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'questions.

CHAPITRE II.

Continuation du chapitre précédent. Questions d'identité; déterminer si la ressemblance entre une personne et une autre dont on ignore le sort peut attester ou non que cette personne est la même que celle qui a été perdue ou que l'on cherche quoiqu'elle n'ait aucun titre à son appui?

Utilité de ces §. LXIII. CETTE grande question peut être plus souvent agitée qu'on ne pense. Je la vois sous les yeux des tribunaux, au moment même où j'écris cet article, en la personne d'une dame dite de Champignelles, veuve Douhault, qui prétend qu'ayant été dans un état léthargique pendant cinq jours, à la suite d'une prise de tabac où l'on avait mêlé de la poudre de stramonium, on profita de ce temps pour introduire dans sa maison un cadavre étranger, la faire pour morte, et lui contester depuis cette époque, 15 janvier 1788, jusqu'à présent, la qualité de vivante (1).

Au civil,

passer

On peut être réellement ce que l'on se prétend, et n'avoir ni titres, ni possession cons

(1) Journal de l'Empire, no 63, février 1810.

tante d'état; avoir été inscrit sous de faux noms, ou comme né de père et mère inconnus. Les titres s'égarent facilement dans les temps de troubles, comme nous en avons eu tant d'exemples; des inadvertances, des omissions, ou de fausses désignations se commettent avec la même facilité par ceux qui sont chargés des registres publics or il peut arriver qu'un héritier légitime, revenu après une longue absence, soit écarté par des collatéraux, par défaut de titres suffisans et de pos

session constante.

Autre cas. Le véritable héritier étant mort. depuis longues années en pays étranger, il peut survenir tout à coup un aventurier audacieux, qui, à l'abri de faux titres, ou de titres dérobés, ou sous le voile de la ressemblance, cherchera à s'emparer, soit d'un nom illustre, soit d'une succession à laquelle il n'a pas le moindre droit.

Ceux qui possèdent pour autrui ne prescri→ vent point par quelque laps de temps que ce soit (1), et l'absent qui paraît ou dont l'existence est prouvée, même après l'envoi définitif en possession, c'est-à-dire, depuis trente ans depuis l'envoi provisoire, ayant droit de recouvrer ses biens dans l'état où ils se trouvent, ou le prix de ceux qui auraient été aliénés, ou les biens provenant de l'emploi qui aurait été fait du prix de ses biens vendus (2); que de changemens ne peuvent pas s'opérer

(1) Code Napoléon, S. 2258.

(2) Ibid. §, 132—129, etc., de l'absence.

Au criminel.

dans un aussi long intervalle de temps? que de facilité à oublier les traits, les mœurs, les circonstances de la personne qu'on croyait perdue, et qui apparaît inopinément? que de contemporains moissonnés par la mort, dont le témoignage aurait été le plus efficace pour découvrir la vérité?

Aux enfans qu'on a crus morts, et qui se sont présentés pour succéder, munis des titres les plus spécieux, il faut ajouter les exemples d'enfans qui ont été changés en nourrice; d'enfans provenant d'une supposition de part; d'enfans qui, ayant été nourris et élevés par des personnes bienfaisantes, en ont voulu faire conclure pour la filiation, après la mort de ces personnes, au préjudice de leurs héritiers légitimes; enfin, l'on a vu des déclarations de père et mère, en faveur de leurs prétendus enfans, par un concert de fraudes entre l'enfant qui veut s'introduire dans la famille, et le père ou la mère qui lui tendent les bras, afin de frustrer leurs héritiers naturels ; des mères surtout ayant quelquefois le plus grand intérêt à favoriser la supercherie; ou deux personnes vivant en concubinage et voulant persuader qu'il y a eu un mariage entre eux! etc., etc. Les questions d'identité sont donc les mêmes que celles de filiation, et réciproquement.

§. LXIV. Ces questions présentent le même intérêt en matière criminelle, pour ne pas dire un intérêt majeur. Si, au civil, il s'agit de l'honneur et de la fortune, il s'agit ici souvent de la vie; il faut assurer la liberté et la sûreté des citoyens, empêcher qu'à la faveur d'un

trompeur signalement on ne prenne un innocent pour un coupable, ou qu'un vrai coupable n'échappe à l'action vengeresse des lois.

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Plus d'une fois deux ou plusieurs personnes ayant sans doute un signalement ressemblant ont été prises et condamnées pour le même crime par des tribunaux différens. La loi actuelle, forte de l'expérience, a prévu le cas en ordonnant : «< Que lorsqu'un accusé aura été condamné pour un crime, et qu'un autre «< accusé aura aussi été condamné par un autre «< arrêt comme auteur du même crime; si les deux arrêts ne peuvent se concilier, et sont la preuve << de l'innocence de l'un ou de l'autre condamné, « l'exécution des deux arrêts sera suspendue, quand même la demande en cassation de l'un «< ou de l'autre arrêt aurait été rejetée..................

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ladite cour, section criminelle, après avoir « vérifié que les deux condamnations ne peu« vent se concilier, cassera les deux arrêts, et << renverra les accusés, pour être procédé sur « les actes d'accusation subsistans, devant une « cour autre que celles qui auront prononcé les deux arrêts (1). »

La loi a prévu aussi le cas où il pourrait y avoir condamnation pour un homicide, tandis que la personne supposée homicidée serait vivante: elle a ordonné que la cour s'occupât uniquement de la reconnaissance de l'existence et de l'identité de cette personne, pour être constatées par interrogatoire, par audition de témoins, et par tous les moyens propres à

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mettre en évidence le fait destructif de la condamnation, l'identité ou la non identité (1).

Dans le cas d'arrestation d'un condamné évadé et repris, la reconnaissance de l'identité de cet individu doit être faite par la cour qui a prononcé sa condamnation; il en est de même de l'identité d'un individu condamné à la déportation ou au bannissement, qui a enfreint son ban et est repris, le jugement ne peut être rendu qu'après l'audition des témoins, appelés tant par le ministère public, que par l'individu repris, et qu'en audience publique, en présence de l'accusé, lequel encore la faculté de se pourvoir en cassation (2).

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<< S'il importe, a dit à ce sujet l'orateur du « Gouvernement, que le crime n'échappe pas « à la peine que la loi inflige, il n'importe pas « moins à la sûreté individuelle et à la tranquillité du citoyen de pouvoir, dans le cas possible d'une arrestasion qui pourrait n'être fondée que sur une méprise, causée par une « de ces décevantes ressemblances qui ont trop « souvent égaré la justice, et lui ont préparé « de si vifs et de si vains regrets, de pouvoir, dis-je, trouver dans une procédure légale << une ressource assurée contre le prestige qui «< aurait mis son honneur, sa vie où sa fortune « en danger.

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« Le besoin d'une telle procédure se fit sentir légalement vers la fin de l'an 8, et « excita la sollicitude du tribunal criminel de

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(1) Code d'inst. crimin. S. 444.

(2) Ibid. §. 518, et Code pénal. §, 33 et 17.

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