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que rien ne lui convenoit mieux, à elle et aux intérêts de mon petit-fils, que la parfaite intelligence que vous entretiendriez avec mon ambassadeur à Madrid. Je n'estimois pas moins cet esprit d'union dont je croyois être assuré, que les autres qualités que je trouvois en vous. Mais votre lettre des 21 et 26 janvier, détruit l'opinion que j'avois de cette bonne correspondance. Si elle ne peut se rétablir entre le cardinal d'Etrées et vous, je ne prétends pas vous contraindre à essuyer tous les chagrins que vous prévoyez d'une division très-nuisible aux affaires générales; et plutôt que de vous exposer, comme vous le craignez, à de nouveaux embarras, je vous accorde dès à présent, la permission de venir ici me rendre compte de toutes choses, avant que d'aller à Rome, lorsque vous desirerez de vous y retirer pour votre

repos.

A PHILIPPE V.

7 mars 1703.

J'AI reçu vos deux lettres du 18 et du 22 février. Je n'ai point été fâché de voir combien vous avez été sensible à celles que vous avez reçues de moi. Je vous ai écrit en père qui vous aime tendrement, qui aime votre gloire et vos

intérêts. Travaillez à l'un et à l'autre, et je serai content. Mais je vous avoue que je ne le puis être, lorsque des bagatelles et des querelles particulières traversent les affaires essentielles. Oubliez les sujets que vous croyez avoir de vous plaindre du cardinal d'Etrées : vous n'en avez point, je vous en assure. Suivez ses conseils ; je ne l'aurois pas envoyé auprès de vous, si je n'avois su certainement que votre gloire et votre service seroient son unique vue. Au milieu de l'affliction que vous me témoignez et qui doit présentement cesser, je vois que V. M. et la reine souhaitent, que la princesse des Ursins demeure auprès d'elles. Je ne m'y oppose pas; mais obligez-la pour votre bien, de vivre dans une grande intelligence avec mon ambassadeur. Il seroit peu convenable, et pour ainsi dire, ridicule aux yeux de toute l'Europe, de changer à tous momens les ministres que j'emploie en Espagne. Songez jusqu'où doit aller la confiance dont je suis obligé de leur faire part. Quand ce ne seroit pas le cardinal d'Etrées, il seroit nécessaire pour mon service et pour le vôtre, d'avoir le même égard pour tout autre que j'emploierois. Parlez, je vous prie, à la reine, dans le sens que je vous écris. Elle est plus capable que personne de se rendre à la raison. Croyez

ŒUV. DE LOUIS XIV. TOME VI.

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tous deux que ma tendresse pour vous est très-grande, et que je suis plus touché que vous ne le pouvez être, du chagrin que je suis obligé de vous témoigner. Mais je ne vous aimerois pas comme je dois vous aimer, si je le déguisois.

A LA PRINCESSE DES URSINS.

29 avril 1703.

MA COUSINE, si je doutois de votre zèle et de votre fidélité, je n'aurois pas conseillé au roi et à la reine d'Espagne, de vous retenir à Madrid. Comme j'en suis assuré, j'ai lieu de croire que votre séjour y sera utile pour le bien de mon service et de celui du roi mon petitfils. Vous ne pouvez mieux confirmer l'opinion que j'ai, que par votre union avec le cardinal d'Etrées, honoré de ma confiance, chargé de mes ordres en Espagne. Vous devez être persuadée que je serois bien aise, de faire connoître la satisfaction que j'aurai de votre con, par de nouvelles marques de mon es

duite, par

time et de mon affection.

A PHILIPPE V.

5 mai 1703.

EXPLIQUEZ-MOI librement vos pensées et vos embarras je vous donnerai mes avis avec la même sincérité ; je ne sais pourquoi vous m'en demandez de nouveaux sur la crainte que vous avez de décider. Il me semble que je vous ai plusieurs fois conseillé de la surmonter. Je serai fort aise de savoir que vous parliez en maître, et de ne plus entendre dire qu'il faut qu'on vous détermine sur les moindres bagatelles. Il vaut presque mieux pour vous, de faire des fautes légères en vous conduisant par vos propres mouvemens, que de les éviter en suivant trop exactement ce qu'on vous inspire. Vous voyez que je suis bien éloigné de vous reprocher, d'avoir trop bonne opinion de vous-même. Je vous assure que je serai content quand vous voudrez véritablement gou

verner.

AU MARECHAL DE VILLARS.

Versailles, le 14 mai 1703.

MON COUSIN, les difficultés presque insurmontables qui rendoient depuis si long-temps

la jonction de mes troupes avec celles de l'élec teur de Bavière incertaine, l'importance dont il étoit d'y réussir, la joie que ce prince en a eue, doivent vous faire juger quelle peut être ma satisfaction. Votre frère vous informera encore plus particulièrement de mes sentiet vous connoîtrez, par ce qu'il vous dira, qu'en continuant à me servir comme vous faites, vous aurez lieu de tout espérer. Je ne saurois assez vous recommander pour l'électeur de Bavière, tous les égards qui sont dus à son rang, et que mérite sa fermeté dans ses engagemens.

mens,

Vous savez de quelle utilité peut m'être son alliance, le danger qu'il y auroit de la perdre, et les effets que la mésintelligence entre vous et lui pourroit produire; les assurances que vous m'avez données dans votre dernier voyage, et que vous m'avez réitérées tant de fois par écrit depuis ce temps-là, me donnent lieu d'espérer que le concert parfait dans lequel vous agirez, fera une révolution entière dans l'Alle magne; et j'ai lieu de croire que les premiers effets de votre jonction, détermineront les cercles de Suabe et de Franconie à demander une neutralité; que les petits princes, et ceux qui ont été entraînés par la crainte, vous feront de semblables propositions.

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