débat, posé les problèmes, déterminé » les responsabilités. Dans ce plaidoyer remarquable, les questions » les plus élevées de l'art militaire sont discutées avec une netteté, » une précision que l'on ne retrouve pas ailleurs. >>

» Après avoir jugé Suleyman-Pacha aussi favorablement, il est assez étrange que l'auteur de ce panégyrique se soit contenté dans sa conscience d'écrivain militaire, de cette phrase banale: « Coupa»ble sans doute, puisqu'il a été condamné. » Si l'écrivain-député eût cependant tenu compte des vieux procédés despotiques de Constantinople, si, en présence d'un caractère aussi exceptionnel que celui qu'il reconnaissait lui-même dans le condamné, il avait jugé prudent de ne s'en rapporter au rédacteur de la Turquie, que sous bénéfice d'inventaire, il eût facilement découvert l'escamotage des cinq dernières séances de la cour martiale qui dénoncent précisément la mauvaise foi des juges de Suleyman. Voilà le danger du reportage au jour le jour, voilà le mauvais côté des publications qui veulent passer quand même pour les premières et les mieux informées une fois la légende acceptée et propagée, l'histoire moins tapageuse et moins paradoxale a toutes les peines du monde à faire. reconnaitre ses droits.

» La guerre turco-russe de 1877-78 est historiquement condensée dans ces pages d'une lecture facile et attrayante où M. Faust-Lurion rétablit la vérité et rend aux chefs et aux directeurs de l'armée turque la part d'éloge ou de blâme qui leur revient.

» Les développements de l'accusation et de la défense constituent en même temps une excellente étude stratégique dont nous pouvons faire notre profit pour la prochaine guerre.

>> Mais il faut nous garder de tomber dans l'erreur d'Amédée Le Faure qui n'a pu éviter la comparaison banale de Suleyman avec celui du maréchal Bazaine; l'ouvrage de M. Faust-Lurion nous montre combien la comparaison est fautive; en réalité, elle est aussi peu admissible que celle que s'est permise le maréchal Bazaine dans son dernier ordre du jour à l'armée de Metz, en se comparant au Masséna du siège de Gênes.

» Pour notre compte personnel, nous approuvons fort l'auteur du Suleyman-Pacha et son procès de répudier la théorie des « boucs. émissaires » qu'on prend l'habitude chez les nations vaincues de livrer en pâture à l'opinion publique pour sauver la réputation et le prestige des camarades. Ainsi nous ne croirons jamais que la condamnation du maréchal Bazaine ait absout, au point de vue de notre histoire militaire, les deux généraux qui, plus d'un mois avant la capitulation, ont quitté l'armée de Metz pour aller négocier à Ferrières ou à Chislehurst, et tous ceux qui n'ont pas pesé dans les conseils de guerre de Grignon ou du Ban Saint-Martin, sur la volonté du général en chef, pour le déterminer à une attaque générale des lignes prussiennes dans les deux derniers mois du siège.

>> C'est triste à dire, mais en lisant l'intéressant volume de M. Faust-Lurion, on ne peut s'empêcher de penser que si l'armée de Metz eût eu à sa tête le défenseur de Plewna ou le héros de Chipka, il est plus que probable que Frédéric Charles, après avoir donné par écrit le moyen de « combattre les Français » aurait montré en personne comment on se fait battre par l'armée française. Supposez en outre Suleyman dans la peau du Mahdi et voyez ce qu'il adviendrait des Anglais dans le Soudan et en Egypte. N'est-il pas permis de croire que ce Mahdi-là ne se serait pas laissé séduire par la stratégie métallique, qui a si bien réussi avec Arabi, ni par le titre d'émir du Kordofan enrichi de cette restauration du commerce des esclaves qui sera la honte de l'Angleterre dans l'histoire de la fin du dix-neuvième siècle? >>

La France par rapport à l'Allemagne, étude de géographie militaire, un beau volume in-8° d'environ 350 pages. Prix: 6 fr. Bruxelles 1884. Librairie européenne C. Muquardt; Merzbach et Falk, éditeurs, libraires de la Cour et de S. A. R. le comte de Flandre. (Même maison à Leipzig)

L'ouvrage que nous présentons au public civil et militaire a pour objet de rechercher quelles seraient les conditions réciproques et probabilités dans une guerre nouvelle entre l'Allemagne et la France. eu égard à la constitution géographique du territoire français et au système de défense qu'on y a appliqué.

L'auteur, un officier d'état-major général belge, ne se contente. pas d'examiner les éventualités du commencement de la guerre, il discute le développement des opérations dans les diverses hypothèses possibles jusqu'au terme extrême de la lutte, y compris par conséquent le siège et la défense de Paris. Le but qu'il a poursuivi n'est pas de faire une œuvre de polémique ou de critique. Il a entrepris une étude impartiale fondée principalement sur les propriétés militaires intrinsèques du territoire français et sur les enseignements de la guerre de 1870-71.

Dans cette guerre, l'action politique a joué un rôle important et l'on peut croire qu'il en serait sans doute encore de même dans une lutte nouvelle. L'auteur a tenu compte de cet élément et c'est à ce point de vue que son œuvre s'adresse aussi bien au public civil . qu'au public militaire. En France d'ailleurs, depuis 1870 surtout, comme en Allemagne, les questions militaires ont pris une si grande place dans les préoccupations de la nation toute entière, qu'il est inutile d'insister sur l'intérêt que ne peut manquer d'éveiller un ouvrage destiné à élucider des problèmes dont peut dépendre l'avenir des deux peuples.

En ce qui concerne le public belge en particulier, l'ouvrage traite complètement la question plus ou moins romanesque de l'extension de la guerre sur ce territoire. Mais il se distingue des travaux précédents sur le même sujet en ce qu'il ne l'envisage pas au point de vue des obligations qu'impose à la Belgique le maintien de la neutralité, c'est-à-dire dans le but de démontrer une thèse ou l'autre concernant les nécessités de la défense nationale. Ne s'occupant que de la situation réciproque de l'Allemagne et de la France, l'auteur examine l'idée de diriger les opérations par la voie de la Meuse en considérant exclusivement les intérêts de ces deux puissances. Cet examen l'amène naturellement à apprécier l'influence que les dispositifs de défense proposés à Liège ou à Namur, auraient sur la question, et celle-ci se trouve ainsi traitée indirectement et sans parti pris par les polémiques qu'elle a soulevées. Les conclusions sont d'ailleurs discutables.

Il va de soi que ce n'est pas seulement les éventualités qui se rattachent à la violation du territoire belge qui sont considérées. Celles concernant la Suisse le sont aussi dans la partie qui traite de la frontière française contiguë.

Enfin, le concours que l'armée italienne pourrait donner à l'Allemagne est aussi examiné au point de vue de l'influence qu'il aurait sur les manœuvres défensives ou contr'offensives des Français, ainsi qu'à celui des conséquences qui en résultent pour leur système de défense.

On voit, disent les éditeurs, que l'oeuvre s'adresse en général à tous ceux qui comprennent que la connaissance de la situation militaire exacte des diverses puissances de l'Europe est un des éléments essentiels, si pas, de nos jours, le plus essentiel, de la politique internationale.

NOUVELLES ET CHRONIQUE

Par circulaire du 25 février écoulé, le Département militaire suisse prescrit ce qui suit au sujet de l'échange des pantalons, du manteau, ainsi que du sabre portés par les sergents-majors et fourriers de

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