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bre. Mais, selon les rapports parvenus, il occupe une position menaçante près de Munster: il faut l'en chasser.

J'ordonne:

1. Le gros de la division sera à 8 heures du matin en position de rendez-vous près de Wilischwyl.

La cavalerie assure le front et les flancs de la division.

2. Le gros de la division partira de la position de rendez-vous avec une avant-garde, le tout suivant ordre verbal.

3. Le train de combat suivra dès le rendez-vous les troupes engagées, mais à une distance raisonnable. Celui du 16 régiment se rendra seul à Lucerne après le combat.

4. Le parc de division remettra ses munitions au rendez-vous aux voitures des corps. Il doit être prêt à remettre son matériel dès midi à Lucerne. De même, tous les attelages empruntés au parc de division devront être amenés pour midi à Lucerne au parc aux cerfs.

5. Les distributions auront lieu à 8 heures du matin près de Sandblatten. De là les voitures des corps seront expédiées directement avec les hommes de cuisine aux stations de départ. La soupe sera prête pour une heure du soir.

Les chars à bagage suivront les voitures à approvisionnement. Quant au corps du Nord il était aussi massé dans le voisinage de Gunzwyl. Voici la teneur de l'ordre donné par le commandant de ce corps :

1. Le régiment d'infanterie 19 sera à 6 3/4 h. au sud de Gunzwyl, au point 700.

2. Le régiment d'infanterie 20 à 7 h., derrière le régiment 19. 3. Le régiment de dragons à 7 h., à l'aile droite du régiment 19. 4. Le régiment d'artillerie 2 à 7 h., à la sortie nord de Münster. 5. Le régiment d'artillerie 1 à 7 h., sur la route Winon-Mühle

Münster, sa tête au point 654.

6. Le train de combat de l'infanterie suivra les régiments.

7. La colonne de vivres restera jusqu'à nouvel ordre à Reinach, sous le commandement d'un sous-officier de guides.

Le 1er régiment d'artillerie du corps du Nord ouvrit le feu à 9 1/2 heures près de Mooskapelle contre une batterie ennemie à Römerhof. L'infanterie (bat. 55) du corps du Nord ouvrit aussi le feu près de Mooskapelle contre l'infanterie ennemie qui s'avançait par la route de Neudorf.

Le commandant du corps du Nord comprit bientôt que l'attaque principale était dirigée contre sa position du Herlisberg. Les rapports de la cavalerie le confirmèrent dans cette appréciation.

Il lui fallut alors modifier sa formation: il devenait nécessaire de déplacer le gros du corps du Nord, lequel se trouvait près de Gunzwyl et de Mooskapelle.

Le 1er régiment d'artillerie fut placé front à l'est, à environ 500 m.

au nord de Gunzwyl sur la crète d'une colline se dirigeant dès cette localité vers le nord, dans la direction de Niederwyl et Burgi. Le 2o régiment d'artillerie, front à l'est, encore plus au nord sur la même colline.

Les bataillons 58 et 59 étaient postés à 500 m. en avant de l'artillerie. Le bataillon 60 avait deux compagnies devant Gunzwyl et deux compagnies derrière ce village. Les bataillons 55, 56 et 57 étaient en réserve. La cavalerie était en arrière de Gunzwyl.

La marche en avant du 13me régiment d'infanterie du corps du Sud était liée à des difficultés de terrain considérables: il fallait cheminer dans la forêt épaisse et dépourvue de routes du Herlisberg. Il parvint cependant à triompher de ces obstacles.

Le 16me régiment d'infanterie se déploya dans la direction d'Adischwyl.

Arrivée à 10 3/4 h., toute la VIIIme brigade d'infanterie était déployée entre le ravin de Witwyl et Adischwyl, front à l'ouest.

Immédiatement à l'arrière du 16me régiment on vit pointer la tête de colonne de l'artillerie qui avait dû déployer les plus grands efforts pour gravir le Herlisberg. Elle se déploya derrière l'infanterie de la VIIIme brigade, à droite et à gauche du groupe de maisons d'Adischwyl.

Après avoir tiré quelques coups contre l'artillerie ennemie à 2500-2800 m., le combat fut terminé.

En considération des préparatifs à faire pour le licenciement des unités de la IVme division, on ne poussa pas plus loin les opérations. On ne vit donc que les préparatifs de l'attaque mais non point une exécution.

Ainsi se terminèrent les manœuvres de la quatrième division.

Le général français Margueritte.

En même temps que la Suisse inaugurait à Genève le monument du général Dufour, la France consacrait à Fresnes-en-Woëvre, cheflieu de canton du département de la Meuse, le monument élevé au brillant général de cavalerie Margueritte, qui fut blessé mortellement devant Sedan le 2 septembre 1870 et mourut quatre jours après au château de Beauraing, en Belgique, chez Mme la duchesse d'Ossuna.

Le général Margueritte avait alors quarante-sept ans. C'était le plus jeune général de division de l'armée et l'un des plus beaux soldats de France.

Impossible de parcourir une histoire de militaire plus éloquente dans sa sécheresse que la liste des états de services du général Margueritte.

Le 15 janvier 1823, il naît à Manheulle, petit village à quinze cents mètres de Fresnes, dans la plus modeste, la plus pauvre maison du village, une de ces maisons de paysan lorrain dont le sol n'est que de la terre battue, sans parquet ni carreaux.

A huit ans, son père, un simple gendarme, l'emmène avec lui en Algérie, où l'appelle son service.

A quinze ans, il s'engage lui-même aux gendarmes d'Afrique, où il reste trois ans, puis il entre aux spahis avec le grade de souslieutenant.

L'année suivante, en 1843, il est décoré, à vingt ans ! Puis, malgré son âge, on l'envoie à Téniet-el-Hâd comme chef du bureau arabe.

Deux ans après, en 1846, il passe lieutenant au 3o régiment de spahis.

En 1851, il est nommé capitaine et commandant supérieur du cercle de Téniet-el-Hâd.

En 1855, il va commander le cercle de Laghouat, où il demeure jusqu'en 1861, époque à laquelle il rentre en France avec le grade de lieutenant-colonel au 12 régiment de chasseurs.

Puis il part pour le Mexique, d'où il revient colonel au 3e chasseurs d'Afrique.

Général de brigade et commandant la subdivision d'Alger en 1867.

Le 30 août 1870, enfin, il est nommé général de division, par le même ordre qui nommait le général de Gallifet, son ami et compagnon d'armes, général de brigade.

Deux jours après, sur le plateau d'Illy, en ayant de Sedan, il est frappé mortellement d'une balle en plein visage, au moment où il allait charger avec sa division sur les masses prussiennes qui s'avançaient rapidement à sa rencontre.

Un témoin oculaire, son officier d'ordonnance, le lieutenant Revérony, a laissé une relation saisissante de cette belle mort de soldat.

<< Vers deux heures, le général fit arrêter la division derrière un mamelon au sud du village de Floing; il continua à s'avancer de sa personne dans la direction de l'ennemi. En arrivant sur la crête d'un léger mouvement de terrain, nous fûmes assaillis par une grêle de balles et nous vimes les Prussiens s'avançant rapidement et en groupes serrés sur la pente au sommet de laquelle nous nous trouvions. Le général arrêta son cheval et le fit tourner à droite, offrant par conséquent le côté gauche à l'ennemi. Je me trouvais à sa gauche et tout près de lui, lorsque tout d'un coup je le vis tomber violemment la face contre terre. »

La balle avait pénétré par la joue gauche et était ressortie par la

joue droite, atteignant le palais, déracinant quelques grosses dents et coupant une partie de la langue.

Cependant l'officier, aidé par Jean, l'ordonnance, parvient à faire remonter le général sur son cheval, sous une grêle de balles tirées de très près, les Prussiens avançant toujours et visant le groupe comme une cible, et le ramène enfin vers sa division.

En apercevant le général grièvement blessé, tous, officiers et soldats, baissent respectueusement leurs sabres; puis, la consternation faisant place à la rage, un même cri s'échappe de toutes les poitrines :

« Vive le général! vengeons-le ! »

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C'est alors que le blessé se redresse soutenu par le lieutenant Revérony et par son ordonnance remercie de la tête et trouve encore la force de montrer l'ennemi avec le bras gauche et de crier de sa pauvre bouche mutilée, qui crache les dents dans un flot de

sang:

«En avant! >>

C'est cet héroïque mouvement que le sculpteur Albert Lefeuvre a reproduit dans la belle statue que l'on inaugurait le 2 juin à Fresne.

Margueritte est représenté debout, l'épée tendue vers l'ennemi et soutenu par un chasseur d'Afrique dont le bras lui entoure la taille, dont le genou lui maintient la jambe.

Les principaux épisodes de la vie du héros sont retracés dans des bas-reliefs qui ornent le piédestal en marbre des Vosges, haut de six mètres. On y lit: Laghouat Téniet-el-Had Krour-el-Haïram Ain-Mahdi Djelfa

Gardaia

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Milianah

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San Lorenzo San Gablo del Monte. Pont-à-Mousson Sedan. C'est une belle œuvre, d'une mâle et grande beauté.

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Cette statue a été élevée par souscription, avec la pièce de bronze, d'argent ou d'or d'amis ou d'inconnus, gens riches ou pauvres, soldats, généraux, paysans, artistes, industriels, professeurs, femmes, enfants.

Chose curieuse et touchante, un très grand nombre de ces souscriptions, le tiers au moins, arrivèrent d'Afrique, et de longues séries de noms algériens, aux arabesques compliquées, vinrent s'inscrire sur les listes, en regard des noms français, glorieux ou inconnus, réunis dans une pensée commune.

C'est que, si le général Margueritte avait laissé dans l'armée la renommée d'un héros, le souvenir que les Arabes avaient gardé de lui tenait du fanatisme.

Le général Margueritte, en effet, fut avant tout un Africain. Toute sa carrière militaire, depuis l'âge de huit ans, et ces deux campa

gnes excepté, celle du Mexique et la dernière, celle de Sedan, s'est écoulée en Algérie.

<< Il appartient à l'Algérie, a dit son fils dans le livre ému et émouvant qu'il a publié sous ce titre : Mon père; il a laissé son empreinte là-bas, vigoureuse et nette.

<< Avant tout, il est Arabe, lui aussi. Comme eux, il aime le cheval, la course et le désert, les tours de force dont l'audace semble narguer la carcasse humaine et tenter tout ce qu'elle peut risquer sans mourir. Toute sa vie d'enfant, d'homme, s'est écoulée dans la profonde étude, l'absolue connaissance de l'Algérie. C'est un des rares Français qui aient vraiment compris, deviné ce pays et les moyens de le dominer, de le coloniser, d'y être redoutés, respectés, aimés. »

Après s'être montré soldat intrépide et chef habile et prudent sur maints champs de bataille, le général Margueritte fit preuve à Téniet-el-Hâd et surtout à Laghouat de toutes les qualités d'un organisateur de premier ordre.

Nul ne comprit mieux l'état social du peuple arabe, nul ne pénétra plus profondément son caractère intime, nul ne sut trouver avec plus de perspicacité son point faible, l'endroit par où on pouvait le prendre et le dominer.

Enfin, et par dessus tout, il avait cette intrépidité naturelle, ce mépris hautain du danger, qui sont pour l'Arabe les premières vertus de l'homme.

Chasseur passionné, il ne se contenta point de chasser le lièvre ou la poule de Carthage, voire l'autruche; il a passé de nombreuses nuits à l'affût du lion et de la panthère.

Il a même raconté ses chasses dans un volume récemment réimprimé, les Chasses de l'Algérie, un volume amusant et instructif, écrit d'un style sobre et coloré à la fois un vrai livre de chasseur et de soldat.

Le 2 juin, à Fresnes, on se montrait, avec un respect attendri, la veuve et les deux enfants du général Margueritte, qui étaient venus de Paris, où ils habitent, assister à la glorification de celui qu'ils pleurent depuis treize ans.

Parmi les discours prononcés au pied du monument devant une foule considérable, on cite entr'autres ceux de M. le général Février, commandant du 6e corps d'armée, de M. le chef d'escadron Reverony, ancien officier d'ordonnance de Margueritte, aujourd'hui instructeur-chef à Saumur, et de M. le colonel Lichtenstein, délégué du président Grévy. Un banquet a réuni, dans la soirée, de nombreuses notabilités militaires et civiles, où de chaleureuses paroles ont encore été échangées.

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